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Des exemples emblématiques
Modèles à suivre ou faux pas à éviter, voici plusieurs cas de communication de crise qui ont marqué les esprits.
Le scandale des steaks hachés surgelés et l’engagement de Michel-Edouard Leclerc
En octobre 2005, le groupe E. Leclerc se retrouve au cœur d’une crise sanitaire alors que plusieurs enfants sont victimes d’intoxications alimentaires graves, après avoir consommé des steaks hachés surgelés de la marque de l’enseigne et contaminés par la bactérie Escherichia coli. Le groupe met en place sa cellule de crise dès que l’origine de l’intoxication est identifiée et décide le retrait des ventes de tous les produits suspectés. Grâce à une traçabilité des produits et une gestion logistique efficaces, en trois jours, les trois lots responsables de l’intoxication sont ciblés et les stocks encore en vente rappelés.
Pour retrouver les steaks hachés incriminés présents chez les consommateurs, le distributeur contacte directement les clients qui ont acheté les lots en utilisant son application du logiciel d’encaissement qui permet de rapprocher un numéro de carte de fidélité d’un code-barres produit, comme expliqué sur le site d’information Les Carnets du Business. Les clients n’ayant pas souscrit au programme de fidélité sont contactés via leur banque grâce aux informations de paiement. L’ensemble du personnel est mobilisé et appelle jusqu’à ce que les clients répondent. Ces derniers sont invités à jeter les produits, à présenter l’emballage pour se faire rembourser et à consulter un médecin par précaution si les steaks ont été consommés.
Pendant les trois premiers jours, Michel-Édouard Leclerc, directeur général du groupe, intervient lui-même via les médias de masse – télévision, radio, journaux – pour s’assurer que tout le monde a pris la mesure du risque. Il ne se cache pas derrière le fabricant. Un numéro vert est également mis en place. Puis l’entreprise fait le choix de ne plus donner d’informations supplémentaires, les conditions pour arrêter la crise ayant été mises en place. C’est Michel-Edouard Leclerc qui prend le relais pendant plusieurs mois sur son blog personnel, de manière plus personnelle et moins formelle. C’est la première fois que l’on voit une utilisation du web pour agir indépendamment des médias classiques.
L’action courageuse et innovante menée pour rappeler l’ensemble des stocks suspects a rendu le discours légitime et donné à l’entreprise l’image d’une marque qui se soucie de ses consommateurs.
Le groupe Leclerc a été particulièrement proactif dans sa communication de crise lors du scandale des steaks hachés surgelés de 2005.
L’incendie d’OVH et la communication disruptive
d’Octave Klaba
Dans la nuit du 9 au 10 mars 2021, un incendie se déclare au sein d’un bâtiment du data center d’OVHcloud de Strasbourg. L’intervention des pompiers est considérée comme terminée vers 18 h le 10 mars. Un bâtiment est totalement détruit et quatre salles d’un autre le sont également. Environ 3,6 millions de sites internet correspondant à 464 000 noms de domaine auraient été indisponibles au plus fort de la crise.
OVHcloud publie le 11 mars 2020 à 11 h un communiqué sur sa page support sur les conséquences de l’incendie, ce qui enclenche la communication de crise. Dès lors, un communiqué complet est publié tous les après-midi jusqu’au 31 mars, sur le suivi de la situation et des mesures prises pour les clients. « On retrouve les critères d’empathie, de rationalité de l’information avec une chronologie chiffrée et de disponibilité avec la volonté d’informer avec la plus grande transparence », analyse Enguerrand Jourdier, stagiaire du cabinet de conseil EH&A, sur le blog du même nom.
Le 11 mars, le fondateur d’OVH, Octave Klaba, prend la parole dans une vidéo de 8 minutes publiée sur ses comptes LinkedIn et Twitter. Il utilisera ce format également les 16 et 22 mars. « Ces vidéos permettent de communiquer rapidement de l’information et d’humaniser la situation », peut-on lire sur le blog EH&A. Par ailleurs, l’entreprise ne se pose pas en victime de la situation et expose clairement sa volonté de coopérer avec ses parties prenantes. Elle n’hésite pas non plus à démentir les informations fausses publiées par les internautes.
Plus de 40 jours après l’incendie, OVHcloud communiquait toujours activement avec des FAQ en français et anglais, des sites de supports « travaux », les comptes Twitter et LinkedIn d’Octave Klaba et d’OVHcloud et la plateforme communautaire OVHcloud Community. « Cette maîtrise de la communication de crise a réduit les effets secondaires comme des para-crises et des sur-crises et a permis de protéger la réputation de l’entreprise et conserver la confiance des parties prenantes, notamment avant l’entrée en bourse d’OVHcloud », analyse Enguerrand Jourdier.
Après l’incendie de ses installations strasbourgeoises, OVHcloud publiait tous les jours pendant près de 3 semaines un communiqué complet de la situation et son directeur utilisait régulièrement les réseaux sociaux pour effectuer des points d’étapes.
Le rappel de General Motors et la transparence de Mary Barra
Début 2014, General Motors fait face à un scandale : le constructeur automobile américain fait un premier rappel de véhicules (ce sera le début d’une longue série de rappels) à cause de problèmes liés à un commutateur d’allumage défectueux. Le défaut est alors responsable de dizaines d’accidents de voiture et d’au moins 13 morts. Problème : les premiers signaux d’alarme remontaient à plus de dix ans.
