Des budgets sécurité encore en hausse
Alors que l’économie française tourne au ralenti, une bonne majorité de directeurs sécurité bénéficie de budgets en croissance. Néanmoins, les perspectives sont moins brillantes.
Des dépenses productives
Chargés de gérer des risques de plus en plus variés aux conséquences toujours plus lourdes, mieux considérés depuis qu’ils ont démontré leurs compétences et leur utilité durant la crise sanitaire, les directeurs sécurité sont nettement mieux lotis que d’autres fonctions dans l’entreprise.
Si le mot d’ordre général est de faire des économies, ce n’est pas tout à fait le cas pour les dépenses de sécurité qui sont toujours en augmentation. 64 % des directeurs sécurité affirment gérer un budget en hausse en 2023, selon un sondage publié en septembre 2022 par l’Atlas d’En Toute Sécurité, alors que 17 % auront des dépenses en baisse et 19 % un montant identique.
Si ces résultats sont plutôt satisfaisants, ils marquent néanmoins une baisse par rapport au même sondage portant sur l’année précédente :
Les prévisions des directeurs sécurité concernant leur budget
Source : sondage En Toute Sécurité, septembre 2022
71 % des personnes interrogées déclaraient un budget en progression pour 2022, seulement 16 % en baisse et 13 % identiques.
Il n’est pas encore temps de se serrer la ceinture, mais la période des largesses semble bien terminée. Dans un contexte d’inflation fortement marquée et d’incertitudes sur le plan international, les économistes pensent que le PIB de la France sera stagnant, voire en recul, en 2023, ce qui n’est évidemment pas favorable à des investissements massifs.
« J’ai appris que pour chaque euro dépensé, il faut démontrer qu’on apporte de la valeur ajoutée », explique Jean- Yves Oger, directeur adjoint de la prévention et de la protection du groupe Renault. « Le directeur sécurité doit être un obsédé de l’efficacité de ses dépenses », renchérit Stéphane Volant, président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) et ancien directeur sécurité de la SNCF qui gérait alors un budget annuel d’environ 400 M€.
Les dépenses de sécurité occupent cependant une place à part : il existe des impondérables en raison de la réglementation (maintenance obligatoire des équipements, par exemple) ou des investissements de précaution en fonction des menaces. C’est particulièrement évident dans la cybersécurité, mais aussi en sécurité électronique.
Compte tenu de ces divers facteurs, En Toute Sécurité prévoit une croissance de l’activité de la profession de 4% en 2023 (après +5,2% en 2022 et +6,1% l’année précédente) qui pourrait encore se ralentir l’année suivante en raison d’une conjoncture économique encore morose.
Les investissements en haut de la liste
Tous les secteurs de la sécurité ne bénéficieront pas du même niveau de demande. Certains matériels ont une durée de vie longue – les coffres-forts, les clôtures ou les serrures, par exemple – qui ne nécessitent pas un renouvellement fréquent. A contrario, les innovations permanentes dans la sécurité électronique favorisent les achats dans des délais relativement courts.
Par ailleurs, la crise sanitaire a incité les directeurs sécurité à revoir leurs priorités : 87 % d’entre eux affirment que leurs chantiers prioritaires sont différents de ceux d’une année 2020 exceptionnelle. On est bien loin de la priorité n° 1 affirmée à l’époque qui consistait à acheter des équipements de protection sanitaire.
Aujourd’hui, les chantiers tournent autour des problématiques liées aux nouvelles technologies. Selon le sondage d’En Toute Sécurité, les responsables sécurité mettent au premier plan des projets dans la vidéo analytique (19 % des réponses), puis l’évolution technique des systèmes de sécurité (14 %) et le renforcement du contrôle d’accès des sites (14 % également).
Ainsi, en quelques années, EDF a dépensé 1,5 milliard d’euros pour renforcer la protection périmétrique des centrales nucléaire, révèle Cédric Lewandowski, directeur exécutif du groupe EDF, en charge du nucléaire. « Il est impensable qu’on puisse rentrer dans une centrale nucléaire comme dans un moulin », souligne-t-il en rappelant que des militants de Greenpeace sont parvenus dans le passé à franchir la première clôture entourant une centrale nucléaire.
« En nouant une coopération plus étroite avec les pouvoirs publics, nous allons accentuer nos efforts dans la lutte contre la fraude et les vols avec un système centralisé au niveau national. Pour cela, nous allons installer du contrôle d’accès sur tous nos sites, avec un dispositif adapté au risque de chacun d’entre eux », confirme de son côté Jean-Philippe Berillon, directeur sécurité de Geopost, holding détenue par La Poste qui contrôle notamment le réseau international de livraison de colis DPD.
