Sécurité civile : la Cour des comptes épingle la gestion de la flotte aérienne

6 octobre 20225 min

Alors que l’été 2022 a battu des records en termes de feux de forêt en France et en Europe, la Cour des comptes a examiné la gestion de la flotte aérienne de la Direction générale de la sécurité civile. Verdict : « l’absence de vision stratégique » et « la gestion lacunaire » font que le Groupement des moyens aériens n’est pas à la hauteur des principaux défis à venir.

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Les chiffres des feux de forêt enregistrés lors l’année 2022 sont sans appel : plus de 62 000 hectares partis en fumée dans l’Hexagone entre le 1er janvier et le 20 août, soit une surface brûlée 7,5 fois supérieure à la moyenne annuelle des quinze années précédentes (2006-2021). Des régions jusqu’ici relativement épargnées, comme la Bretagne ou les Vosges, ont été la proie des flammes tandis que des mégafeux ont ravagé une grande partie du Sud-Ouest.

Le réchauffement climatique et les incendies estivaux de grande ampleur qui ont touché le territoire et qui devraient s’intensifier à l’avenir représentent un défi important pour la flotte de moyens aériens dont dispose la France au titre de la Sécurité civile.

Le Groupement des moyens aériens de la Sécurité civile

Le Groupement des moyens aériens (GMA) de la Sécurité civile assure pour l’essentiel des missions de secours à personne (via le groupement hélicoptère), de lutte contre les feux de forêt, du transport de personnes et de matériels au profit du ministère de l’Intérieur ou d’autres ministères.

Selon les propres mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en juillet 2022, la flotte aérienne est composée « de 21 avions et de 35 hélicoptères ». Cette flotte aérienne peut être ponctuellement renforcée par une coopération européenne si le besoin s’en fait sentir, comme ce fut le cas à l’été 2022.

Les avions de lutte contre les feux de forêt sont installés depuis 2017 sur la base de Nîmes-Garons. En 2021, la flotte de la Sécurité civile avait consacré plus de 5900 heures de vol à la lutte contre les incendies.

Le GMA compte 445 agents, dont 300 personnels navigants. 80 pilotes et co-pilotes sont affectés au Groupement d’avions de la Sécurité civile (GASC).

Dans le cadre du vieillissement du parc d’aéronefs, notamment des canadairs destinés à la lutte contre les incendies, et de la modernisation de la flotte, un programme d’investissement en nouveaux matériels a été engagé à l’horizon 2025 – 2035.

Vision et gestion perfectibles

Au terme de l’examen des comptes et de la gestion de la flotte aérienne de la DGSCGC (Direction générale de la sécurité civile et de gestion des crises), la Cour des comptes fait deux constats sévères dans son référé du 26 juillet 2022 :

  • « les imprécisions de la vision stratégique qui doit guider son action pourraient réduire sa capacité à affronter les défis majeurs que constituent l’aggravation du risque de feux de forêts et le renouvellement de la flotte d’aéronefs. »

Le renouvellement de la flotte aérienne de la Sécurité civile a été inscrit dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI). En dépit de cela, aucune planification ou anticipation de l’évolution des missions n’ont été clairement mises en place à la DGSCGC, quand bien même la Cour des comptes l’avait alertée sur ces mêmes points dès 2019.

D’autre part, la Cour des comptes reproche à la DGSCGC la perte de vue de la priorité de la lutte contre les feux de forêt, au profit de missions parallèles secondaires, comme l’évacuation sanitaire. Enfin, il existe une confusion des rôles entre les diverses flottes d’hélicoptères de service public, qui conduit à une sur-utilisation de la flotte de la DGSCGC, au profit notamment du ministère de la Santé pour des transports inter-hospitaliers.

  • « Au sein de la direction générale, le Groupement des moyens aériens et sa flotte souffrent en outre d’une gestion lacunaire, qui n’est pas uniquement imputable à la direction générale mais justifie de revoir en profondeur son organisation et la politique de ressources humaines. »

L’organisation actuelle et la gouvernance du Groupement des moyens aériens est fragile : « elle ne favorise ni la dimension stratégique, ni la dimension opérationnelle ». D’autre part, les investissements en matériels, les choix effectués pour la maintenance des aéronefs ou la politique de gestion des ressources humaines (recrutement, repos compensateurs, rémunérations…) font l’objet de lacunes.

La Cour des comptes formule cinq recommandations

En conséquence de ces constats, la Cour formule les recommandations suivantes :

  • Recommandation n° 1 : (DGSCGC réitérée) : établir un contrat opérationnel pour chaque moyen national de la Sécurité civile afin d’en déduire des plans d’investissement triennaux ou quinquennaux dans les domaines de l’équipement, des ressources humaines et de l’infrastructure ;
  • Recommandation n° 2 : (DGSCGC) définir une programmation pluriannuelle de renouvellement des flottes aériennes ;
  • Recommandation n° 3 : (SGMIN) engager une discussion interministérielle sur les missions et les implantations des hélicoptères de service public selon des critères objectifs, tout en repositionnant la Sécurité civile sur son cœur de métier (secours à la personne en milieux périlleux, feux, catastrophes naturelles …);
  • Recommandation n° 4 : (DGSCGC) rendre le règlement intérieur de la base de Nîmes-Garons conforme aux instructions ministérielles ;
  • Recommandation n° 5 : (DGSCGC et SGMIN) mettre en place une véritable gestion des ressources humaines du Groupement des moyens aériens et remédier aux dysfonctionnements constatés (processus de paie, résorption des stocks de repos compensateurs).
Bernard Jaguenaud, rédacteur en chef

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef

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