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Incendie à l’hôpital de Decazeville
Le 20 mai 2022, un incendie éclate au 2e étage du corps ancien de l’hôpital de Decazeville (Aveyron). La réactivité du personnel permet d’effectuer les évacuations avant l’arrivée des secours. Les conséquences du sinistre vont entraîner une réorganisation temporaire de l’établissement…
Les combles en feu
Il est 12 h 37 le vendredi 20 mai 2022 lorsque les sapeurs-pompiers reçoivent un premier appel provenant du centre hospitalier de Decazeville (Aveyron). En transit, le chef de groupe signale un fort panache de fumée et des flammes. Il confirme les moyens engagés et demande un chef de colonne, indiquant la nécessité de faire monter rapidement l’intervention en puissance. Il indique « un toit complètement embrasé ». À ce message transmis peu avant 13 h va succéder quelques minutes plus tard un second indiquant : « Feu de toiture sur bâtiment ancien, évacuation des patients et des résidents en cours, un engin-pompe sur les lieux, un second et une échelle aérienne, deux VSAV [véhicule de secours et d’assistance aux victimes] demandés ».
De nombreux appels parviennent au Codis (Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours), la progression du feu, sur ce haut bâtiment situé sur un plateau dominant le secteur, devenant particulièrement visible.
Parti de l’extrémité sud, le feu remonte rapidement vers le nord de l’aile, embrasant successivement les fenêtres des combles et perçant en toiture.
Évacuer patients et résidents de l’Ehpad
13 h 19, « Feu de comble avec propagation à l’étage inférieur ». Tous les patients sont évacués vers l’aile nord.
Deux lances sont en manœuvre par l’intérieur et une en cours d’établissement sur échelle. Le feu doit être bloqué au niveau de sa communication vers deux autres corps de bâtiments auxquels le bâtiment sinistré est relié. Par ailleurs, une propagation à leurs toitures n’est pas écartée.
Bientôt, prenant de la puissance après avoir percé la toiture, le feu crée une inversion de tirage, « purgeant » les couloirs environnants et freinant un enfumage horizontal.
À 13 h 33 : « Je confirme violent feu de toiture dans bâtiment R+2 -1 concernant l’aile sud. Le feu a percé. Tous les patients ont été transférés vers l’aile nord opposée. Poursuite des reconnaissances. »
Le feu emplit de ses gaz chauds une portion de toiture plus élevée qui va s’embraser à son tour. Elle abrite, entre-autres, la machinerie d’un ascenseur. Le bâtiment accolé est heureusement un peu plus bas et à toiture-terrasse. Le feu sera stoppé là. Il est 14 h 08. 500 m² de toiture sont embrasés, une trentaine de personnes (patients et personnel) évacuées vers les autres ailes. Le feu est pour l’instant contenu à l’aile sud et le service des urgences est déplacé vers une autre aile. L’objectif est alors de stopper les propagations vers l’aile centrale et d’éviter des victimes.
Bientôt, quatre échelles aériennes sont développées aux quatre coins du bâtiment, tandis que deux lances progressent dans les combles détruits. Il est 15 h 11. Le feu est circonscrit au moyen de six lances. 70 sapeurs-pompiers sont engagés.
Au total, 84 personnes ont été déplacées vers les autres ailes. Des évacuations par ambulances privées vers les centres hospitaliers alentour sont prévues. Le service des urgences est fermé mais le Smur (Service mobile d’urgence et réanimation) reste opérationnel. Huit urgences relatives sont traitées sur place. Elles concernent six personnels soignants intoxiqués et deux sapeurs-pompiers ayant subi un « coup de chaud » (la température dépasse les 30 °C ce jour-là). Après bilan du Samu, ils sont laissés sur place.
À 15 h 31, douze patients sont évacués par des moyens privés vers les Ehpad et centres hospitaliers environnants. Un sapeur-pompier blessé au pied est évacué à Rodez.
Une intervention qui dure
À partir de 16 h, les pompiers progressent dans les décombres d’une part, et à l’étage inférieur où des effondrements de planchers ont entraîné des départs de feux à contrôler, au sol et dans les hauts volumes sous-plafonds. Progressivement, le dispositif s’allège, les engins inemployés sont désengagés.
Le feu est maîtrisé à 17 h 28.
Les bouteilles d’oxygène sont fermées et le réseau d’oxygène coupé dans le bâtiment sinistré ainsi que le gaz sur l’ensemble des bâtiments. Il est maintenant 22 h. La crainte d’une propagation entre deux bâtiments de l’aile sud, au niveau d’un joint de dilatation, entraîne l’établissement d’une lance à eau dopée et des reconnaissances à la caméra thermique.
Ce n’est que le mardi 24 mai à 9 h 57 que l’opération est terminée. Une équipe d’agents Ssiap (Service de sécurité incendie et d’assistance aux personnes) a pris le relai des sapeurs-pompiers, en attendant que le système de sécurité incendie soit à nouveau opérationnel.
La commission de sécurité passe le 23 mai, permettant ainsi la réouverture des urgences le 24 mai, quatre jours après le début de l’incendie.
