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Délestage électrique : quel impact sur les matériels de sécurité ?
Quels effets le délestage, d’une durée de 2 heures environ, peut avoir sur les équipements de sécurité ? Éléments de réponse avec plusieurs experts.
La réglementation impose aux batteries équipant les SSI de catégorie A une autonomie de 12 heures, puis un minimum d’1 heure de mise en sécurité. Idem pour les SSI de catégorie B, dans les écoles par exemple. « Dans la conception même de SSI, nous prenons en compte cette problématique de coupure de courant. Nous faisons beaucoup d’asservissements avec une sécurité positive, notamment sur le déverrouillage des issues de secours. Au responsable sécurité de prévoir des mesures compensatoires pour le risque de malveillance », remarque Joseph Assengar, commercial travaux services chez Finsecur, fabricant, installateur et mainteneur de matériels de sécurité incendie et membre de l’Anitec (Alliance nationale des intégrateurs de technologies connectées, sécurisées et pilotées).
Dans un courrier adressé à ces adhérents, le Gesi (Groupement des industries électroniques de sécurité incendie) a par ailleurs rappelé que des coupures anormalement répétées constituaient un fonctionnement non prévu dans la conception des produits et pouvaient altérer le bon fonctionnement des batteries. « Nous recommandons aux exploitants d’être vigilant en vérifiant qu’aucun défaut ne persiste sur le système de sécurité incendie, notamment ECS (équipements de contrôle et de signalisation) et CMSI (centralisateur de mise en sécurité incendie), à l’issue de chaque chute de tension ou de coupure de l’alimentation principale », conseille Franck Lorgery, président du Gesi.
Le Gifex (Groupement des fabricants installateurs de systèmes d’extinction automatiques fixes) a envoyé le même type de courrier à ses adhérents, rappelant l’autonomie réglementaire de 12 heures et alertant sur la vigilance à avoir suite à une coupure, notamment sur le dispositif électrique de commande et de temporisation (DECT).
Dans les zones délestées, sur beaucoup de sites, les matériels de vidéosurveillance seront impactés, d’après Cédric Lancien, cadre technique chez Protecteam Electronique, membre de l’Anitec. À part sur les sites industriels et les gros sites tertiaires, il s’agit principalement de produits non secourus, nous a-t-il expliqué. « Nous proposons à chaque installation un onduleur pour sécuriser l’enregistreur et les caméras branchées directement dessus. Mais pour ce type de produits, on est généralement sur une autonomie entre 20 et 40 minutes. »
Une solution peut être de surdimensionner les onduleurs et d’installer des batteries de secours, mais cela a un coût. « Les sites doivent réfléchir à l’autonomie dont ils ont besoin et à la nécessité ou non des caméras. Ne garder que les caméras importantes sur les espaces sécurisés (au contraire des circulations par exemple) va réduire la consommation et permettre une augmentation de l’autonomie de l’onduleur. »
Dans tous les systèmes, il y a toujours des chargeurs avec des batteries de secours intégrées qui donnent une autonomie de 8 à 16 heures, souligne Cédric Lancien de Protecteam Electronique. « Si c’est fait dans les règles de l’art, si les batteries ont été bien contrôlées et que le chargeur a été dimensionné comme il faut, il n’y aura pas de souci. » Seul point d’inquiétude selon lui, les habitations : dans les copropriétés, très peu de contrats de maintenance sont établis et les installations sont souvent faites sans batteries de secours.
L’Ignes (organisation professionnelle des industriels des solutions électriques et numériques du bâtiment) a d’ailleurs, de son côté, été contactée par le Gouvernement sur les problèmes de contrôle d’accès dans les habitations. « Plus de 50 % du parc de l’habitat collectif peut avoir des solutions de contrôle d’accès qui ne sont pas en sécurité positive (pas de déverrouillage de la porte en cas de coupure de courant). C’est un gros point sensible : les gens ne peuvent pas évacuer, s’inquiète Karine Bruno, en charge de la sécurisation des accès et de l’évacuation et la mise à l’abri des personnes chez Ignes. Il va falloir que chacun se renseigne et communique sur le système dont il est doté dans son immeuble pour pouvoir anticiper et mettre en œuvre les mesures de sauvegarde nécessaires : changement des systèmes, adaptation des systèmes existants… »
Les centres de télésurveillance disposent en général d’une autonomie entre 36 et 72 heures, nous a expliqué Patrick Lanzafame, président du GPMSE (Groupement des métiers de la sécurité électronique). « Ce qui nous inquiète, c’est la transmission de l’alerte et des données. Il semble que les relais des opérateurs mobiles de communication ne disposent pas de l’autonomie nécessaire pour faire face aux coupures de 2 heures. Il existe bien un réseau de secours, un relais radio, mais qui ne tient que 30 minutes, alerte-t-il. Des risques majeurs sont identifiés pour les sites télésurveillés : la détection incendie, le risque d’agression et l’assistance aux personnes. »
L’impact d’une coupure d’électricité va dépendre du domaine d’application, nous a expliqué Karine Bruno. En habitation ou dans les ERP de type JOUR (hôpital, Ehpad, hôtel, école et centre de loisirs avec locaux à sommeil), la réglementation impose une autonomie minimale de 5 heures des blocs autonomes d’éclairage de sécurité (BAES). « Comme les coupures ne devraient pas se répéter sur la même zone géographique, on devrait avoir un temps suffisant pour recharger les batteries sur une durée de 12 à 24 heures. L’éclairage de sécurité continuera d’assurer sa fonction », souligne l’experte.
Ce n’est pas forcément le cas sur les autres ERP, par exemple les centres commerciaux, où la réglementation impose une autonomie d’1 heure. « Si le bâtiment régi par le code du travail ou l’ERP est fermé, on conseille une mise en repos de l’éclairage de sécurité pour ne pas altérer la capacité des batteries de sorte que l’éclairage soit fonctionnel à la réouverture lors de la reprise d’activité. Si le bâtiment reste ouvert, c’est au chef d’établissement de prendre la décision d’évacuer ou non. »
Si les antennes-relais télécoms sont coupées dans les zones délestées, la communication ne sera plus assurée par les dispositifs d’alarme du travailleur isolé qui reposent sur la communication IP, alerte Patrick Lanzafame du GPMSE.
Aux entreprises de revoir leur organisation du travail sur les créneaux horaires des coupures annoncées.
Qu’il s’agisse de sécurité incendie ou de sûreté, tous les experts sont d’accord sur l’importance de la maintenance préventive. « On est souvent sur des installations qui sont peu sollicitées et on a besoin qu’elles soient fonctionnelles à un instant T. Sans maintenance préventive, l’environnement peut altérer le matériel et réduire l’efficacité des solutions, prévient Karine Bruno de l’Ignes. Des professionnels qualifiés doivent s’assurer que tout est en bon ordre de marche et qu’on pourra s’appuyer sur ces systèmes le moment venu. »
Claire Jacquemet, directrice du service chez Finsecur, conseille aux responsables sécurité de bien faire attention au niveau de charge des batteries des équipements et d’anticiper un changement de batterie en fin de vie.
Article extrait du n° 589 de Face au Risque : « anticiper les délestages » (février 2023).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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