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« Essoc : je crois que de gros progrès ont été accomplis »
En 2022, la FFMI a réélu Régis Cousin à sa tête tout en produisant son premier livre blanc sur « les enjeux de la sécurité civile et de la sécurité incendie ». Nous avons interrogé le président sur quelques sujets brûlants du moment.
L’article 49 de la loi Essoc visait à faciliter la réalisation des projets et favoriser l’innovation dans la construction. Cinq ans après son adoption et la traduction dans la réglementation des deux ordonnances Essoc, quel est votre regard sur l’esprit de cette loi vis-à-vis de la sécurité incendie dans les bâtiments ?
Au final, il y a eu co-construction de la loi Essoc entre l’Administration et la sphère privée, (…) de gros progrès ont été accomplis. Néanmoins (…) la démarche n’est peut-être pas plus simple que le choix de règles prescriptrices.
Régis Cousin
Président de la FFMI
Régis Cousin. Le périmètre visé par la loi Essoc, qui consistait à inventer de nouvelles relations entre l’État et le public avec notamment la consécration d’un droit à l’erreur, était extrêmement vaste. L’une des propositions était de construire plus vite, plus simplement et moins cher. Malheureusement, l’approche des réformateurs a été trop rapide et parfois réductrice. On ne peut pas traiter la sécurité incendie de la même manière et au même niveau que les autres critères, comme la performance acoustique ou énergétique, parce que l’incendie est un risque grave. La sécurité incendie s’est construite au cours du temps par un empilement de règles au fur et à mesure des retours d’expériences. Cela a abouti à une espèce de millefeuille pas toujours forcément lisible, mais qui reste pertinent dans ses résultats. On ne pouvait donc pas ouvrir largement la boîte de Pandore pour créer de toutes pièces une option alternative à la voie très codifiée de la réglementation incendie basée sur une obligation de moyens. Nous avons donc pesé pour une consultation plus large, incluant les experts de l’incendie, et effectué un gros travail pour limiter le champ d’application de la loi et le réserver aux domaines où existe une expertise avérée et encadrée.
Au final, il y a eu une co-construction du texte avec l’Administration et la sphère privée, et je crois qu’aujourd’hui de gros progrès ont été accomplis. Néanmoins, lorsqu’on examine les garde-fous et les procédures pour mener à bien un dispositif de solution d’effet équivalent, on s’aperçoit que la démarche n’est peut-être pas plus simple que le choix de règles prescriptrices.
Dans le domaine de la construction, la FFMI propose d’intégrer une formation dédiée à la sécurité incendie dans le cursus des architectes. Existe-t-il un défaut de sensibilisation sur ce sujet ?
À la suite du drame de Grenfell, l’Angleterre a prévu d’ajouter un module de sécurité incendie dans la formation des architectes. Nous proposons que la France s’en inspire.
R. C. Nous nous sommes demandé s’il ne serait pas pertinent que les architectes, qui sont à l’origine de l’acte de construire, aient une sensibilité au risque incendie un peu plus ancrée. Il faut savoir qu’au cours de leur cursus initial, le corps des architectes ne croise pas le sujet de la sécurité incendie de manière très forte. Ce n’est clairement pas une priorité.
À la suite du drame de la tour Grenfell à Londres, le modèle anglais a prévu d’ajouter un module de sécurité incendie dans la formation des architectes. Nous proposons que la France s’inspire aussi de ce retour d’expérience. Si notre proposition a été très bien reçue au ministère de la Culture, qui assure la tutelle de l’ordre national des architectes, il nous a été conseillé d’aller porter la bonne parole dans les différentes écoles d’architecture. Un discours quelque peu démotivant car ce n’est pas à nous de faire cela. Il faudrait une véritable action de l’État sur le sujet.
LA FFMI a récemment lancé un appel à Olivier Klein, ministre du Logement, pour demander la parution prochaine du rapport d’évaluation relatif à la mise en place la loi rendant obligatoire la présence des détecteurs autonomes avertisseurs de fumée (Daaf) dans les logements. Pourquoi cette démarche ?
