Organisations patronales de la sécurité privée : vers l’unité

10 mars 202310 min

La profession a surmonté les divisions de ses organisations patronales qui avaient défrayé la chronique durant plusieurs décennies. Place aujourd’hui à une parole unifiée pour être mieux entendue par les pouvoirs publics.

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Maturité de la profession

Les organisations patronales de la sécurité privée – qui étaient jadis à couteaux tirés – parlent désormais d’une seule voix.

« Les syndicats professionnels sont enfin rassemblés, ce qui va leur permettre d’entamer une démarche collective sur des sujets cruciaux et d’être mieux écoutées par les autorités de tutelle. Nous avons fait beaucoup de chemin en peu de temps. Nous sommes désormais dans un cercle vertueux : plus on est rassemblés, plus nous sommes écoutés », nous déclare avec une certaine satisfaction Jean-Christophe Chwat, président de la Fédération française de la sécurité privée (FFSP).

En mai 2022, il a en effet réussi son pari : faire adhérer ou faire revenir quatre syndicats crédités d’un poids important.

Il s’agit tout d’abord du GES, un poids lourd actif dans la surveillance humaine, qui est lui-même le résultat du rapprochement du Snes et de l’USP intervenu en 2019.

Le Sesa, qui regroupe les sociétés de sûreté aéroportuaire, constitue également un renfort important puisqu’il avait démissionné de la FFSP en 2020 à la suite de divergences avec un adhérent.

Autre revirement : Fedesfi (transport de fonds) qui avait quitté la fédération en 2016 pour des raisons assez similaires.

Enfin, l’Ufacs (formation en sécurité), née du rapprochement d’Unafos et de FPS en octobre 2021 a également adhéré à la FFSP.

Un rassemblement régulièrement salué par les pouvoirs publics, satisfaits d’avoir enfin en face d’eux un interlocuteur unique et représentatif. Longtemps en queue de peloton, la France s’est désormais hissée à un niveau comparable pour la configuration des instances patronales par rapport à d’autres pays européens.

Pour autant, la FFSP « n’est pas le syndicat des syndicats », explique Jean-Christophe Chwat : par exemple, elle ne participe pas aux négociations salariales avec les partenaires sociaux, mais concentre son travail sur des sujets transversaux comme l’attractivité de la profession ou sa féminisation. Il cite également l’acceptation par le ministère de l’Intérieur des propositions de la FFSP concernant la composition de la commission d’expertise du Cnaps, l’agence de régulation de la profession.

Quelques nuances cependant

Une étape positive est donc désormais franchie, avec le seul bémol de la démission en novembre dernier de l’ADMS (Association des métiers de la sécurité), notamment en raison de la réforme des statuts de la FFSP qu’elle a contesté. « Nous avions constaté une évolution surprenante et inquiétante depuis quelque temps : la FFSP parlait en notre nom sur toutes sortes de sujets, alors qu’elle ne doit pas se substituer aux organisations membres », explique Sofiane Aboubeker, président de l’ADMS.

« La profession a été longtemps éclatée, ce qui nous a porté préjudice. Les quelques petites sautes d’humeur de certains ne sont pas importantes », estime pour sa part Jean-Christophe Chwat. Dernière profession encore divisée : le transport de fonds avec la cohabitation de Fedesfi et d’USP Valeurs, dont les adhérents se comptent sur les doigts d’une main, car ce métier est extrêmement concentré. Les signes favorables se multiplient pour leur rapprochement au cours de cette année.

À noter que la division des organisations patronales n’a jamais affecté la sécurité incendie avec une Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI), toute puissante, rompue à la pratique du lobbying, efficace et unifiée.

Security Guard Or Agent Standing At Entrance - Crédit: Andry Popov/AdobeStock

Ces rapprochements ont déjà porté leurs fruits avec par exemple la réforme du Cnaps qui a pris en compte les recommandations des professionnels. Le prochain défi est d’accroître l’attractivité de la profession pour un recrutement massif d’agents en vue des grands événements sportifs à venir.

Dialogue constructif avec les pouvoirs publics

« La mésentente entre le Snes et l’USP qui passaient plus de temps à s’opposer entre eux qu’à être force de proposition, montrait que la profession n’était pas encore mature », nous affirme Jean-Baptiste Thélot, président du Sesa.

« Durant la guerre d’ego qui a sévi à l’époque de l’USP et du Snes, la défense de la profession a été oubliée. Avec la création du GES, la profession dispose d’une organisation patronale forte, unique et représentative », déclarait Luc Guilmin, lorsqu’il a pris la présidence de ce syndicat début 2021.

« Indéniablement, la profession a fait des progrès, mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous avons maintenant une certaine écoute parlementaire, qui malheureusement ne se traduit pas toujours dans la loi », ajoute le président du Sesa, en faisant référence à la loi Sécurité globale adoptée au printemps 2021 qui n’a pas repris toutes les réformes initialement entérinées par les députés. Notamment l’instauration d’une garantie financière pour les sociétés de sécurité privée. En revanche, il cite la dernière réforme du Cnaps qui a largement tenu compte des recommandations des professionnels. « Nous n’avons pas vocation à nous opposer aux pouvoirs publics mais à leur mettre la pression et à construire avec eux », estime-t-il.

« Nous n’avons pas vocation à nous opposer aux pouvoirs publics mais à leur mettre la pression et à construire avec eux. »

Jean-Baptiste Thélot, président du Sesa.

Même constat de la part de Patrick Lanzafame, président du GPMSE, qui regroupe les sociétés de sécurité électronique et de télésurveillance : « La profession a pris conscience de la nécessité de s’organiser et de s’unir. Le dialogue avec les pouvoirs publics est aujourd’hui constructif, même si tout n’est pas parfait », affirme-t-il. Et de citer des signaux positifs comme la réunion de Gérald Darmanin avec les organisations de la sécurité privée en novembre 2021 – une première – ou les récentes déclarations du ministre de l’Intérieur définissant la profession comme la « quatrième force de sécurité dans le pays » – une première également.

