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À Meyrin-Satigny en Suisse, le feu escalade le bâtiment
Le 17 avril 2022, en milieu d’après-midi, un incendie éclate sur la terrasse d’un immeuble mixte comprenant des bureaux, un parking et une salle d’escalade dans la zone industrielle de Meyrin-Satigny, près de Genève en Suisse.
L’ensemble est récent, inauguré en 2020, mais quelques particularités constructives vont menacer l’intégrité totale du complexe, contraignant les sapeurs-pompiers à dimensionner leur dispositif pour se préparer au pire…
Un développement rapide
La première alerte est donnée par des cavaliers distants de plusieurs centaines de mètres du bâtiment. Ils signalent fumée puis flammes au loin sur une toiture… Il est un peu plus de 15 h 30 ce dimanche 17 avril 2022.
La localisation du bâtiment est un peu compliquée. Mais bientôt deux engins-pompes, une échelle et une ambulance sous les ordres d’un chef de groupe se dirigent vers le complexe. Peu après leur arrivée, une dizaine de grimpeurs sont évacués par le personnel, tandis que l’échelle, développée au niveau du toit, permet à une première équipe de combattre ce qui n’est qu’un début de feu avec un extincteur.
Mais la bise souffle et le feu brutalement enfle, fuse littéralement de la toiture entièrement recouverte de panneaux photovoltaïques et s’étend entre eux, obligeant l’équipe à se replier. Une lance est établie depuis l’échelle tandis qu’une autre attaque le feu qui se développe maintenant à l’intérieur, au milieu des tapis de mousse soumis aux chutes de braises. Des renforts, dont une seconde échelle, sont demandés. Il est 16 h 11.
Tout va très vite. La fumée sort en pression à la périphérie de la toiture. Un embrasement est à craindre. Ordre est donné aux sauveteurs d’évacuer la totalité du bâtiment.
Les engins se reculent, la lutte change de dimension. Les moyens à grande-puissance permettant d’établir des lances-canons sont activés à 16 h 43, tandis que les pompiers de l’aéroport engagent un « train d’eau » de 30 000 litres.
Préserver l’entrepôt voisin
La façade ouest commence à s’effondrer. Elle est séparée d’un entrepôt, dans lequel sont alignés huit camions, par un étroit passage de 8 m. L’un des camions prend feu tandis que les vitres et les verrières de l’entrepôt bullent et se fendent. Les premières lances-canons sont établies sur cette face. Il faut absolument empêcher que le feu se propage à cet entrepôt d’un seul tenant de plus de 9 000 m² (heureusement sprinklé).
Le vent plaque au sol l’imposant panache de fumée noire et le pousse vers la commune voisine. Un responsable risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) est demandé.
Le feu atteint son paroxysme lorsque la toiture démantelée qui s’est effondrée laisse échapper les flammes une quinzaine de mètres au-dessus du bâtiment. Elles dévorent les panneaux de façade isolants et les parois d’escalade, générant un bouillonnement de flammes semblable à un feu d’hydrocarbures. Le rayonnement est extrême, il faut tenir… Mais le parking n’est pas à l’abri des propagations.
Plus de 1 000 m² de panneaux photovoltaïques brûlent maintenant au-delà du mur coupe-feu, au-dessus du garage dans lequel se trouvent plusieurs dizaines d’automobiles, dont une quinzaine de voitures électriques. Le rayonnement des bardages de toiture portés au rouge et la fonte de conduites PVC entraînent la destruction d’une voiture et la dégradation d’une dizaine d’autres au dernier étage.
17 h 20. Le Sdis frontalier de l’Ain engage une cellule anti-pollution.
Encore de longues heures de lutte
Peu après 17 h 30, les secours sont « maîtres du feu ». Sept lances et sept lances-canons sont en manœuvre, représentant sensiblement 15 à 20 000 l/min. Mais l’opération est loin d’être terminée au regard de l’enchevêtrement de structures déformées qui se dressent à l’emplacement de la salle de grimpe !
Une distance de sécurité est nécessaire, l’approche est périlleuse. Le feu ne sera déclaré éteint que le lendemain à 18 h. Il aura été limité à la salle d’escalade, le parking aura été peu impacté à son dernier niveau et l’entrepôt contigu préservé.
Cent-dix hommes de huit centres de secours, appuyés par trente véhicules environ, dont sept engins-pompes et deux échelles, auront été engagés.
Aucune victime n’est dénombrée parmi les occupants ou les sapeurs-pompiers.
L’origine du feu
Elle est inconnue et soumise à enquête. Son éclosion pourrait siéger dans les installations photovoltaïques, onduleurs… ou sous la toiture où le système de ventilation serpente.
