Au feu dans les déchets : le secteur de l’assurance se mobilise

Depuis plus de 7 ans, le secteur du déchet détient le triste record du plus grand nombre de départs de feu, selon le Barpi. Environ 20 % des accidents recensés par le Barpi concernent l’activité « déchets » au sens large, dont 80 % sont liés à des incendies. Un taux qui grimpe à 92,6 % au sein de l’activité « tri, transit, regroupement de déchets non dangereux ». À titre de comparaison, la proportion d’incendies dans les autres installations industrielles est de 55 %, toujours selon le Barpi.

Poussé par une augmentation constante du nombre de batteries lithium-ion, et par des étés de plus en plus chauds, le secteur du déchet devrait continuer à connaître des départs de feu récurrents, dont les conséquences matérielles, environnementales, humaines et économiques engendrent des perturbations logistiques importantes et des réparations coûteuses.

European Fire Sprinkler Network a réuni plus de 300 participants venus de 23 nations à travers le monde, sous le haut parrainage de la British Automatic Fire Sprinkler Association. Son objectif ? Collecter et partager les informations, nouveautés et actualités dans l’ensemble des domaines de l’extinction automatique à eau de type sprinkleur.

Ce colloque offre par ailleurs l’opportunité d’échanger sur les mesures prises localement pour atténuer le risque incendie dans l’industrie et la manière dont le secteur de l’assurance peut aider.

Il a ainsi été fait un point sur la situation en France, avec un rappel des travaux initiés par France Assureurs et Afnor en matière de principes de prévention et de protection appliqués aux centres de collecte, de tri et de traitements des déchets.

Aujourd’hui plus que jamais, atténuer le risque incendie est un point extrêmement important. Cela passe par des évaluations de risques mais également par une meilleure caractérisation des spécificités, des risques associés et la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection.

C’est en ce sens que les assureurs accompagnent cette démarche non seulement à travers les visites de prévention auprès de leurs clients, le suivi de leurs projets de protection, mais également en participant à plusieurs groupes de travail visant à partager les bonnes pratiques et connaissances.

La sinistralité dans le secteur du déchet affecte les industriels, les assureurs, mais également les pouvoirs publics à travers les impacts environnementaux, comme cela a pu être observé lors de l’incendie du centre de Saint-Chamas (Aria n° 58473) ayant duré 54 jours.

Les assureurs ne sont pas uniquement des partenaires financiers, mais des acteurs de la prévention. Passer du statut de « payeur » à celui de « partenaire » impose une réflexion collective de l’ensemble des acteurs, à laquelle les assureurs répondent présents pour travailler de manière collégiale à la réduction de la sinistralité. Cette démarche fait l’objet de trois groupes de travail en France.

Le groupe de travail « Filière déchets » mis en place par France Assureurs réunit les préventeurs des différentes compagnies d’assurance. Ce groupe de travail a vocation à suivre les études dédiées à la filière déchets, pour lesquelles France Assureurs mandate des prestataires externes, dont l’objectif est de réaliser un aide-mémoire pour chacune des branches de la filière déchets.

Celui concernant l’activité UVE (unité de valorisation énergétique) a été finalisé. Le récent incendie survenu au niveau de la fosse de l’UVE de Concarneau (Aria n° 59132) nous rappelle que ces sites peuvent être générateurs d’incendies importants.

Ce groupe initié par Citeo (entreprise spécialisée dans l’économie circulaire et accompagnant les entreprises à atteindre les meilleures performances économiques et environnementales) réunit un panel très large d’acteurs. Ceux-ci sont impliqués directement ou indirectement dans le risque incendie des centres de tri de collecte sélective (industriels, collectivités, fédérations des métiers du déchet, pompiers, installateurs de protection et détection d’incendie, intégrateurs process… et bien entendu les préventeurs assurance). L’objectif de ce groupe de travail est de rédiger une norme permettant de définir les modalités de prévention et de protection des centres de tri de collecte sélective.

Axa XL a notamment fourni une synthèse reprenant l’analyse d’une trentaine d’incendies significatifs survenus sur des centres de tri. L’objectif de ce document est de fournir une analyse des causes et moyens ayant influé sur la maîtrise de l’incendie afin d’éclairer le choix du concept de protection qui sera retenu.

L’étude de la sinistralité a notamment montré qu’un centre de tri, même récent, pouvait connaître un sinistre majeur, en l’absence de protection incendie de type sprinkleur. L’incendie qui s’est produit dans le centre de tri de Saint-Thibault-des- Vignes (Aria n° 54016) semble confirmer cette hypothèse.

La filière DEEE (déchets d’équipement électrique et électronique) connaît un nombre important de départs de feu et quelques sinistres de grande ampleur, comme celui de Portet-sur-Garonne (Aria n° 56373). Des Assises sur la prévention du risque incendie de la filière DEEE ont été organisées en juin 2022. Les fréquents départs de feu sont principalement dus à la présence de plus en plus importante de batteries lithium-ion dans les déchets traités.

La participation des préventeurs assurance à ces différents groupes de travail a trois objectifs :

• partager avec les acteurs des différentes filières l’expertise acquise en protection incendie, la connaissance du terrain à travers les visites de sites et le retour d’expérience sinistres ;

• améliorer la compréhension des risques des industriels et des collectivités, et les accompagner en matière de protection ;

• améliorer l’attractivité de cette filière pour les assureurs.

La mise en place de protection sprinkleur repose sur des standards et règles. À ce jour, le référentiel Apsad R1 (qui définit les modalités de dimensionnement et d’installation des protections sprinkleurs) classe les activités de traitement de déchets en « risque spécial ». À l’exception du document CEA 4001^[1], aucune autre règle reconnue ne définit précisément les critères de dimensionnement des protections des centres de tri.

Il est cependant nécessaire de pouvoir apporter un cadre, comme cela a été formulé lors du GT Afnor, pour accompagner les industriels du secteur des déchets dans leur volonté de protéger leur site.

C’est pour cette raison que ce sujet a été abordé début 2023 dans le cadre de la rédaction d’un additif au référentiel technique Apsad R1. Le référentiel ainsi complété permettra aux installateurs de protection incendie d’avoir un socle commun précisant le dimensionnement de l’installation sprinkleur à des fins de conformité et aux industriels souhaitant protéger leur site de pouvoir mieux anticiper le budget alloué à ce type de protection. En renforçant la pédagogie sur le risque incendie et en continuant à collaborer avec l’ensemble des acteurs du marché, nous pouvons réduire le nombre d’incendies non maîtrisés dans le secteur du déchet et ainsi contribuer à une baisse de la sinistralité dans cette filière.

[1] « CEA 4001-TB-001-Recycling Plants – Protection concepts for Waste Recycling plants »

Article extrait du n° 589 de Face au Risque : « anticiper les délestages » (février 2023).