Photovoltaïque : garanties et responsabilités en cas de sinistre

13 avril 20236 min

Dans le cadre de la sortie des énergies fossiles et du développement des énergies renouvelables, la réglementation est venue renforcer dans certains cas l’obligation d’installer des panneaux solaires sur les ouvrages. En cas d’incendie, quid des garanties et des responsabilités ?

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Les obligations de la loi Climat et Résilience

Promulguée le 22 août 2021, la loi n° 2021-1104 renforce les obligations d’installation de panneaux photovoltaïques ou de toitures végétalisées sur les entrepôts, les hangars et les parkings, afin de mobiliser pleinement ce potentiel qui permet de développer les énergies renouvelables sans consommer d’espace. Cette loi étend l’obligation aux nouveaux entrepôts, hangars et parkings couverts et extérieurs de plus de 500 m², ainsi qu’aux nouveaux immeubles de bureaux de plus de 1 000 m².

L’obligation concerne également les rénovations lourdes de ces bâtiments. De plus le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, actuellement en débat devant le Parlement, prévoit l’obligation pour les parkings extérieurs de plus de 80 places (cette obligation s’applique actuellement aux parkings dont la surface est supérieure à 2 500 m²) d’être équipés d’ombrières intégrant un procédé d’énergies renouvelables. Des dérogations s’appliquent cependant aux parkings de poids lourds.

Dès lors, nombre de professionnels vont être dans l’obligation de respecter ces nouvelles dispositions, d’où l’intérêt d’examiner quelques-uns des problèmes juridiques soulevés par l’installation des panneaux photovoltaïques.

Le risque de sinistralité

En dépit d’améliorations tant dans la conception que dans l’installation des panneaux photovoltaïques, la sinistralité de ceux-ci reste assez élevée, surtout lorsqu’ils sont installés en toiture. Leur assurance est d’ailleurs toujours boudée par les professionnels du secteur, selon L’Argus de l’Assurance. Les risques sont généralement liés à des problèmes d’infiltrations par manque d’étanchéité, mais on observe également des dysfonctionnements électriques, des surchauffes, voire des incendies dans certains cas. Ce risque de sinistralité amène à se poser deux questions :

  • est-il possible de se fonder sur le droit de la construction et des présomptions de responsabilité qui y figurent et notamment les articles 1792 et suivants du code civil ?
  • les dispositions du code civil sur la responsabilité des produits défectueux sont-elles applicables ?

Ce régime de responsabilité qui est issu d’une directive européenne est très particulier. La faute du producteur n’a pas à être prouvée ; la victime doit simplement démontrer son dommage, le défaut de sécurité du produit, le lien de causalité entre son dommage et le défaut de sécurité du produit pour que la responsabilité du producteur soit retenue. La victime peut aussi se retourner contre la personne lui ayant vendu le produit.

Parking solaire - Crédit: Nema78-AdobeStock

Un projet de loi prévoit l’obligation pour les parkings extérieurs de plus de 80 places d’être équipés de panneaux photovoltaïques.

Le droit de la construction

La Cour de cassation vient d’apporter une réponse à la première question dans une décision en date du 21 septembre 2022 (Cass. 3e civ., n° 21-20 433). Il s’agissait d’une affaire concernant les panneaux photovoltaïques Scheuten Solar équipés des boîtiers de connexion Alrack. Ces boîtiers étaient défaillants et il y a eu des sinistres et contentieux sur l’Europe entière compte tenu de ces défaillances.

La construction immobilière a ses propres règles dont deux sont très importantes : la durée de la garantie est décennale et l’article 1792 pose une présomption de responsabilité du constructeur. C’est-à-dire qu’en cas de sinistre, c’est à ce dernier de prouver qu’il n’est pas fautif dans la construction :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit (…) des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »

Le contenu de cet article est cependant nuancé par les dispositions de l’article 1792-7 : « Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792‑2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. »

Dans l’affaire soumise à la censure de la Cour de cassation, une entreprise avait donc fait poser des panneaux solaires qui avaient nécessité le changement de la toiture. Des boîtiers de connexion se sont autodétruits sans qu’il y ait eu de propagation de l’incendie.

La Cour de cassation a décidé que « les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment ». Elle a ensuite ajouté que « le risque avéré d’incendie de la couverture d’un bâtiment le rend impropre à sa destination ».

La Cour de cassation a en conséquence jugé que l’assureur du constructeur devait garantir l’acquéreur des conséquences des défaillances des boîtiers. Elle a donc strictement appliqué les dispositions du code civil applicable aux opérations de construction.

« La Cour de cassation a jugé que l’assureur du constructeur devait garantir l’acquéreur des conséquences des défaillances. »

La responsabilité des produits défectueux

C’est une seconde décision provenant cette fois-ci de la cour d’appel de Riom en date du 11 octobre 2022 qui apporte des éclaircissements sur l’application de la responsabilité des produits défectueux définis aux articles 1386-1 anciens et suivants du code civil et sur les dispositions propres aux vices cachés de l’article 1641 du même code.

L’installation litigieuse était constituée des mêmes panneaux solaires que ceux ayant fait l’objet de la décision de la Cour de cassation visée ci-dessus et la société les ayant posés était la société Systèmes Solaires. L’assureur de l’entreprise avait financé le remplacement des panneaux photovoltaïques déficients et cherchait à mettre en cause la responsabilité des assureurs des sociétés Scheuten Solar et Alrack, compte tenu des défaillances de ces sociétés.

La cour de Riom a décidé de retenir la responsabilité de Systèmes Solaires sur le fondement des vices cachés et sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle a ensuite estimé que tant Scheuten Solar que Alrack avaient mis en circulation des produits défectueux et que leur responsabilité avait été engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle a en revanche débouté l’assureur de Systèmes Solaires de son action contre les assureurs des deux fabricants Scheuten Solar et Alrack, compte tenu des dispositions figurant aux divers contrats d’assurance.

Les acquéreurs de panneaux photovoltaïques ne sont donc pas dépourvus de recours contre les installateurs en cas de défectuosité des installations. Mais il faut qu’avant tout contrat, ils examinent attentivement les clauses éventuelles destinées à écarter ou à diminuer la responsabilité du prestataire dont ils devront vérifier également la couverture assurantielle.


Article extrait du n° 588 de Face au Risque : « Panorama des risques 2022-2023 » (décembre 2022 – janvier 2023).

Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour

Thibault du Manoir de Juaye

Avocat à la Cour, spécialiste de la sécurité et de la sûreté dans l’entreprise

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