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À Nantes, le stade de la Beaujoire se modernise
Retenu pour accueillir des matchs de la Coupe du monde de Rugby en 2023 et de football lors des JO 2024, le stade de la Beaujoire a entamé d’importants travaux de modernisation. Sur le plan de l’organisation des équipes de sûreté, des interrogations demeurent à 9 mois du match test France-Fidji.
Conçu pour l’Euro 1984
Sur un projet conduit par l’architecte Berdje Agopyan, le concepteur du Parc des Princes à Paris, le stade de la Beaujoire est inauguré en 1984. Il est situé au nord-est de la ville de Nantes, à un peu moins 6 km du centre-ville et à proximité du Parc des Expositions du même nom. Doté d’un design très aérien, le stade est long de 230 mètres sur 200, avec une surface couverte de 14 000 m².
Conçu en vue d’accueillir le championnat d’Europe de football de 1984 et promis comme terrain de jeu permanent du mythique FC Nantes, le stade a pu compter à l’époque un peu plus de 50 000 visiteurs dans ses tribunes. Il est rénové en 1998 pour les besoins de la Coupe du monde de football, avec notamment l’installation d’un système de vidéosurveillance.
En dépit de l’accueil en 2007 de la Coupe du monde de rugby et de deux concerts de Johnny en 2009 et 2012, l’infrastructure va peu à peu perdre de son aura. La suppression de places debout en 1998 a conduit à réduire sa capacité à 35 000 places.
Après quelques ultimes travaux nécessités par l’accueil de la Coupe du monde de Rugby 2007, la pelouse de la Beaujoire sera presque exclusivement dédiée au football et aux « Canaris » du FC Nantes pour le besoin des matchs de la Ligue. En effet, sa capacité limitée et ses équipements vidéo et audio datés l’écartent désormais des grands shows de masse à dimension internationale.
En comparaison, la jauge des stades européens de conception plus récente affiche généralement plus de 60 000 spectateurs, le Stade de France pouvant accueillir par exemple 80 000 spectateurs.
Nouvelle dynamique
Propriété de la ville de Nantes, le stade vieillissant de la Beaujoire ne permettra pas à la 6e ville de France de proposer sa candidature pour l’Euro 2016. La municipalité ne se porte pas candidate, le cahier des charges de la mise à niveau du stade étant jugé trop contraignant et le coût de la réhabilitation trop onéreux. À l’époque, on parle d’une somme variant entre 80 et 100 millions d’euros.
Après être passé très près du carton rouge en 2017, avec un projet de démolition et la construction d’un nouveau stade, l’enceinte phare du FC Nantes a trouvé une nouvelle dynamique en étant retenue comme future infrastructure d’accueil des grands événements sportifs à venir. La Beaujoire recevra en effet quatre matchs de la Coupe du monde de Rugby France 2023 et huit matchs de football (masculin et féminin) lors des JO 2024.
La victoire en Coupe de France du FC Nantes en mai 2022 lui a permis également d’accéder à la Ligue Europa (ex- Coupe de l’UEFA), niveau de compétition pour lequel le stade doit aussi entamer une remise aux normes au plus vite.
« À ma connaissance, à ce jour, il n’y a eu aucun échange entre la coordination nationale pour la sécurité des grands événements et les représentants de la sûreté des différents sites retenus. »
Olivier Feneteau, responsable sûreté-sécurité du FC Nantes.
Plan de modernisation
14,5 millions d’euros, telle est l’enveloppe débloquée par Nantes Métropole pour rénover la Beaujoire. Outre une nouvelle pelouse (la précédente datait de 2001), les infrastructures nantaises vont se doter de nouveaux équipements de sûreté. Le bâtiment abritant la billetterie va ainsi être reconstruit.
« En début de saison 2022, notre contrôle d’accès était de catégorie 2, selon la classification de l’UEFA. Les billets étaient contrôlés par PDA (scanner manuel), ce qui reste compliqué pour contrôler et surveiller la billetterie. La Ligue Europa et la Coupe du monde de rugby exigent un contrôle d’accès de catégorie 4. La billetterie va devenir entièrement numérique, ce qui sera plus pratique.
Elle sera adossée à un contrôle d’accès qui exige que toutes les entrées du stade soient équipées de tourniquets. Ces tourniquets permettent un comptage et un suivi du remplissage des différentes tribunes en temps réel. Le fait d’avoir un système automatisé au moyen de tourniquets, que l’on peut bloquer ou débrayer le cas échéant, permettra de mieux réguler et contrôler les flux, donc une meilleure sécurisation du site. »
Olivier Feneteau, responsable sûreté-sécurité du FC Nantes.
Gageons que ces équipements participent à éviter des incidents du type des débordements enregistrés par deux fois au Stade de France en 2022 (pourtant équipé de contrôle d’accès de catégorie 4), lors de la finale de la Ligue des champions et lors du concert du rappeur Booba. Si le chantier ne prend pas de retard, la nouvelle billetterie devrait être mise en œuvre au printemps 2023.
Actés par Nantes Métropole, les travaux de rénovation du stade de la Beaujoire en vue de la Coupe du monde de Rugby et des JO 2024 ont commencé en janvier 2021.