R. C. Je précise que cet appel au ministre a été lancé conjointement avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et l’Association des brûlés de France. Les incendies domestiques sont un phénomène auquel nous sommes très sensibilisés : plus de 90 % des victimes d’un incendie sont à déplorer en habitation. Nous avons été très mobilisés dans les années 2000 pour réduire le risque d’exposition à l’incendie dans la sphère domestique. Cela a débouché sur cette loi votée en 2010 et entrée en vigueur en 2015. Depuis, l’effet lié à ce texte est retombé. Aujourd’hui, au-delà de l’efficacité opérationnelle des détecteurs installés, il y a un risque d’affaiblissement du comportement de chaque citoyen vis-à-vis de sa propre sécurité incendie. C’est pourquoi nous demandons la publication du rapport d’évaluation de la loi, confié au Centre scientifique et technique du bâtiment, qui est, à notre grand étonnement, en cours de finalisation depuis plus d’un an… Ce rapport devrait permettre d’avoir une vision plus juste de la situation, et surtout de faire une piqûre de rappel sur le risque incendie en habitation. L’une des mesures que nous proposons, ce serait d’ajouter une opération supplémentaire dans le diagnostic électrique, au moment de la mutation d’un bien immobilier, pour contrôler et tester le ou les Daaf présent(s) dans le logement. Une opération simple, pour un surcoût négligeable, mais qui renforcerait l’efficacité du dispositif.
Le risque incendie lié aux batteries de technologie lithium-ion est-il un sujet de préoccupation ?
R. C. Pour nous, il y a 2 sujets : une nouvelle source d’incendie, avec toute la diversité et la pluralité des formes de ces batteries, notamment liées à l’électrification des mobilités. Et l’autre aspect, c’est l’électrification des véhicules d’intervention.
Au niveau du risque incendie, j’ai la crainte qu’il y ait une désynchronisation entre, d’un côté les calendriers politique et médiatique affichés, et le temps de la recherche scientifique et du développement industriel de l’autre. Si l’on doit arrêter la production de véhicules thermiques en 2035 pour passer au tout-électrique, aura-t- on une réponse pratique et opérationnelle suffisante pour garantir un niveau de sécurité équivalent à ce que nous connaissons aujourd’hui ?
J’ai aussi alerté les autorités sur le fait qu’il fallait une approche globale : actuellement, tout un tas de personnes travaillent sur ces sujets, mais sans jamais se parler. Cela souffre d’une sous-coordination évidente. Les nouveaux véhicules électriques vont en priorité se concentrer dans les zones à faibles émissions, donc dans les centres urbains. Comme ce sont des zones denses, ces véhicules seront parqués en souterrain. Cela risque d’être compliqué pour garantir une réponse, que ce soit par rapport au développement de l’incendie ou aux pompiers qui vont intervenir.
À la FFMI, nous sommes simplement faiseurs de solutions, nous rendons réel ce qui a été imaginé d’un point de vue doctrinal. Nous ne pouvons imaginer des solutions seuls, nous nous devons de coopérer avec la sphère publique. Sur le plan de l’électrification des véhicules d’intervention, le second sujet, il subsiste un grand nombre d’interrogations. Pour l’essentiel : pour quelles performances et à quel prix ?
La nouvelle norme NF S 61-942 « alarme menace », d’application volontaire, permet la greffe de matériels de sûreté sur les équipements incendie. Quelle a été la réflexion à la base de cet aboutissement ?
R. C. À la suite des attentats de 2015, les pouvoirs publics ont réagi très rapidement en disant qu’il fallait prévoir des dispositions contre le risque attentat. Dans le climat très anxiogène qui s’est installé, certains vendeurs de sécurité à la sauvette en ont profité : on a vu des dispositifs sortis de nulle part, très hétérogènes, à la qualité non contrôlée, mis en œuvre par n’importe qui et qui venaient parfois détériorer les équipements de sécurité incendie déjà installés. Une catastrophe !
En tant que président de la FFMI, j’ai considéré que c’était à nous de nous emparer du sujet, en nous appuyant sur nos solutions technologiques qui sont pertinentes, performantes et fiables. Certes, il subsiste un problème de doctrine car, contrairement à l’incendie, le risque considéré est à la fois polymorphe et mouvant. L’idée de cette norme est donc de proposer – et non d’imposer ! – un catalogue de solutions qui s’appuient sur notre savoir-faire. La force de cette norme est de proposer une complémentarité entre le risque incendie et ce nouveau risque constitué par l’attentat.
Article extrait du n° 592 de Face au Risque : « Qui sont les chargés de sécurité ? » (mai 2023).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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