Les enseignements
Même s’il a entraîné l’intoxication par les fumées de six personnels soignants et deux pompiers, et a fait un blessé léger, l’incendie a bénéficié d’un certain nombre de facteurs favorables pouvant faire toute la différence… En effet, l’établissement effectue régulièrement des exercices incendie, des simulations de plans blancs, sensibilisant particulièrement le personnel. Par ailleurs, il survient de jour, en début d’après-midi. Les soignants sont en nombre. Tous sont bipés et ceux qui le peuvent renforcent les équipes des services directement concernés par les effets de l’incendie. Le transfert horizontal des patients s’effectue au rez-de-chaussée (1 patient aux urgences), au premier étage (9 patients) et au deuxième étage (22 patients) de l’aile concernée vers le corps central, isolé par des portes coupe-feu. La translation des 31 patients se poursuivra au travers d’autres corps de bâtiments, tous reliés. Un point de regroupement préalablement défini est activé dans une zone spacieuse.
Le patient traité aux urgences au moment de l’incendie est déplacé, avant que le service ne soit fermé puisque situé au rez-de-chaussée de l’aile sinistrée.
Ici, nous sommes dans une situation favorable. L’incendie éclate à l’étage supérieur et sa retombée par endroits dans les locaux du premier étage ne se produit qu’après les évacuations. Ce sont surtout les dégâts liés au ruissellement des eaux d’extinction et la coupure des énergies qui vont entraîner l’interruption des activités dans les étages inférieurs.
Des situations parfois plus néfastes
Dans les configurations les plus défavorables, souvent relatées dans nos retours d’expérience, le feu peut éclater dans une chambre, une lingerie ou une réserve et s’étendre au couloir, entre deux portes coupe-feu, piégeant ainsi les patients des chambres voisines.
Dans ces sinistres à cinétique rapide, c’est avant l’arrivée des secours que les soignants vont braver la fumée pour extraire le maximum de victimes, sortant les lits ou évacuant les patients dans des draps traînés au sol, pour les soustraire à l’incendie. Certains soignants y ont laissé leur vie en effectuant l’aller-retour de trop…
Avant que les portes coupe-feu ne soient asservies à la détection et fermées automatiquement (si rien ne vient gêner leur fermeture), il n’était pas rare, surtout de nuit, que le personnel réduit ne soit contraint à bloquer les portes ouvertes pour mieux assurer la surveillance de larges zones. Parfois même entre étages…
Cela a pu entraîner des situations catastrophiques où des patients décédaient asphyxiés, parfois à un autre étage, loin du feu (lire l’encadré « Les précédents » ci-dessous).
L’origine du feu
Ici, l’incendie est signalé par un détecteur situé dans les combles, près de la zone supposée d’origine du feu. Une levée de doute est effectuée par un agent de sécurité (Ssiap et sapeur-pompier volontaire). Mais ce dernier, voyant de la fumée en approchant du bâtiment, demande à l’accueil que les sapeurs-pompiers soient alertés. Parvenu au deuxième étage, il tente d’attaquer le feu au moyen d’extincteurs mais sans succès, celui-ci s’étant déjà propagé sous la toiture. Il éclate au deuxième étage, mansardé, occupé par 22 patients traités au service de chirurgie ambulatoire. Ce ne sont pas des patients « lourds ». Une portion de couloir desservant l’escalier extérieur, et dans laquelle sont rangés quelques sièges et fauteuils, pourrait être la zone de départ du feu.
Le feu de combles ne peut monter, sauf si des bâtiments contigus sont supérieurs à sa hauteur. Ici ce n’est pas le cas.
La survenue du même feu dans l’un des étages bas aurait évidemment considérablement compliqué les opérations d’évacuation et facilité l’enfumage de l’édifice, puis la propagation du feu.
Les planchers se sont effondrés et ont entraîné des départs de feux au sol et dans les hauts volumes sous-plafonds.
La lutte va donc se concentrer sur les deux points de communication avec les ailes contiguës, puis sur les retombées de feu éparses au niveau immédiatement inférieur. Plus bas, au rez-de-chaussée et au premier, il s’agira de ruissellements d’eau sur les équipements des urgences et des laboratoires.
Les sapeurs-pompiers, alertés, connaissent l’établissement, et certains y travaillent.
Des renforts sont rapidement mobilisés puisqu’en cours de trajet, le chef de groupe signale au Codis une fumée importante, puis une aile embrasée.
À l’arrivée des premiers engins, l’exploitant peut assurer aux sapeurs-pompiers que l’évacuation est terminée et les patients regroupés loin de la zone dangereuse.
C’est pour les sauveteurs, dans ce type d’établissement, la première préoccupation, et ils vont donc pouvoir consacrer pleinement leurs effectifs et leurs moyens à la lutte contre le feu qui s’étale progressivement à l’ensemble de l’étage. Trois lances vont bientôt verrouiller la zone de feu au 3e étage, au niveau des couloirs de jonction aux deux ailes, et trois autres manœuvrant du haut des échelles, vont attaquer le feu depuis l’extérieur.
Comme dans de nombreux violents feux de combles se développant dans un bâtiment ancien, des effondrements de planchers surchargés de décombres vont se produire localement.
La présence de grands volumes de faux-plafonds (plus d’1,5 m), va justifier de minutieuses reconnaissances pour traquer les retombées de feu. Le reste de l’opération consistera à effectuer de la protection par bâchage d’équipements sensibles ou leur déplacement.
Du côté des urgences
Elles vont rapidement fermer, seule l’antenne du Smur continue de répondre aux appels.
Il est demandé aux patients potentiels de se diriger vers les urgences de Rodez, à 40 km environ, ou de Villefranche de Rouergue à 42 km, avant que le service ne puisse rouvrir le 24 mai, dans une autre partie de l’établissement. Six semaines sont nécessaires avant que les urgences soient réinstallées dans l’aile sud.
Article extrait du n° 588 de Face au Risque : « Panorama des risques 2022-2023 » (décembre 2022 – janvier 2023).
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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