« Jamais, nous n’avons eu ce dialogue gagnant-gagnant : nous sommes désormais dans le concret », renchérit Jean-Christophe Chwat.

« La perméabilité plus grande entre les différents métiers, notamment la surveillance humaine, la sécurité électronique et la cybersécurité, impose une meilleure coordination entre les professionnels. »

Fruits de ses efforts depuis de nombreuses années pour être reconnue par les pouvoirs publics comme représentative dans la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, l’ADMS (Association des métiers de la sécurité) a obtenu ce statut en octobre 2021.

Elle a été créditée d’une représentativité de 6,36 % aux côtés de GPMSE (télésurveillance) qui obtient 8,96 %, du Sesa (sûreté aéroportuaire) qui bénéficie d’un taux de 9,79 % et du GES (surveillance humaine) qui domine la profession avec 74,89 %. L’ADMS, qui présente la particularité de regrouper des sociétés de surveillance humaine et de sécurité électronique, souligne qu’elle pèse réellement plus lourd que le niveau attribué.

En effet, les statistiques du ministère du Travail étaient basées sur les adhérents de 2019, alors que l’organisation affirme que sa surface économique a été multipliée par cinq depuis cette date, grâce au ralliement de plusieurs ténors de la profession. Tentée un moment de contester son pourcentage de représentativité, l’ADMS semble y avoir renoncé et se prépare pour la détermination de la prochaine répartition qu’elle espère plus favorable.

Vers une évolution favorable

D’ailleurs, un faisceau de facteurs favorables se manifeste. « La perméabilité plus grande entre les différents métiers, notamment la surveillance humaine, la sécurité électronique et la cybersécurité, impose une meilleure coordination entre les professionnels. Les barrières techniques et sécuritaires vont tomber, mais cela implique un gros travail d’apprentissage », analyse Patrick Lanzafame.

Ces rapprochements se sont par exemple manifestés durant la crise sanitaire. Le métier de la sûreté aéroportuaire avait été complètement oublié par les pouvoirs publics durant les premiers mois de confinement en 2020. À l’époque, le discours du Gouvernement était que l’aide accordée à Air France allait bénéficier à tout le secteur aérien et aéroportuaire, ce qui n’était évidemment pas réaliste.

Pour la première fois, le Sesa a donc décidé de s’intégrer avec une autre organisation pour peser davantage : elle participe aux actions de l’Association des métiers aéroportuaires (AMA), créée en 2021, qui regroupe les organisations et entreprises gravitant dans l’écosystème des aéroports, comme le ravitaillement des avions, le nettoyage, le catering, les magasins en détaxe, etc. Jean-Baptiste Thélot, président du Sesa, est également vice-président de l’AMA, et se félicite des retombées des actions de lobbying entamées.

Par ailleurs, les enjeux de sécurité « sont devenus tels que l’État prend davantage en considération la profession », souligne de son côté le président du GPMSE, en s’appuyant sur l’exemple des Jeux olympiques de 2024 durant lesquels les besoins en agents de sécurité atteindront un volume inédit. Des discussions intenses se déroulent d’ailleurs depuis plusieurs mois entre les instances patronales et les pouvoirs publics pour trouver les effectifs nécessaires à la sécurisation des prochains grands événements sportifs.

Le président de la FFSP va dans le même sens : « Ces événements vont accélérer le fameux continuum de sécurité entre les sphères publique et privée, ce qui symbolisera la meilleure considération dont bénéficie aujourd’hui la profession. Jamais l’État n’a eu autant la volonté de dialoguer avec nous », estime-t-il. Jean-Christophe Chwat met également en avant le travail « quotidien main dans la main » avec les clubs de directeurs sécurité que sont le CDSE et Agora. Une évolution décisive en cette période d’inflation où le prix des prestations de sécurité augmente et implique des négociations délicates avec les donneurs d’ordres.

Cependant, la sécurité privée est encore handicapée par un manque d’attractivité – salaires peu attrayants, image peu valorisante – si bien que les recrutements s’avèrent difficiles alors que la période implique une mobilisation importante des agents de sécurité et des techniciens en sécurité électronique. Un travail de fond auquel les organisations patronales s’attellent désormais avec davantage d’énergie.

« Jamais l’État n’a eu autant la volonté de dialoguer avec nous. »

Jean-Christophe Chwat, président de la FFSP.

Le président de la FFSP va dans le même sens : « Ces événements vont accélérer le fameux continuum de sécurité entre les sphères publique et privée, ce qui symbolisera la meilleure considération dont bénéficie aujourd’hui la profession. Jamais l’État n’a eu autant la volonté de dialoguer avec nous », estime-t-il. Jean-Christophe Chwat met également en avant le travail « quotidien main dans la main » avec les clubs de directeurs sécurité que sont le CDSE et Agora. Une évolution décisive en cette période d’inflation où le prix des prestations de sécurité augmente et implique des négociations délicates avec les donneurs d’ordres.

Cependant, la sécurité privée est encore handicapée par un manque d’attractivité – salaires peu attrayants, image peu valorisante – si bien que les recrutements s’avèrent difficiles alors que la période implique une mobilisation importante des agents de sécurité et des techniciens en sécurité électronique. Un travail de fond auquel les organisations patronales s’attellent désormais avec davantage d’énergie.


Article extrait du n° 590 de Face au Risque : « Contrôle d’accès, mener son projet » (mars 2023).

Patrick Haas

Journaliste et directeur d’En Toute Sécurité

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