Portes coupe-feu, élément essentiel de la protection du risque incendie
Les portes coupe-feu sont présentes dans tous types de bâtiments et sous différentes formes. Reste à connaître leur fonction au sein d’un bâtiment ou encore leurs spécificités.
Le rôle d’une porte coupe-feu
Pour définir les besoins et les enjeux liés aux portes coupe-feu une source interne chez CNPP (qui réalise, notamment, des essais de conformité sur les postes résistant au feu) nous apporte les premières précisions.
« Les réglementations prévoient de compartimenter les bâtiments pour éviter la propagation de l’incendie. Il y a des règles de surfaces et de distances à respecter. On cloisonne les locaux pour éviter la propagation mais aussi pour faciliter l’évacuation du public. Cela est prévu dans les différentes réglementations. Globalement, on utilise les portes coupe-feu pour compartimenter », nous est-il rapporté.
À titre d’exemple, c’est l’un des points de la stratégie mise en place par OVHcloud dans son plan « hyper résilience » : l’enjeu d’une partie de sa nouvelle politique de sécurité incendie réside dans le compartimentage de ses datacenters nouvelle génération, parmi lesquels figure SBG5 (inauguré le 12 septembre 2022 à Strasbourg).
« Une porte coupe-feu a pour objectif de protéger les personnes et les biens de la propagation du feu et éventuellement des fumées. »
David Palmero, directeur commercial de Malerba.
« De manière générale, une porte coupe-feu a pour objectif de protéger les personnes et les biens de la propagation du feu et éventuellement des fumées, selon le principe du compartimentage, tout en facilitant l’évacuation des personnes », renchérit David Palmero, directeur commercial chez Malerba, fabricant français spécialisé dans la conception de portes coupe-feu.
Concernant les portes, elles doivent satisfaire des essais de résistance au feu selon l’arrêté du 22 mars 2004. « Les portes sont passées au four pour essayer de réussir l’essai sur la durée de résistance voulue par l’industriel. Un procès-verbal de résistance au feu est délivré (en cas de succès) », nous précise- t-on à CNPP.
La norme NF EN 1634-1+A1 (mars 2018), couplée à la norme NF EN 1363-1 (février 2020), fixe par ailleurs la méthodologie des « essais de résistance au feu et d’étanchéité aux fumées des portes, fermetures, fenêtres et éléments de quincailleries », ajoute Afnor.
La partie mécanique des portes également testée
Outre la résistance au feu, la partie mécanique des portes fait également l’objet d’un test particulier. Afin d’obtenir un procès- verbal DAS (dispositif actionné de sécurité), en plus de la résistance au feu, les portes doivent ainsi satisfaire les tests selon la série de normes NF S 61-937 (1,2,3 et 4).
L’ensemble des équipements qui seront montés sur la porte (tels que les éléments moteurs, les fermes portes, les pivots ou encore les ventouses…) sont alors testés. « C’est ce qu’on appelle le procès-verbal des aptitudes à l’emploi des mécanismes, communément appelé le PV DAS » confirme-t-on au sein de CNPP.
La porte DAS ferme alors selon les scenarii attendus par la réglementation (détection incendie ou autre). « Il y a une centrale, appelée CMSI (centralisateur de mise en sécurité incendie), qui va gérer la fonction ‘compartimentage’ » ajoute-t-on à CNPP, avant d’apporter une précision complémentaire sur les portes DAS.
« Elles doivent être visuellement reconnaissables. C’est pour cela qu’elles doivent porter, sur leur face apparente en position d’ouverture, une plaque signalétique bien visible permettant d’identifier que c’est une porte DAS maintenue ouverte avec une ventouse et qu’elle est asservie au système de sécurité incendie (SSI). On sait alors qu’elle va se fermer de manière automatique selon les scenarii définis dans la réglementation. »
« Pour être utilisé dans un ERP, ce bloc-porte DAS doit faire l’objet d’une certification NF, laquelle comprend une obligation de résistance au feu, une obligation de classement DAS et une obligation d’équipement avec des quincailleries DAS certifiées NF S61-937, complète David Palmero. Cette certification est réalisée par CNPP sous l’égide d’Afnor. Les blocs-portes DAS assurent le compartimentage et le passage d’un compartiment à un autre. En ce sens, ils sont un élément clé de la gestion du risque incendie. »
Pare-flamme ou coupe-feu ?
Il existe une différence fondamentale entre une porte coupe-feu et une porte pare-flamme. « En passant au four, il y a un premier critère qui est l’étanchéité aux gaz et flammes. Ce qu’on appelle le pare-flamme, qui a un critère “E” (étanchéité aux gaz et fumées chaudes), relate notre interlocuteur de CNPP. La porte est rendue étanche grâce aux joints intumescents, qui vont gonfler avec la chaleur (foisonnement) et qui vont remplir les jeux de fonctionnement autour des portes. »
Résistance au feu des portes
S’agissant des portes coupe-feu, un critère d’isolation thermique (« I ») s’ajoute au critère d’étanchéité aux gaz et fumées chaudes. « Une porte coupe-feu est donc forcément pare-flamme », nous fait-on savoir.
David Palmero illustre quant à lui la différence entre porte pare-flamme et porte coupe-feu : « Un bloc-porte E30 (pare-flamme) empêche la propagation du feu pendant 30 minutes mais n’empêche pas la surface de la porte ou son huisserie de devenir chaude, voire très chaude. »
La multirésistance des portes
Coupler une résistance à l’effraction, balistique ou à explosion en plus de la résistance au feu est concevable pour une porte. Des différences non négligeables doivent cependant être prises en compte, comme l’épaisseur ou le poids de la porte.
