Portrait. Entrée en piste du responsable sécurité opérationnelle
Baptiste Mouth, 40 ans et sapeur-pompier volontaire depuis une vingtaine d’années, est responsable sécurité opérationnelle pour l’aéroport Bâle-Mulhouse (EuroAirport). Il fait partie de ceux qui ont répondu au Baromètre CNPP-Face au Risque 2023 et revient pour nous sur son parcours, ses missions, son métier. Rencontre.
Au départ, il ne s’orientait pas du tout vers la sécurité. Baptiste Mouth, lui, voulait être ingénieur dans le sport automobile. Son bac STI Génie mécanique en poche, il a intégré les classes préparatoires Maths sup/Maths spé, option TSI (technologie et sciences industrielles), avant d’entrer en école d’ingénieur. « J’ai fait un an, mais je n’arrivais pas à trouver ma place. » C’est à cette époque qu’il veut devenir officier de sapeur-pompier et il décide de s’inscrire à l’université de Mulhouse pour une licence puis une maîtrise en génie de l’environnement, option gestion des risques industriels.
Parcours
Ses diplômes validés en 2004 puis 2005, il devient animateur HSE dans une entreprise de tuyauterie industrielle puis responsable sécurité dans une entreprise de fondations spéciales et abandonne l’idée de devenir sapeur-pompier professionnel.
En 2008, passionné par la formation et la gestion du risque incendie, il monte sa société de conseils et formation dans le domaine. Il travaille pendant plus de 10 ans avec tous types de clients des secteurs de la chimie, de l’industrie, des collectivités et même l’EuroAirport, son employeur actuel.
En 2019, le poste de chef SSLIA (service de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs) s’ouvre à l’aéroport Bâle-Mulhouse. Il y voit une opportunité et intègre ainsi l’EuroAirport en janvier 2019. En 2020, suite à une évolution organisationnelle de l’entreprise, il devient responsable sécurité opérationnelle. Il passe le cycle technique Incendie (CT Inssi) en 2021-2022 et suit plusieurs formations en sécurité aéroportuaire, via l’École nationale de l’aviation civile (Enac).
En cas d’intervention, j’essaie d’être avec mon équipe sur le terrain. Étant sapeur-pompier volontaire, ça me permet de garder un pied dans l’opérationnel.
Baptiste Mouth
Responsable sécurité opérationnelle pour l’aéroport Bâle-Mulhouse
Son poste
Aujourd’hui, rattaché au directeur des opérations, il a ainsi en charge :
- le SSLIA, qui compte 36 pompiers intervenant « côté piste ». 8 sapeurs-pompiers sont sur place H24, tous les jours de l’année ;
- les Ssiap, qui assurent la réponse opérationnelle « côté ville », c’est-à-dire dans l’aérogare. Ils sont 16 en provenance d’une entreprise sous-traitante ;
- la sécurité côté piste, avec deux chargés de sécurité sur ces missions pour la gestion des permis, des autorisations de conduite, la sécurité du tarmac…
- la prévention du péril animalier, à savoir tout ce qui concerne la gestion de la faune et des risques associés côté piste. Ce service compte quatre personnes.
Les risques
Baptiste Mouth gère la réponse opérationnelle de l’aéroport en cas d’incident ou accident via les Ssiap coté ville. «Il s’agit d’un ERP de première catégorie. J’assure le suivi du marché de sous-traitance, la gestion des procédures ou l’organisation d’exercices d’évacuation par exemple. C’est le service système de management de la sécurité qui gère la commission de sécurité», explique-t-il.
Il gère aussi la réponse opérationnelle côté piste, via le SSLIA. « Notre dernière grosse intervention était liée à un problème de dépressurisation sur un avion de ligne, raconte-t‑il. Nous intervenons aussi pour des secours à personnes, des départs de feu, des fuites de kérosène, éclatements de pneu, colis suspect s’il s’agit d’un colis chimique, écoulement de produit chimique dans les soutes… »
Par ailleurs, particularité de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, plusieurs entreprises sont spécialisées dans l’entretien et l’aménagement d’avions d’affaires et de services.
« Ils ont des équipes de première intervention mais dès que le sinistre est confirmé, c’est le SSLIA qui intervient avec le Service d’incendie et de secours (SIS68). Avec un risque financier qui est très important puisqu’un avion aménagé peut avoisiner le milliard d’euros », explique Baptiste Mouth.