Un call center est mis en place avec 50 personnes chargées de répondre spécifiquement aux questions relatives au problème, peut-on lire dans L’Usine Nouvelle. Un site internet est créé, et General Motors confie à une équipe d’avocats indépendants l’enquête interne.
La nouvelle directrice générale, Mary Barra, nommée en décembre 2013, présente rapidement et publiquement des excuses au nom de l’entreprise, et décidera, au total, le rappel de 30 millions de véhicules. Elle reçoit les familles des victimes et décide la mise en place d’un fonds d’indemnisation. En juin 2014,
La directrice de General Motors a su reconnaître les erreurs de sa firme.
les résultats de l’enquête mettent en évidence une longue liste de négligences et des problèmes de communication qui ont empêché d’identifier le problème. Mary Barra assume ces résultats et détaille les mesures prises par l’entreprise : nomination d’un vice-président chargé de la sécurité, simplification de l’organisation, enquêteurs de sécurité, mise en place du programme « s’exprimer pour la sécurité » pour inciter les collaborateurs à signaler les potentiels problèmes de sécurité.
« Ce qu’on a retenu, c’est la communication remarquable de Mary Barra, souligne Didier Heiderich, président de l’Observatoire international des crises. Elle a reconnu le problème, a marqué de la considération pour les publics et donné de façon très claire ses axes de gestion de crise en étant concrète : j’ai dit à l’ensemble des employés que cette crise doit rester graver dans nos mémoires pour que ça ne se reproduise jamais… »
Lubrizol et l’incendie de Rouen du 26 septembre 2019
Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, un incendie touche l’entreprise Lubrizol, classée Seveso seuil haut, et son voisin Normandie Logistique. Un épais panache de fumée noire se forme et atteint 20 kilomètres de long, inquiétant les populations. Si la gestion de crise opérationnelle a été une réussite, c’est la mauvaise communication qu’on retient, analyse sur son blog Emmanuelle Hervé, fondatrice et directrice du cabinet EH&A spécialisé dans la communication de crise.
Parmi les principaux faux pas, elle relève notamment :
- la multiplication des propos contradictoires de la part des pouvoirs publics, qui entraîne une perte de confiance en la parole des autorités ;
- le ton trop technique, qui ne répond pas aux inquiétudes des populations ;
- le vide qui permet aux réseaux sociaux de s’engouffrer. La parole de l’État ne fait alors pas le poids face aux rumeurs et aux images, vraies ou fausses, qui se multiplient ;
- Lubrizol qui se bunkerise et choisit le silence au départ, puis, lorsque l’entreprise s’exprime enfin, manque d’empathie et cherche un bouc émissaire.
À noter également, le casier médiatique de Lubrizol : en 2013, une fuite de Mercaptan, additif non toxique qui donne son odeur au gaz, avait affolé la population sans réaction. Cet antécédent n’a pas permis une grande tolérance vis-à-vis de la marque de la part des populations.
Lors de l’incendie de Rouen, la multiplication des propos contradictoires de la part des pouvoirs publics a entraîné une perte de confiance en la parole des autorités.
Buitoni, Kinder : retraits tardifs des produits et manque de communication
En mars et avril 2022, des pizzas surgelées de la marque Buitoni (Nestlé) puis des chocolats Kinder (Ferrero) sont rappelés en raison de contaminations à la bactérie E.coli pour les premières et à la salmonellose pour les seconds. Deux enfants sont morts après la consommation de pizzas. Pour de nombreux experts, les deux groupes sont des exemples à ne pas suivre en matière de communication de crise. Ils ont ainsi laissé le vide s’installer et ce sont les autres acteurs, tels que les autorités sanitaires, qui se sont exprimés à leur place.
Buitoni a attendu d’être alerté par Santé Publique France pour annoncer le rappel de sa gamme de pizzas Fraîch’Up, alors que France Info a révélé que la répression des fraudes avait pointé des manquements dès 2012, avant d’adresser en 2020 un avertissement au groupe Nestlé.
Kinder est également accusé d’avoir tardé pour réagir, avec une première alerte en décembre 2021 concernant le site de production belge mis en cause. La marque a également mis plusieurs jours à communiquer la liste exacte des produits concernés par la contamination, avant d’élargir le rappel.
Parmi les erreurs relevées, les mêmes d’ailleurs que pour Lactalis en 2017 face à la crise du lait infantile : manque de réactivité, attentisme vis-à-vis des directives des autorités sanitaires, manque de transparence, absence du PDG (ou prise de parole tardive dans le cas de Ferrero) et stratégie du déni ou du doute…
La communication de crise est très mal gérée par Nestlé et Buitoni, responsables de la mise sur le marché de pizzas surgelés contaminées à la bactérie E. coli.
Kinder a tardé à réagir lors de la contamination à la salmonelle de certains de ses chocolats et a laissé les autorités sanitaires s’exprimer à sa place.
Article extrait du n° 585 de Face au Risque : « Communication de crise » (septembre 2022).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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