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Incendie de plateforme logistique en construction
Dans la nuit du 8 au 9 juin 2022, un incendie éclate sur une plateforme logistique de 56 000 m² en construction pour l’entreprise Lidl. L’absence d’équipements incendie, en cours d’installation, et le gigantisme du bâtiment entraînent la perte de la moitié de l’édifice malgré une alerte rapide.
Le 8 juin 2022, des ouvriers procèdent au coulage d’une dalle sur le chantier de construction de la plateforme logistique Lidl à Plouagat (Côtes-d’Armor). Vers 22 h 40, ils alertent les sapeurs-pompiers pour un départ de feu semblant mineur, en bordure des cellules frigorifiques. Un engin-pompe est dépêché.
La progression rapide de l’incendie
À son arrivée sur les lieux, un responsable du site parcourt plus de 100 m dans le bâtiment et découvre un incendie déjà en plein développement. Il rappelle les sapeurs-pompiers pour préciser la violence du feu. Un complément de moyens est envoyé.
Lorsque l’officier de garde se présente sur l’intervention, il n’aperçoit que des lueurs de l’extérieur. Mais quelques minutes après, entrant dans le bâtiment, il découvre un front de feu de 150 m !
Les murs coupe-feu isolant les cellules n’assurent pas encore leur fonction (pas de portes coupe-feu notamment) et le feu progresse sur plus de 280 m, longeant le mur coupe-feu 3 h qui sépare la plateforme en deux parties sensiblement égales. C’est là que les sapeurs-pompiers vont appuyer leur dispositif afin d’empêcher que le feu ne franchisse le mur et se lance à l’assaut de la seconde tranche !
Les ressources en eau ne permettent pas d’établir un dispositif à la mesure de cet incendie. Au total, ce sont six lances dont trois sur échelles et une lance-canon (ajoutés de plusieurs engins porteurs d’eau agissant ponctuellement à la lance-canon) qui vont permettre de circonscrire le feu à 2 h 30, en être maître 30 minutes plus tard, mais à le considérer comme éteint que… 6 jours après !
Cent quinze sapeurs-pompiers issus d’une vingtaine de centres de secours auront été engagés, soit 25 % du potentiel opérationnel du département des Côtes-d’Armor.
Plusieurs facteurs aggravants
L’origine du feu est soumise à enquête. Sa survenue en présence d’ouvriers a permis une alerte rapide. Toutefois, le premier appel évoquant un possible feu sur une machine de chantier entraîne l’envoi d’un engin-pompe seul. Il sera rejoint par un complément de moyens dès que la notion de feu important sera évoquée par les appels suivants.
L’éclosion du feu dans l’environnement des panneaux sandwich isolants constituant la zone frigorifique lui a sans doute permis de se développer avec virulence dans plusieurs directions, et de parvenir rapidement jusqu’à la toiture. La lutte contre ces feux de panneaux isolants se consumant à cœur reste toujours aussi problématique !
Les sapeurs-pompiers citent parmi les éléments défavorables :
- le gigantisme du bâtiment – près de 6 ha, 280 m x 200 m – allonge le temps de mise en place des moyens (un tour du feu fait 1 km !) ;
- l’obligation de se tenir en périphérie de la zone de feu, pour se soustraire aux risques d’effondrement, limite l’efficacité des lances ne couvrant qu’imparfaitement la surface en feu ;
- l’absence de dispositifs de sécurité durant les travaux, et plus particulièrement d’un réseau de poteaux privés périphériques.
On peut espérer qu’un incendie éclatant dans cet entrepôt en activité et disposant de ses moyens de protection n’eut pas pris une telle extension. Sans doute se serait-il limité à une cellule de quelques milliers de mètres carrés, le rendant plus « accessible » aux moyens de lutte traditionnels.
Bois associé au béton
Il est encore peu courant de rencontrer des entrepôts et autres plateformes logistiques ou les structures de bois lamellé-collé sont associées au béton. Dans un entrepôt non sprinklé, cet apport combustible sous toiture, là où les phénomènes thermiques surviennent, peut représenter un facteur aggravant.
Par ailleurs, avec un plafond de fumée bas, voir la base de poteaux béton peut faire penser que les poutres, plus haut, le sont aussi… alors qu’elles sont en bois.
Un mur coupe-feu sur toute la longueur du bâtiment
Ici, la présence d’un mur coupe-feu 3 h recoupant la plateforme en deux, dépassant en toiture, a permis aux sapeurs-pompiers de contenir le feu à une moitié de la plateforme. Ils ont même pu faire pénétrer des engins disposant d’une autonomie en eau et équipés de lance-canon de toit pour réaliser des attaques massives ponctuelles avant d’aller se réapprovisionner.
Sur un sinistre couvrant une telle surface, et dont la toiture culmine à 22 m, le commandant des opérations de secours (COS) avait interdit l’accès aux terrasses. C’est grâce à un drone du Sdis, rapidement engagé et effectuant des reconnaissances toutes les 30 minutes, qu’il a été possible de suivre la progression du feu et les effets de la lutte.
Toute la structure de poutres en lamellé-collé posées sur les poteaux de béton a disparu. En revanche, le mur coupe-feu 3h recoupant la plateforme en deux a bien résisté.
La protection incendie des bâtiments en travaux
Nombreux sont les édifices et autres monuments historiques en travaux régulièrement frappés par le feu. Notre-Dame de Paris est l’un des célèbres exemples…
Les bâtiments en construction ou en travaux sont plus vulnérables. Leurs équipements de sécurité sont désactivés ou amoindris, emballages et matériaux y sont en quantité, les travaux par point chaud y sont nombreux, le compartimentage traditionnel est souvent neutralisé.
Au cours de cette phase, plus critique à mesure que l’on approche de la livraison du bâtiment, des moyens de lutte doivent pouvoir être à disposition des sapeurs-pompiers (ici les poteaux d’incendie).
Les dégâts s’élèvent à plusieurs millions d’euros. Une année au moins sera nécessaire à la reconstruction de la moitié sinistrée, dont la destruction a commencé.
Article extrait du n° 585 de Face au Risque : « Communication de crise » (septembre 2022).
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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