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Gestion de crise : une activité prospère
Les experts en gestion de crise bénéficient d’une demande croissante pour résoudre des problèmes de plus en plus variés, qui nécessitent des compétences toujours plus pointues. En France, ils sont quelques dizaines à prospérer sur ce marché.
Quand une cyberattaque est menée, quand un collaborateur est accusé de viol, quand il faut évacuer des salariés durant une catastrophe naturelle ou un conflit armé, un expert en gestion de crise intervient souvent pour résoudre au plus vite le problème auquel est confrontée une entreprise ou une administration. La classe politique, le monde sportif ou du show-business ne sont pas à l’abri d’attaques sournoises ou de révélations scandaleuses.
Les gestionnaires de crise
Pour ce petit monde hyper spécialisé des gestionnaires de crise, les occasions ont plutôt tendance à se multiplier depuis quelques années. Entre une pandémie, une guerre en Europe, des réseaux sociaux omniprésents, des cyberattaques émanant d’entités étatiques, les crises se multiplient et entraînent des conséquences de plus en plus graves.
« Ce qui est nouveau, c’est l’interpénétration de crises de natures différentes, comme l’évacuation du personnel dans un pays touché par l’épidémie de Covid-19, ce qui provoque l’arrêt de la chaîne de production locale », analyse Vincent François, ancien du GIGN et fondateur en 2011 du cabinet Sémio Négo, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants confrontés à des situations de crise ou à des négociations aux enjeux stratégiques.
« La demande est forte et les entreprises sont davantage attentives à la bonne gestion d’une crise majeure. En général, les directions sont conscientes des menaces », affirme Stéphane Hesschentier, ingénieur et fondateur du cabinet Resilient Shield Consulting dont les clients se recrutent dans l’industrie, la finance et les grandes institutions européennes.
Le niveau d’exigences est accentué : les entreprises touchées par une crise souhaitent une plus grande agilité de la part de leur prestataire et une prise en compte immédiate de leur problème. L’enjeu est souvent la rapidité de la riposte, car les réseaux sociaux sont très actifs dans ce type de situation. Le traitement d’une crise qui éclate via les réseaux sociaux se traite d’ailleurs de la même manière qu’une crise plus classique, soulignent les experts.
Le plan de continuité d’activité
Généralement, les grands groupes – mais pas très souvent les PME – disposent en interne d’une architecture de gestion de crise et s’entraînent régulièrement lors d’exercices de simulation. L’épreuve peut se traverser plus facilement si un plan de continuité d’activité (PCA) a été mis en place, prévoyant la création et l’organisation d’une cellule de crise en cas de besoin.
C’est souvent le rôle du directeur sécurité d’élaborer le PCA et d’animer la cellule de crise. Mais pas toujours : selon la nature de la crise, cela peut être le DRH, le directeur financier ou informatique ou encore le directeur général.
Les entreprises peuvent néanmoins avoir recours à un expert extérieur pour certains points particuliers : l’élaboration des scénarios possibles, une négociation directe avec l’instigateur de la menace, un appui technique sur une riposte, etc. « Un expert externe permet de faire baisser la tension dans la cellule de crise », avance Stéphane Hesschentier.
« Avant toute chose, il faut déterminer l’échelle de qualification de l’événement. Est-ce un simple incident ou une crise majeure avec des impacts vitaux. Ce n’est pas toujours évident de prime abord, mais cela conditionne les moyens à mobiliser et l’organisation à mettre en place », estime Vincent François. C’est ainsi qu’il faut d’abord analyser l’événement puis déterminer son impact immédiat, à moyen et à long terme. Un incident peut être géré en local, alors qu’une crise majeure peut bloquer le fonctionnement de l’entreprise ou porter gravement atteinte à son image.
« Un expert externe permet de faire baisser la tension dans la cellule de crise. »
Stéphane Hesschentier, fondateur du cabinet Resilient Shield Consulting.
Chaque crise est particulière
Durant la crise, le temps est un facteur clé. « Il est déterminant de ne pas courir après les événements ou de les subir, mais il faut aussi avoir de l’endurance sur le moyen et long terme en déployant une capacité de marathonien. Les effets d’une cyberattaque peuvent par exemple se manifester sur une longue durée en termes de pertes de données ou de parts de marché », explique Stéphane Hesschentier.
En mars 2020, le premier confinement a pris de cours de nombreuses entreprises qui n’avaient pas du tout anticipé l’impact d’une telle décision inédite prise par les pouvoirs publics.