En 2023, « la modernisation du contrôle d’accès sera une priorité absolue », avec des outils intégrés de cyberdéfense et de surveillance de l’état du système, de même que des niveaux d’automatisation plus élevés, affirme pour sa part le groupe Genetec, spécialisé dans la gestion vidéo, dans une étude réalisée auprès de 3700 leaders de la sécurité dans le monde.
« Au fil des ans, on remarque la montée inexorable des dépenses de sécurité électronique dans le budget des directeurs sécurité. »
Nouvelle mission des directeurs sécurité : la cyber-protection
Renforcer la cyber-protection de l’entreprise devient également une priorité incontournable des directeurs sécurité, démontrant ainsi l’élargissement récent de leur périmètre d’activité : cette préoccupation apparaît pour la première fois dans le sondage annuel d’En Toute Sécurité.
« On met des moyens considérables pour lutter contre le risque cyber. Les mentalités évoluent sur ce sujet, bien qu’il reste encore quelques récalcitrants », déclare Thierry Delville, directeur sûreté du groupe Cap Gemini, un des leaders mondiaux de la transformation numérique. Une tendance corroborée par l’étude Genetec selon laquelle 36 % des personnes interrogées prévoient d’investir dans des outils liés à la cybersécurité pour améliorer les systèmes de sécurité physique.
Le directeur sécurité doit aussi s’adapter aux nouvelles menaces et même les anticiper. C’est ainsi que Patrick Guyonneau, directeur de la sécurité du groupe Orange, s’intéresse aux conséquences des évolutions climatiques et travaille depuis plusieurs mois sur des exercices de simulation de coupures d’électricité, avec les éventuelles conséquences pour le réseau téléphonique.
Les objectifs de sécurité doivent évidemment s’adapter à la configuration de l’entreprise : les tâches ne sont pas les mêmes dans une PME ou une multinationale. «Ma priorité consiste à homogénéiser les standards de sécurité à l’international. Nous élaborons nos propres standards, mais aussi des solutions répondant aux normes TAPA TSR dédiées au transport routier », explique Jean-Philippe Berillon de Geopost, qui est présent dans près de cinquante pays.
Entretenir la formation sécurité au sein du personnel est aussi une préoccupation permanente des directeurs sécurité. « Nous allons renforcer la culture sécurité des premiers échelons de notre management, principalement la direction générale de chaque pays où nous sommes implantés », ajoute-t-il.
« Renforcer la cyber-protection de l’entreprise devient une priorité incontournable des directeurs sécurité, démontrant ainsi l’élargissement récent de leur périmètre d’activité. »
La vidéosurveillance est en tête des dépenses de fonctionnement, au détriment de la surveillance humaine qui peine à assurer des prestations de qualité.
Évolution des priorités d’achat
Au fil des ans, on remarque la montée inexorable des dépenses de sécurité électronique dans le budget des directeurs sécurité. La vidéosurveillance vient ainsi en tête des dépenses de fonctionnement pour 28 % des personnes interrogées par En Toute sécurité, soit deux points de plus que dans le sondage de l’année précédente. Un pourcentage qui gonfle régulièrement au détriment de la surveillance humaine : cette dernière représente 26 % des budgets en 2022 contre 35 % en 2019.
Il s’agit d’une tendance de fonds de la profession, accentuée par la crise sanitaire qui a souligné les difficultés pour des sociétés de surveillance humaine à assurer des prestations de qualité durant cette période inédite. Signe que l’épidémie de Covid-19 a laissé des traces, une petite majorité de directeurs sécurité (54 %) trouve que la qualité des prestations de sécurité s’est améliorée depuis deux ans : ce pourcentage est nettement inférieur au sondage de l’année précédente (63 % d’opinions positives) et surtout à celui de deux ans auparavant (77 %).
Les critiques des directeurs sécurité portent sur le manque de formation de leurs prestataires, la pénurie structurelle de personnel qualifié, une politique de prix trop agressive et l’absence de stratégie sur le long terme.
64 %
C’est la part des directeurs sécurité affirmant gérer un budget en hausse en 2023 (71 % en 2022).
La pénurie actuelle de main-d’œuvre « va stimuler la demande de solutions technologiques de sécurité unifiées », permettant de simplifier les tâches, d’automatiser les processus et d’améliorer l’efficacité des équipes grâce à des outils d’analyse ou d’aide à la décision, estime de son côté le rapport de Genetec.
Outre la vidéosurveillance, on constate d’ailleurs que les dépenses portent massivement sur d’autres domaines de la sécurité électronique comme le contrôle d’accès (17 % du budget sécurité) ou l’alarme (12 %). Ces trois activités représentent donc 57 % des dépenses totales, auxquelles s’ajoutent 4 % pour la cyber-protection et la partie électronique de la sécurité incendie (détection, par exemple), soit un total général d’environ 65 % des dépenses tournées vers les nouvelles technologies.
La sécurité est désormais clairement une profession high-tech.
Article extrait du n° 589 de Face au Risque : « anticiper les délestages » (février 2023).
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