Les pompiers le jugent suffisamment faible pour l’attaquer avec un extincteur, et pratiquement le juguler… Mais ce qu’ils combattent ne doit être que la partie visible d’un feu plus sournois qui doit couver dans des volumes clos sous toiture – dans l’isolation ? – pour brutalement fuser, comme sortant d’un volume empli de gaz de combustion. Il faut alors l’attaquer à la lance, mais la situation se dégrade si rapidement que le toit doit être évacué.
Le feu de toiture va alors tomber au sol par chute de braises, embraser les tapis de mousse, tout en remontant le long des murs d’escalade en bois aggloméré.
Un feu invisible, au début
S’il n’a pas entraîné de retard notable dans l’engagement des secours, le processus d’alerte s’est déroulé d’une manière originale : les premiers témoins sont des cavaliers ne pouvant mettre un nom sur le bâtiment concerné, éloigné au milieu d’autres. Ils y parviennent toutefois après quelques instants. La centrale de réception des appels des pompiers téléphone alors à l’exploitant pour lui signaler qu’un feu existe sur sa toiture.
Mais le toit est à 24 m et la fumée, pourtant importante, est poussée vers la face opposée. L’exploitant sort mais ne voit rien… Les secours sont toutefois en route pour cette adresse. Les pompiers qui se présentent ne voient rien non plus, pour la même raison : hauteur du feu et sens du vent ! Ce qui explique qu’ils montent armés d’un extincteur.
Pendant ce temps, la centrale des pompiers rappelle l’exploitant pour lui assurer qu’un incendie se développe bien sur son toit et qu’il actionne son système d’évacuation. Ce qu’il fait, un peu incrédule. Les pompiers pénètrent alors dans le bâtiment et engagent des reconnaissances. De l’intérieur du hall d’escalade, on voit déjà des flammes au travers des exutoires.
146 appels parviendront à la centrale d’alerte !
La structure du bâtiment
La partie du bâtiment affectée à l’escalade n’est qu’une « boîte » à la structure légère tapissée d’isolant combustible, pour l’essentiel propagateur de flamme, sur ses façades et sa toiture, et contenant huit parois d’escalade totalisant 4 500 m² de panneaux inflammables, auxquels il faut ajouter plus de 1 000 m² de tapis de mousse au sol…
Ce type de feu, à l’instar d’un feu de façade d’immeuble, atteint rapidement son paroxysme grâce à la verticalité. Les flammes s’élèvent haut, la structure d’acier n’est pas protégée du feu et s’affaisse vite. Le feu est aussi violent que relativement bref.
Deux faces sont à tenir : le parking et l’entrepôt. Le mur coupe-feu ne dépasse pas en toiture, et voit son efficacité considérablement réduite. Son revêtement d’étanchéité et les panneaux solaires constituent une continuité combustible qui va progresser sur plusieurs dizaines de mètres au-delà. Dessous, le bardage rougit, rayonne et fait pyrolyser des véhicules. Un autre véhicule, à 15 m au-delà du mur coupe-feu, s’enflamme après qu’une conduite d’eau pluviale en PVC y a propagé le feu ! Heureusement, plusieurs lances vont rapidement contrôler ces débordements, tout comme au niveau de deux portes vitrées permettant, depuis le parking, de voir la salle d’escalade à 2 étages.
L’action des secours
Deux axes d’effort vont immédiatement être définis : le mur coupe-feu séparant le bâtiment en deux et le passage latéral de 8 m séparant le brasier de l’entrepôt contigu. Les chutes de pans entiers de façade dans le passage, la présence de huit camions aux parois de matériau fusible et l’incendie de l’un d’eux réclament une action énergique et massive.
Toutefois, les risques
d’effondrement sont réels et le personnel doit être préservé. La longue portée des lances-canons va permettre de créer des rideaux d’eau dans cette zone, et pour le feu en toiture, taper depuis le sol. Un tel dispositif réclame un débit conséquent. Les pompiers peuvent s’appuyer sur un réseau dense et bien alimenté leur permettant d’atteindre les débits demandés par leurs engins grande puissance.
L’incendie de la salle d’escalade se situe à 7 m au-dessus du sol, sur la dalle de béton, au niveau +1. Cette particularité mettra sans doute l’entrepôt contigu hors de l’essentiel du flux de rayonnement, qui passera au-niveau de sa toiture. Il en aurait été autrement si le feu avait été au niveau du rez-de-chaussée. Le COS préparera même les moyens hydrauliques nécessaires à la protection de l’entrepôt menacé, au cas où…
Enfin, la nécessaire coupure d’une ligne électrique aérienne entraînera la mise hors tension de la zone industrielle, dont un bâtiment du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) dans lequel sont stockées des doses de vaccin devant être réfrigérées…
Ce n’est plus un incendie, c’est un sujet d’examen !
La structure de la salle d’escalade est complètement détruite. Crédit : René Dosne/Face au Risque
Article extrait du n° 584 de Face au Risque : « Reconnaissance faciale » (juillet-août 2022).
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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