« Même les grosses structures n’étaient pas préparées à affronter un événement aussi violent que la crise sanitaire. Au début, c’est-à-dire deux-trois jours avant le confinement général, il y a eu dans certains groupes une étape de sidération, voire de panique devant les milliers de mails qui affluaient de toutes parts et cette déferlante d’informations ou de faits à analyser, se souvient Arnaud Kremer, président d’Iremos. La gestion d’une crise est caractérisée par la nécessité de prendre des décisions alors qu’on n’a pas tous les éléments en sa possession. Le rôle d’un cabinet de gestion de crise est justement de faciliter les décisions, d’amener fluidité et sérénité. »
« Le rôle d’un cabinet de gestion de crise est justement de faciliter les décisions, d’amener fluidité et sérénité. »
Arnaud Kremer, président d’Iremos.
Anticiper l’imprévisible
Le cabinet de gestion de crise a un regard extérieur : c’est en raison de ce statut particulier qu’il peut inciter la cellule de crise à se poser des questions à laquelle elle ne pense pas, à bousculer les habitudes, à ne pas tenir compte des liens hiérarchiques.
Son rôle est d’anticiper l’imprévisible et de s’adapter aux changements qui interviennent au cours de la crise, tout en ayant un objectif bien tracé : retrouver la confiance du consommateur après l’empoisonnement d’un produit alimentaire, par exemple.
Avec son regard extérieur, le cabinet de gestion de crise peut inciter la cellule de crise à bousculer les habitudes et ne pas tenir compte des liens hiérarchiques. Crédit : Leszekglasner/AdobeStock
À ce titre, il n’est pas forcément pertinent que le PDG de l’entreprise dirige la cellule de crise. « Certes, il a un pouvoir hiérarchique et se sent responsable quand un événement intervient, mais il n’a pas nécessairement l’expérience requise pour être au cœur de la cellule de crise », relève Stéphane Hesschentier.
« Il faut évidemment se garder des décisions contre-productives, prises dans la précipitation », souligne Vincent François. De même, le choix du porte-parole chargé de faire passer les messages de l’entreprise est très délicat : pas question de prendre quelqu’un de trop émotif ou brouillon.
En cas de crise systémique, on peut également imaginer une cohabitation entre plusieurs cellules de crise, chacune travaillant dans un domaine particulier avec ses compétences propres, sous réserve que leur coordination soit assurée.
Effectuer un retour d’expérience
Une fois la crise terminée – et ce n’est pas toujours simple de déterminer quand cela se produit, car des rebondissements sont toujours possibles –, il faut passer au retour d’expérience, le « Retex » ou le « Rex » dans le jargon du métier. Une période parfois semée d’embuches. « Cela ne doit pas s’assimiler à un règlement de compte interne pour désigner les éventuels fautifs. Les réunions doivent rencontrer un certain consensus et surtout aboutir à des décisions positives, par exemple sur un éventuel changement dans les processus », confie Vincent François.
Sélectionner un cabinet de gestion de crise
Chaque crise ayant des caractéristiques spécifiques, il est indispensable de bien choisir le cabinet qui va intervenir. « Le choix s’oriente en fonction de la nature de la crise et donc des compétences qu’il faut mobiliser », souligne le patron de Sémio Négo.
La sélection d’un cabinet peut se faire par la recommandation ou le bouche à oreille, mais aussi sur la réputation d’un cabinet dans tel domaine spécifique. Il faut cependant se méfier du site internet de présentation d’un cabinet de gestion de crise, car certains s’auto-intitulent pompeusement « expert international », alors que ce n’est pas du tout le cas.
La plupart des acteurs sont des experts ayant une entreprise individuelle, disposant d’une expertise dans un seul domaine, quitte à faire appel à d’autres intervenants pour qu’ils apportent leurs compétences quand cela s’avère nécessaire.
« Le choix s’oriente en fonction de la nature de la crise et donc des compétences qu’il faut mobiliser. »
Vincent François, patron de Sémio Négo.
« C’est essentiellement un métier d’indépendants », confirme Stéphane Hesschentier, en précisant qu’il existe aussi de grands cabinets internationaux en majorité anglo-saxons, plutôt spécialisés dans la méthodologie à mettre en place en cas de crise.
En France, les cabinets d’une certaine taille, – comme Iremos – capables d’élaborer un véritable plan de gestion de crise, ne sont pas légion.
Le profil des gestionnaires de crise
Il est assez bien défini : ce sont souvent d’ex-militaires, gendarmes, policiers ou directeurs sécurité qui se sont formés sur le tas. Les anciens du GIGN, à l’instar de Vincent François, ayant monté une structure pérenne, seraient moins de dix.
Au total, il existe près de cent cabinets en France, auxquels s’ajoutent des indépendants qui proposent ce type de prestations associées à d’autres services comme l’audit de sécurité ou la conformité à la réglementation.
Article extrait du n° 586 de Face au Risque : « La réglementation incendie en reconstruction » (octobre 2022).
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