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Délestage électrique : le casse-tête des télécoms
Alors que les réseaux de communication fixes et mobiles ne seraient plus alimentés en électricité dans les zones de délestage, la question du fonctionnement des appels d’urgence est une problématique majeure. Explications avec Alexandre Galdin de la FFTélécoms, syndicat professionnel des grands opérateurs.
La Fédération française des télécoms a alerté le Gouvernement dès février 2022. Les antennes-relais, qui permettent l’utilisation des réseaux mobiles (voix et internet), ont besoin d’électricité mais ne sont pas considérées comme des sites prioritaires en cas de coupure demandée par RTE aux distributeurs d’électricité. Dès lors, les numéros d’urgence ne fonctionneront pas dans les zones concernées.
« Si certaines antennes-relais ont des batteries de plus de 2 heures dans des zones particulièrement sensibles, la plupart n’ont que des onduleurs qui fonctionnent 20 à 30 minutes maximum, explique Alexandre Galdin. Sur 60 000 sites, très peu ont des batteries importantes. Sans électricité, le réseau tombe, d’où les impacts sur les appels d’urgence. »
Sites prioritaires/sites non prioritaires
Dès février, la FFTélécoms a demandé au Premier ministre que les sites télécoms soient classés sites prioritaires au sens de l’arrêté du 5 juillet 1990, qui fixe la liste des clients non délestables. L’arrêté n’a finalement pas été modifié. La Fédération et les opérateurs ont donc dû démarcher chaque préfecture, afin que le maximum de sites télécoms soient inclus de façon extraordinaire dans cette liste.
« Notre demande a été prise en compte de façon très inégale sur le territoire. Certaines préfectures ont répondu que nous n’étions pas dans l’arrêté de 1990, donc délestables. D’autres nous ont indiqué qu’elles avaient déjà atteint le taux maximal de clients prioritaires, qui ne doit pas dépasser 38 % de la consommation électrique par département. »
« Il y aura toujours des trous dans la raquette, surtout en zone rurale. »
Alexandre Galdin, directeur délégué à la sécurité à la Fédération française des télécoms, syndicat professionnel des grands opérateurs.
Numéros d’urgence
Un groupe de travail, créé dès le mois de juin avec le Commissariat aux communications électroniques de défense (CCED), suit la problématique des numéros d’urgence. « Lors des réunions interministérielles, le CCED se heurtait à d’autres ministères qui ne saisissaient pas l’enjeu. On nous répondait que les hôpitaux, commissariats, casernes…, ayant des groupes électrogènes ou étant dans des zones non délestables, fonctionneraient. Il a fallu leur faire comprendre que si on ne pouvait pas les joindre, cela ne servait à rien. Cette prise de conscience a été lente. »
Avec le Gouvernement et les opérateurs, la FFTélécoms a mené différents travaux : cartographies des réseaux télécoms délestables et non délestables, repérage des zones blanches, classement des sites télécoms selon leur importance et sensibilité. Il a été vérifié également que les sites télécoms d’importance régionale, voire nationale, étaient bien secourus par des groupes électrogènes. Au début de l’automne, le CCED a même envisagé de mettre des batteries de plus de 2 heures sur toutes les antennes. Ce qui était matériellement impossible à faire dans les temps, d’après la FFTélécoms, en dehors même de toute considération financière.
Mobilisation pour le 112
En décembre, le groupe de travail examinait la faculté d’avoir un réseau résilient pour le 112 au moins, numéro qui permet de joindre tous les services d’urgence, nous a confié Alexandre Galdin. Contrairement aux autres numéros d’urgence, il est transmis par n’importe quelle antenne-relais, quel que soit l’opérateur de l’abonné. À partir du moment, bien évidemment, où l’antenne n’est pas délestée.
Le ministère de l’Intérieur a travaillé sur cette cartographie en décembre. « Il s’agissait de superposer les cartes des quatre principaux opérateurs, des zones délestées, non délestées, des moyens de secours suffisant pour voir où le 112 pourrait passer ou non, explique Alexandre Galdin. Il y aura toujours des trous dans la raquette, surtout en zone rurale où le phénomène de mutualisation des antennes fait qu’une seule antenne fonctionne pour tous les opérateurs. »
Dans ces zones de « trous », des batteries de plus de 2 heures pourront être déployées sur certaines antennes, mais « ça ne peut être que des cas marginaux », rappelle-t-il. Les préfectures devront donc mettre en place d’autres dispositifs pour pallier l’inaccessibilité des numéros d’urgence : moyens de secours prédisposés aux endroits emblématiques (place de village, zone commerciale…), patrouilles renforcées…
« On voit bien la fragilité de nos sociétés dans lesquelles les réseaux télécoms sont devenus des installations vitales. »
Alexandre Galdin, directeur délégué à la sécurité à la Fédération française des télécoms, syndicat professionnel des grands opérateurs.
Un maillage plus fin du réseau électrique
Pour le prochain hiver, la FFTélécoms espère que chacun aura tiré des leçons. Elle attend notamment la réforme de l’arrêté de 1990 et espère un découpage plus fin du réseau électrique par Enedis. « Avec un maillage adapté, il serait envisageable de faire en sorte qu’au moins une antenne soit toujours disponible pour permettre de couvrir le territoire, conclut Alexandre Galdin. On voit bien la fragilité de nos sociétés et de nos économies dans lesquelles les réseaux télécoms sont devenus des installations vitales. »
Le Gouvernement a d’ailleurs missionné, en décembre, l’Inspection générale des finances pour réfléchir aux alternatives permettant de sécuriser les réseaux de communications électroniques.
Article extrait du n° 589 de Face au Risque : « anticiper les délestages » (février 2023).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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