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L’incendie de la clinique psychiatrique de Bruz, il y a 30 ans
À Bruz, près de Rennes, un ancien moulin transformé en clinique psychiatrique fut le théâtre d’un terrible incendie le 25 juin 1993. Vingt personnes y ont perdu la vie.
L’incendie du 25 juin 1993
La chambre d’isolement 22, au premier étage du bâtiment principal de la clinique psychiatrique de Bruz (Ille-et-Vilaine), est occupée par une patiente agitée. Un peu avant 0 h 30, des cris et une odeur de brûlé proviennent de cette chambre. Lorsque le personnel de garde ouvre la porte, un nuage de fumée se libère. Il s’engouffre dans tout l’étage de ce bâtiment central et, très vite, atteint le deuxième étage via l’escalier en bois, voisin de la chambre.
« Le personnel se jette dans un incessant va-et-vient pour réveiller et évacuer la quinzaine de pensionnaires répartis aux 1er et 2e étages », écrit René Dosne dans Face au Risque n° 296 (octobre 1993). Pas si simple car les patients sont étourdis par des calmants et les portes des chambres sont verrouillées (tout comme les fenêtres), comme l’imposent les règles de la clinique. Le gardien se précipite pour en ouvrir un maximum.
Lorsque les premiers sapeurs-pompiers arrivent, à 0 h 47, c’est déjà le chaos. L’escalier du 1er étage est en feu et l’incendie se propage au 2e étage puis aux combles qui s’embrasent à leur tour. L’incendie est alimenté par de nombreux matériaux fortement combustibles : les linoléums recouvrant les sols, les planchers et charpentes en bois… Des malades, coincés dans leur chambre, se manifestent aux fenêtres.
A priori, l’aile voisine du bâtiment principal, comportant deux étages et des combles et comptant 19 chambres, ne semble pas gagnée par l’incendie car aucune fumée n’en sort. En réalité, indique René Dosne, ce bâtiment « est devenu une véritable chambre à gaz », dont les pensionnaires ne peuvent s’échapper. La fumée s’est propagée à chaque niveau de l’aile par le couloir central non recoupé communiquant avec le bâtiment principal en feu.
Coté bâtiment principal, la lutte contre le feu se renforce. Dans le même temps, des pompiers privilégient les sauvetages mais les victimes se multiplient. À 1h36, le plan blanc est activé. Au petit matin, un bilan encore provisoire fait état de 17 morts (dont une aide-soignante), 35 blessés et un disparu. Le corps de ce dernier sera retrouvé dans les décombres. Puis deux autres personnes décéderont des suites de leurs blessures portant le bilan définitif à 20 morts.
Des questions sur la Commission de sécurité
Cet établissement psychiatrique, ERP de type U de 4e catégorie, ne disposait ni de système d’alarme, ni de désenfumage, ni de portes coupe-feu, ni d’escalier encloisonné…
L’établissement a été créé en 1959 puis agrandi en 1965, portant sa capacité à 72 lits. En 1972, la Commission de sécurité préconise de réaliser l’encloisonnement de l’escalier « au fur et à mesure des travaux de réfection et de transformation », sera-t-il mentionné lors du procès. Travaux que cette même Commission affirmera effectués un an plus tard, alors qu’il n’en est rien !
Bien que la réglementation exige une visite de la Commission de sécurité tous les 3 ans, la dernière date de 1984. Elle soulève des problèmes de non-conformité, à nouveau évoqués, semble-t-il, lors d’un exercice en 1987.
D’importants travaux sont envisagés mais ils ne sont finalement pas réalisés suite notamment à un litige entre les propriétaires d’alors et la Sécurité sociale.
En 1990, l’établissement est racheté par Medipsy, une filiale de la Compagnie générale des eaux, qui gérait en France une douzaine de cliniques. Enfin des travaux sont engagés. Un chantier d’extension démarre en avril 1993. Cette extension, une fois achevée, devait accueillir les pensionnaires, le temps de rénover et de mettre en conformité les anciens bâtiments… Trop tard !
La sécurité des patients vs la sécurité incendie
Dans cette clinique psychiatrique, le verrouillage des portes et des fenêtres des chambres empêchait les patients de sortir la nuit et les protégeait des tentatives de défenestration.
Mais ce dispositif de sécurité les a piégés soit dans leur chambre, soit dans les couloirs irrespirables. L’ouverture des fenêtres aurait facilité l’évacuation des fumées.
Le procès
Sur les neuf prévenus qui ont comparu devant le tribunal correctionnel de Rennes en juin 1996, sept ont été condamnés.
Le PDG de la clinique, son directeur technique et financier et l’architecte ont écopé des peines les plus lourdes : 18 mois de prison avec sursis et 30 000 F d’amende. Le maître d’œuvre a été condamné à 6 mois de prison avec sursis et une amende de 30 000 F.
Le chef de corps des sapeurs-pompiers chargé d’organiser les visites de la Commission de sécurité s’est vu infliger une peine amnistiable de 6 mois de prison avec sursis. L’ancien maire de Bruz et celui en place au moment des faits ont dû s’acquitter d’une amende de 20 000 F.
Ce procès a mis en évidence la prédominance de la rentabilité financière sur la sécurité. Compartimentage, désenfumage, matériaux résistant au feu, alarmes et fermeture de portes coupe-feu asservies à une détection auraient empêché une telle hécatombe, concluait René Dosne.
Article extrait du n° 593 de Face au Risque : « Évacuation et mise à l’abri » (juin 2023).
Martine Porez – Journaliste
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