Protection périmétrique
Autre poste de rénovation, la clôture extérieure. Les portails et les grillages, eux aussi vétustes, vont être remplacés. À noter que l’enceinte dispose sur son pourtour extérieur de protection anti-véhicules bélier. Malgré les nouveaux aménagements, le stade reste tributaire de l’ancienneté de sa conception :
« C’est un stade qui a été conçu pour les supporters, explique Olivier Feneteau, mais qui reste un peu compliqué à sécuriser et qui n’est pas forcément fonctionnel. Nous avons par exemple un seul accès véhicule au niveau de la voie de desserte intérieure, et il y a un seul accès véhicule pour la pelouse. Parfois, cela génère quelques embouteillages à l’entrée du stade. Il faut composer avec cette architecture. »
L’essentiel
Surveillance humaine
En plus de la modernisation des moyens technologiques déployés, l’accueil des 35 000 spectateurs maximum par compétition ne pourra pas se faire sans moyens humains. Sur la vingtaine de matchs disputés par le FC Nantes par an à la Beaujoire, 700 stadiers sont mobilisés lorsque les tribunes sont pleines, dont 350 sont détenteurs de la carte professionnelle.
Le directeur sûreté-sécurité du FC précise : « Nous faisons appel à du personnel différent en fonction du profil de la population qui se trouve dans les tribunes. Nous avons des professionnels spécialisés sur la palpation, l’intervention, des équipes de physionomie au niveau des visiteurs, et nos propres équipes de vidéosurveillance. À chaque match, nous avons la chance d’avoir une brigade canine mise à notre disposition par la Direction départementale de la sécurité publique. »
Des matchs sous tension
Les menaces liées aux rencontres du FC Nantes avec les équipes adverses sont de divers ordres : le risque attentat arrive en priorité, le plan Vigipirate étant toujours au niveau « sécurité renforcée ». Viennent ensuite les troubles à l’ordre public, que ce soit à l’intérieur de l’enceinte ou à l’extérieur, liés au contexte local et à la rivalité pouvant exister entre groupes de supporteurs. Les incivilités viennent en troisième position : abus d’alcool, vol, revente à la sauvette…
Enfin, sur certaines rencontres, la présence de supporteurs sans billets représente un risque à considérer, avec l’achat de billets au marché noir ou la tentative d’intrusion de façon illégale.
De nouveaux enjeux ?
Cependant, le responsable sûreté-sécurité du FC Nantes est plutôt confiant concernant les lignes générales de la sécurisation des grands événements à venir : « Que l’on reçoive un match de football de la Ligue Europa ou des JO 2024, ou une rencontre dans le cadre de la Coupe du monde de rugby, 80 % de l’organisation reste identique ». D’autant plus que le monde du rugby et du football féminin véhiculent traditionnellement des valeurs de fair-play, qui les éloignent des phénomènes du hooliganisme.
Différents calendriers de compétitions
Plusieurs points inquiètent cependant Olivier Feneteau, qui regrette à la fois le retard pris dans la préparation des grands rendez-vous sportifs et le manque de coordination avec les cellules de sécurité des organisateurs au niveau national. Le premier point concerne le télescopage entre le calendrier du FC Nantes et celui des grands événements.
« J’ignore si les organisateurs de France 2023 et des JO 2024 ont pris conscience qu’il va leur falloir des équipes de sécurité autonomes sur les matchs se déroulant à la Beaujoire. Cela ne concerne pas les stadiers, mais le management de la sûreté. En amont des grands rendez-vous à la Beaujoire, les équipes de sûreté du FC Nantes serons bien sûr là pour les accompagner à se préparer. Mais le jour J, nos équipes seront mobilisées sur les rencontres en extérieur du FC Nantes, ou bien une partie sera en congés. Nous ne serons pas disponibles et nous ne pourrons donc pas être physiquement en doublon des équipes de sécurité des organisateurs, que ce soit au PC sécurité ou sur le terrain de la Beaujoire ».
Olivier Feneteau, responsable sûreté-sécurité du FC Nantes.
Nous avons tenté de contacter les responsables sécurité de sites de la Coupe du monde de rugby pour connaître leur position sur ce point, sans succès.
« Pour la lutte anti-drone, nous manquons de clarté sur la répartition entre les étatiques et les privés. C’est peut-être clair en haut lieu, mais à notre niveau nous ne sommes pas informés. »
Une coordination qui tarde
Pour un passage de relais efficace, il faudrait que le continuum prenne rapidement vie. Or le responsable sûreté-sécurité du FC Nantes vient juste d’établir un premier contact avec son homologue de la Coupe du monde de rugby, fin septembre 2022.
C’est le deuxième point d’inquiétude : « À ma connaissance, à ce jour il n’y a eu aucun échange entre la coordination nationale pour la sécurité des grands événements et les représentants de la sûreté des différents sites retenus ».
Enfin, concernant les nouvelles solutions technologiques, comme le contrôle biométrique ou la lutte anti-drones, si elles permettent d’alléger le dispositif humain, leur expérimentation reste encore dans le flou.
« Nous manquons de clarté sur la répartition entre les étatiques et les privés, explique Olivier Feneteau. Dans le privé, il n’y a pas vraiment beaucoup de moyens pour lutter contre les drones. Pour la partie cybersécurité c’est pareil, nous ne savons pas encore comment les choses vont s’organiser. Notre système de vidéosurveillance sera-t-il interopérable avec d’autres technologies ? Quelle va être la répartition des tâches et des rôles concernant la billetterie et les accréditations ? Tout cela n’est pas encore défini. C’est peut-être clair en haut lieu, mais à notre niveau nous ne sommes pas informés. »
Premier match test
Dans le cadre de sa préparation à la Coupe du monde 2023, le XV de France jouera face aux Fidji au stade de la Beaujoire, le 19 août 2023. Un match test pour la France, à la fois côté sportif et côté sûreté. Le compte à rebours est lancé. Espérons que tous les membres de l’équipe du continuum de sécurité intérieure dédiés à la sécurisation du site connaîtront leur poste et leur fonction en temps utile, et seront familiarisés avec les lieux et les équipements pour être opérationnels le jour J.
Article extrait du n° 587 de Face au Risque : « Sûreté des JO 2024 : le grand saut » (novembre 2022).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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