Concernant la gestion du péril animalier, il a été formé pour réaliser l’analyse de risque pour la plateforme et les procédures de gestion associées. Même si cela peut paraître complexe, le service technique de l’aviation civile reste en soutien pour aider les aéroports dans le domaine. « Certaines compagnies nous auditent tous les 6 mois pour le péril animalier. C’est un risque qui devient majeur dans l’aéronautique. Le coût des dégâts engendrés par les impacts aviaires sur les aéronefs est en forte croissance. »
Ses missions
À 75 %, c’est de la gestion de l’humain, avec la gestion de conflits, l’organisation des gardes… « On fait aussi beaucoup de suivi réglementaire, de mise à jour de procédures, puisque notre domaine d’activité est très strict en la matière et la réglementation évolue très vite. »
Pour rester informé, le responsable sécurité opérationnelle peut s’appuyer sur une veille réglementaire réalisée en interne et un juriste. « On a aussi des groupes d’échanges entre chefs SSLIA et je suis actif au sein de l’UAF (Union des aéroports français), où l’on échange énormément. » La DGAC donne également régulièrement des informations sur des modifications ou évolutions.
Baptiste Mouth s’occupe aussi de l’achat du matériel dont il a besoin pour ses équipes (extincteurs, ARI, camions, matériel de secours à victimes…) et de nouvelles missions entrent dans son giron. « Nous avons sur le site un cargo terminal. Il s’agit d’une ICPE de stockage soumise autorisation au titre de la rubrique 1111 et je suis en charge de la gestion des secours et de l’organisation des exercices, en collaboration avec le service environnement qui gère le suivi des émissions. »
Il travaille par ailleurs en étroite collaboration avec le SIS68, appelé en renfort quand l’intervention prend de l’ampleur, et son homologue responsable de la sûreté opérationnelle, également rattaché au directeur des opérations. « Une intervention incendie sur la plateforme peut rapidement impacter la sûreté de la plateforme, et vice versa », souligne-t-il.
Les indicateurs
Pour assurer la gestion de ses risques, le responsable sécurité opérationnelle suit plusieurs indicateurs, notamment:
- les taux d’impact et la gravité pour le péril animalier (1,8 pour 10 000 mouvements en 2022) ;
- les temps de réponse des sapeurs-pompiers puisqu’en cas de « déclenchement de sirène aéronautique, on doit pouvoir rejoindre tous les points opérationnels des pistes en moins de 3 minutes. C’est chronométré et testé deux fois par an » ;
- le taux d’indisponibilité des véhicules et notamment des 4 véhicules d’intervention mousse (VIM) ;
- les accidents de travail, arrêts maladie…
Ici on applique la culture juste. On ne sanctionne pas quelqu’un qui a fait une erreur dès lors qu’il l’a admis et alerté très rapidement.
Baptiste Mouth
Responsable sécurité opérationnelle pour l’aéroport Bâle-Mulhouse
Projets
En 2023, Baptiste Mouth a commencé à mettre en place un suivi renforcé des sapeurs-pompiers de son service SSLIA, avec test à l’effort encadré et mesure de la VO2 max (volume d’oxygène maximal que l’organisme est capable d’absorber pour subvenir à ses besoins lors d’un effort physique). « L’Easa, l’Agence européenne de la sécurité aérienne, a émis il y a quelques années une recommandation qui demande une VO2 max de 35 ml/min/kg minimum. On a décidé d’évaluer chaque agent cette année via un test à l’effort et de se fixer des objectifs. »
Il a également commencé l’évaluation de la maîtrise de l’anglais de ces personnels, puisque « toute personne qui va en piste, c’est-à-dire 100 % de mon personnel, doit maîtriser l’anglais ». Tous, y compris lui, suivent d’ailleurs des cours d’anglais chaque semaine, adaptés à l’aéronautique. « C’est indispensable pour pouvoir communiquer avec la tour de contrôle, les pilotes et surtout comprendre ce qui se passe sur la piste. »
Les incontournables du métier
Pas de recette miracle, mais des conseils. Pour être un bon responsable sécurité, il faut tout d’abord, selon lui, un minimum de connaissances dans le domaine. «Quand on gère des pompiers, c’est vital. C’est très difficile d’avoir du leadership sans légitimité», confie-t-il.
Un bon responsable sécurité doit également être ouvert d’esprit, pouvoir anticiper et être bon en communication. Pour faire accepter les consignes notamment.
Enfin, il doit être proche du terrain. « J’essaie de l’être autant que faire se peut. En cas d’intervention, j’essaie d’être avec mon équipe sur le terrain. Étant sapeur-pompier volontaire, ça me permet de garder un pied dans l’opérationnel. » Le retour terrain est aussi très important selon lui. « Ici on applique la culture juste. On ne sanctionne pas quelqu’un qui a fait une erreur dès lors qu’il l’a admis et alerté très rapidement », conclut-il.
Article extrait du n° 592 de Face au Risque : « Qui sont les chargés de sécurité ? » (mai 2023).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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