L’équipement des entreprises en défibrillateurs

1 septembre 20227 min

La loi n° 2018-527 du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque a rendu l’équipement en défibrillateurs obligatoire dans les entreprises ayant la qualité d’établissements recevant du public, dans les conditions précisées par le décret n° 2018-1186 du 19 décembre 2018. Dans les autres entreprises, leur installation tend également à se mettre en place petit à petit, entre politique volontariste et incitation réglementaire.

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Chaque année en France, entre 40 000 et 50 000 décès sont provoqués par un arrêt cardiaque. Il faut bien réaliser qu’à l’occasion d’un arrêt cardiaque, on ne dispose que d’une poignée de minutes pour agir avant que les fonctions vitales de la victime ne soient gravement altérées et que son décès ne survienne. Dans la mesure où ce délai est inférieur au délai d’intervention des secours publics, il importe de pouvoir réagir sans attendre leur arrivée.

Le défibrillateur, un équipement indispensable

En complément du massage cardiaque, l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe (DAE) permet de repérer une fibrillation cardiaque, responsable de l’arrêt cardiaque dans environ 80 % des cas, et de déclencher un choc électrique destiné à rétablir une activité cardiaque normale.

Leur installation dans les lieux publics permet donc d’accroître considérablement les chances de sauver les victimes, sous réserve que les appareils soient disponibles, facilement accessibles et connus du grand public. C’est dans ce contexte et avec cet objectif que la réglementation est en train d’évoluer pour renforcer le maillage de la présence de DAE sur l’ensemble du territoire national, à commencer par les établissements recevant du public (ERP).

L’obligation réglementaire d’équiper les ERP en défibrillateurs

Le décret n° 2018-1186 du 19 décembre 2018 a complété le code de la construction et de l’habitation (CCH) afin de rendre obligatoire l’installation de DAE, en un exemplaire, au sein des ERP suivants :

  • depuis le 1er janvier 2020, dans l’ensemble des ERP de catégories 1, 2 et 3 ;
  • depuis le 1er janvier 2021 dans l’ensemble des ERP de catégorie 4 ;
  • depuis le 1er janvier 2022, dans certains ERP de catégorie 5, à savoir les structures d’accueil pour personnes âgées ou handicapées, les établissements de soins, les gares, les hôtels-restaurants d’altitude et refuges de montagne, les établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives.
Un défibrillateur installé dans une gare SNCF - DR

Le décret n° 2018-1186 du 19 décembre 2018 rend obligatoire l’installation de DAE au sein de très nombreux ERP. Comme par exemple dans les transports publics : ici le hall d’une gare SNCF équipée d’un défibrillateur.

Quand des ERP sont placés sous une direction commune ou situés sur un même site, la réglementation autorise la mise en commun du DAE. Celui-ci doit être installé dans un emplacement visible du public et facile d’accès. Un arrêté du 29 octobre 2019 définit dans le détail la signalétique du DAE, notamment les dispositions graphiques d’information et de localisation, les conditions d’accès et les modalités d’installation de nature à en assurer la protection.

Cette obligation d’installation d’au moins un DAE incombe aux propriétaires de ces établissements (qui n’en sont pas forcément les exploitants) conformément à l’article R.157-4 du CCH. En revanche, ce même article, combiné aux dispositions de l’article R.5212-25 du code de la santé publique portant sur les dispositifs médicaux, met la maintenance des DAE à la charge des exploitants. Ceux-ci peuvent la réaliser eux-mêmes ou faire appel au fabricant de l’équipement ou à un fournisseur de tierce maintenance.

L’équipement en défibrillateurs dans les autres entreprises

Dans les entreprises non soumises à l’obligation d’installer un défibrillateur, il peut y avoir une politique volontariste mise en place par l’employeur, dans le cadre de son obligation d’assurer l’organisation des secours. À ce titre, l’article R.4224-14 du code du travail prévoit que les lieux de travail sont équipés « d’un matériel de premiers secours » adapté à la nature des risques et facilement accessible. Le DAE n’est donc pas expressément identifié réglementairement comme moyen de secours obligatoire.

Toutefois, il faut rappeler qu’en cas d’accident cardiaque survenu à l’occasion du travail, une enquête sera menée et que, parmi les éléments qui seront examinés (conditions de travail, notamment en cas de travail isolé, état de santé de la victime, organisation des secours…), figure le matériel mis à disposition pour assurer les premiers secours.

Dans ce contexte, l’employeur peut faire le choix d’installer un ou plusieurs DAE, même dans des lieux de travail non classés ERP, notamment afin de se prémunir d’un éventuel engagement de responsabilité pour non-respect de son obligation d’assurer l’organisation des secours et, plus généralement, la santé et la sécurité des travailleurs.

L’utilisation d’un défibrillateur est simple, mais encore faut-il y être formé. La loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 vise à sensibiliser les citoyens aux gestes qui sauvent.

Formation à l'utilisation d'un défibrillateur - CNPP

Vers une meilleure utilisation des DAE par le public

La couverture progressive du territoire en défibrillateurs ne fait pas tout, encore faut- il que le grand public s’empare de cette possibilité le moment venu, et pour ce faire, il faut qu’il y soit sensibilisé et formé. C’est pourquoi la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent, a prévu les mesures suivantes :

  • introduction au cours de leur scolarité de l’ensemble des élèves d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes de premiers secours (article L.312-13-1 du code de l’éducation) ;
  • création d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite pour tous les salariés (lire  ci-dessous), selon des modalités précisées par décret (article L.1237-9 du code du travail) ;
  • instauration d’une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque et de sensibilisation aux gestes qui sauvent.

Cette loi a également créé à l’article L.721-1 du code de la sécurité intérieure le statut de « citoyen sauveteur » pour toute personne qui porte assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent. Cette personne bénéficie de la qualité de collaborateur occasionnel du service public. Cette distinction n’a pas qu’un caractère symbolique puisqu’il est précisé que le citoyen sauveteur est exonéré de toute responsabilité civile lorsqu’il résulte un préjudice du fait de son intervention, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle.

Enfin, du fait de leur accès libre qui rend les DAE particulièrement vulnérables aux actes de délinquance, la loi a aggravé les peines encourues pour les faits de vandalisme ou de vol à l’encontre de matériel destiné à prodiguer les soins de premiers secours. Ils sont, depuis l’été 2020, punis de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende maximum (articles 311-4 et 322-3 du code pénal).

Les articles D.1237-2-2 et D.1237-2-3 du code du travail, créés par le décret n° 2021-469 du 19 avril 2021, imposent à l’employeur de proposer à tout salarié, avant son départ à la retraite, des actions de sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent. Celles-ci visent notamment « à acquérir les compétences nécessaires pour réagir face à une victime en arrêt cardiaque et utiliser un DAE ».

Les salariés sont libres de suivre ou non cette sensibilisation, qui se déroule pendant l’horaire normal de travail et est considérée comme temps de travail. Ces dispositions sont déjà en vigueur, toutefois, elles ne peuvent être mises en œuvre pour l’instant, l’arrêté devant en préciser les modalités d’application n’étant pas encore paru. Les questions restant à trancher concernent en premier lieu la liste des organismes et des professionnels habilités à dispenser cette sensibilisation, ainsi que les conditions dans lesquelles son contenu peut être adapté (ou tout simplement non réalisé) en fonction des acquis des salariés liés notamment aux formations et sensibilisations dont ils attestent ou à leur profession.


Article extrait du n° 584 de Face au Risque : « Reconnaissance faciale » (juillet-août 2022).

Morgane Darmon

Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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