« Pour un vitrage coupe-feu qui ferait 3 centimètres d’épaisseur par exemple, on peut arriver à 6 centimètres en ajoutant une résistance à l’effraction et jusqu’à 10 centimètres avec une résistance balistique. Les portes en aluminium ou en acier sont plus épaisses si elles doivent couvrir plusieurs types de risques (feu + effraction + options balistique et explosion). En étant plus épaisses, elles sont de fait plus lourdes », déclare à ce sujet Thierry Guth, chef produit menuiseries de sûreté chez Fichet Group, fabricant français de solutions de haute sécurité.
« Sur une porte multirésistances, chaque risque doit être testé indépendamment dans des laboratoires agréés. »
Thierry Guth, chef de produit menuiseries de sûreté Fichet Group.
Il précise par ailleurs que sur une porte multirésistances « chaque risque doit être testé indépendamment dans des laboratoires agréés tels que CNPP pour la résistance à l’effraction » pour s’assurer de sa résistance.
Il conclut sur le fait que « les portes, aussi lourdes soient-elles, doivent être fonctionnelles et pouvoir être utilisées au quotidien. Et en fonction des configurations elles doivent permettre l’évacuation d’urgence et l’accès des personnes en situation de handicap ».
Les temps de résistance
La résistance au feu peut s’exprimer sur différentes durées. Une porte peut par exemple être certifiée pour une résistance au feu pendant 30 minutes (et être « EI30 »), 1 heure (« EI60 ») ou encore 2 heures (« EI120 »).
De nouvelles portes disposant d’une résistance au feu de 4 heures ont par ailleurs vu le jour ces dernières années. Elles se font peu à peu une place sur le marché, notamment en raison de l’apparition d’entrepôts qui se veulent de plus en plus grands… Ce qui
Passage d’un test sur une porte multirésistances (incluant le coupe-feu) au sein d’un laboratoire agréé.
inclut l’apparition de cellules de compartimentages de plus en plus importantes en superficie et donc une exigence réglementaire plus stricte en termes de temps.
« Dans un entrepôt logistique, avec des cellules d’au moins 12 000 m², les murs doivent être recoupés par des portes EI240 (4 heures). Il faut fournir des murs et des portes coupe-feu 4 heures. On est passé d’une porte DAS EI120 (2 heures) de chaque côté du mur à une solution avec une seule porte EI240 », nous fait savoir Philippe Giorgi, directeur commercial chez Novoferm Lutermax (fabricant de solutions coupe-feu).
Cette tendance au gigantisme a d’ailleurs été soulevée récemment sur notre site internet par Emmanuel Mignot, directeur de Fivo Services (installateur et mainteneur de fermetures coupe-feu) et président du comité de certification Apsad I16 et F16 « installation et maintenance porte coupe-feu » :
« Les évolutions vont vers le gigantisme dans les entrepôts. Nous passons aujourd’hui à des surfaces de 80 000 m². Il en existe aussi de 100 000 m², 130 000 m² ou de très rares de 180 000 m². Et cela commence à augmenter les dimensions des portes coupe-feu car les entrepôts sont plus grands, plus hauts, voire sur 2 étages, les chariots sont aussi plus grands… Tout augmente. C’est essentiel pour les acteurs du secteur de faire des économies d’échelle ».
Les différences de matériaux
Métal, bois, verre, aluminium… différents matériaux peuvent être utilisés pour concevoir une porte coupe-feu. Cette diversification des matériaux peut notamment s’expliquer pour des besoins esthétiques, comme au sein de bâtiments destinés à regrouper des bureaux par exemple.
« Aujourd’hui les portes coupe-feu sont de plus en plus peintes, pour des raisons esthétiques. »
Fabrice Galland, directeur général de Portafeu.
« Autant les blocs-portes vitrés ou bois sont les bienvenus dans des espaces de bureau, autant les blocs-portes métalliques sont plutôt réservés aux locaux techniques et aux parkings, ainsi qu’à un usage extérieur », confie David Palmero.
Pour la partie esthétique, la variation des couleurs est également de plus en plus visible en raison de la demande des clients. « Il y a quelques années, les portes coupe-feu n’étaient pas peintes. Aujourd’hui elles le sont de plus en plus pour des raisons esthétiques », nous explique ainsi Fabrice Galland, directeur général de Portafeu (fabricant de portes coupe-feu).
David Palmero apporte toutefois une nuance pour d’autres secteurs d’activité. « Dans un hôpital par exemple, l’esthétique passe loin derrière la capacité du bloc-porte à gérer les accès, à résister aux coups de chariots, à limiter le dépôt des poussières et à être facile d’entretien ». L’affaiblissement acoustique, la résistance à l’effraction, aux chocs ou la facilité d’entretien font également office de critères de choix.
À noter que peu importe le ou les matériaux utilisés (métal, bois, verre…) pour la conception d’une porte, le fait qu’une certification lui soit accordée valide sa résistance au feu pour la durée définie. « L’efficacité d’une porte coupe-feu ne dépend pas de la matière. Qu’importe la matière, si une porte coupe-feu est certifiée 2 heures, sa résistance au feu sera de 2 heures », conclut Emmanuel Mignot.
Article extrait du n° 592 de Face au Risque : « Qui sont les chargés de sécurité ? » (mai 2023).
Eitel Mabouong – Journaliste
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