Le défi de la surveillance humaine
Comment mobiliser les ressources humaines à hauteur des besoins, alors même que le secteur de la sécurité privée fait face à une pénurie d’agents ? C’est le défi que vont devoir relever les autorités et le secteur de la sécurité privée pour assurer la sécurisation des Jeux olympiques en 2024.
Entre 25 000 et 30 000. C’est l’estimation du nombre d’agents de sécurité nécessaires, en plus de ceux qui assurent les missions habituelles de sécurité privée sur le territoire, pour sécuriser les Jeux olympiques en 2024. Alors que le secteur fait face à des problèmes de recrutement, la question est simple : sera-t-il possible de fournir les effectifs demandés ?
La sécurité privée en sous-effectifs
« L’équation est très compliquée puisqu’on est déjà en sous-effectifs, explique Pierre Brajeux, vice-président de la Fédération française de la sécurité privée (FFSP). On estime que pour fonctionner en rythme de croisière, il nous manque actuellement 20 000 personnels. Et il ne faut pas oublier les demandes de renforts qui auront lieu pendant l’événement, par exemple dans les aéroports, les hôtels et boutiques de luxe, lors des événements organisés par les sponsors… Il est grand temps de se réveiller. »
Il semble compliqué d’aller chercher ces agents dans le vivier actuel déjà en tension, d’autant que les Jeux se concentreront principalement sur l’Île-de-France – ce qui réduit le vivier potentiel – et se dérouleront au cœur de l’été, période de congés. L’objectif est donc de recruter de nouveaux acteurs.
Faciliter les recrutements
Pour ce faire, les pouvoirs publics ont mis en œuvre un certain nombre de mesures, dont le titre à finalité professionnelle (TFP) « Sécurité événementielle », avec une formation allégée (106 heures au lieu de 175). Objectif : recruter des personnes en recherche d’emploi, des jeunes qui sortent de leur cursus de formation…
L’État va également financer la formation continue, normalement à la charge de l’employeur, pour les 64 000 agents environ qui devront suivre la formation d’actualisation des compétences pour conserver leur carte professionnelle d’ici les Jeux. Le financement estimé est de 9 M € en 2023 et 13 M € en 2024.
Par ailleurs, la région Île-de-France travaille en lien avec Pôle Emploi pour mobiliser les demandeurs d’emploi ayant déjà exercé dans le secteur de la sécurité privée. Un travail de recrutement auprès des jeunes diplômés de la sécurité (bac pro, CAP, BTS Mos) a également été lancé.
Coopération public-privé
Pour Pierre Brajeux, qui reconnaît que la coopération public-privé s’est intensifiée et qu’il y a de vraies réflexions, il ne faut pas croire en la solution miracle, c’est un cumul de solutions qui pourra permettre de relever le défi. « Les pouvoirs publics sont maintenant véritablement conscients qu’il y a un problème et se sont mis en marche. Compte tenu du timing, on a encore une chance d’y arriver. Le secteur de la sécurité privée souhaite bien évidemment que la sécurité des JO soit un succès et qu’on ne reproduise pas le fiasco des JO de Londres. »
En 2012, la société privée qui devait assurer la sécurité des Jeux n’avait pas pu tenir ses engagements, notamment en matière de recrutement, et l’armée britannique avait dû prendre le relais.
« On est, moins de deux ans avant les JO, dans une situation compliquée, mais c’est aussi une opportunité pour la sécurité privée de se remettre en question et de bouger les lignes. »
Pierre Brajeux, vice-président de la Fédération française de la sécurité privée (FFSP).
Rendre le secteur de la sécurité privée plus attractif
Le secteur de la sécurité privée travaille donc activement sur son attractivité. Cela passe notamment par une revalorisation salariale de 7,5 % actée pour le 1er janvier 2023, qui permettra de rattraper les évolutions du Smic. « Il faut aller au-delà, prévient Pierre Brajeux. Le vrai sujet, actuellement en négociations, est une refonte des classifications. Cela permettrait de rendre le secteur plus attractif avec de meilleures rémunérations et de véritables parcours de carrière. Ce serait le coup de turbo qui obligerait à faire bouger le marché. »
Le secteur cherche également à améliorer sa communication. « Nous avons des métiers passionnants dans lesquels on peut faire carrière, même si on n’a pas eu la chance de faire d’études supérieures. Mais ce n’est pas forcément le message qu’on a fait passer ces dernières décennies. Il y a un déficit d’image qu’on est en train de payer », reconnaît Pierre Brajeux.
Le mix hommes/technologies
Ce dernier compte également sur l’usage des technologies et l’identification des besoins pour peut-être diminuer légèrement les besoins en effectifs et ne mettre en poste des agents de sécurité que lorsqu’ils ont une réelle valeur ajoutée.
« On est, moins de deux ans avant les JO, dans une situation compliquée, mais c’est aussi une opportunité pour la sécurité privée de se remettre en question et de bouger les lignes, conclut-il. Nous prenons nos responsabilités. Les pouvoirs publics sont en marche, aux organisateurs désormais de faire de même. Ils ont une partie de la réponse et doivent ouvrir les yeux. Bon nombre d’acteurs n’ont pas répondu aux appels d’offres. La sécurité des JO ne peut pas se faire au rabais. »
Article extrait du n° 587 de Face au Risque : « Sûreté des JO 2024 : le grand saut » (novembre 2022).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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