Imprévisibilité du danger
Un employeur reconnu légitimement ignorant du danger auquel sa salariée était exposée n’a en conséquence pas commis de défaillance dans la prévention du risque.
Un contrôle de l’Inspection du travail
Une salariée de la société B. a été victime d’un accident en lien avec une porte métallique. L’accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle, elle a saisi ensuite la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Déboutée de ses prétentions indemnitaires, elle saisit alors jusqu’à la Cour de cassation.
C’est dans ce contexte que la Haute Juridiction considère ce qui suit :
« 1°/ Aux termes des observations qu’elle lui avait adressées, par courrier daté du 17 octobre 2013, faisant suite au contrôle effectué le 15 octobre 2013, l’Inspection du travail avait demandé à l’employeur de veiller au respect des articles L.4121-1, R.4224-11 et R.4224-12 du code du travail relatifs aux obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail et notamment en matière de sécurité des portes, et l’avait expressément invitée à prendre des mesures en ce sens ; qu’en affirmant, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que selon un courrier du 17 octobre 2013, l’Inspection du travail, après contrôle (…), n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident de la victime, de sorte que l’employeur ne pouvait avoir une conscience pleine et entière du risque auquel sa salariée était exposée, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 17 octobre 2013 de l’Inspection du travail qui demandait précisément à l’employeur de prendre des mesures afin de se conformer aux règles de sécurité imposées par le code du travail, et a ainsi méconnu le principe qui interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
Dispositions en matière de sécurité au travail
2°/ Que l’employeur commet une faute inexcusable dès lors qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en se bornant à énoncer, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que la porte métallique impliquée dans l’accident de la victime n’a jamais connu de dysfonctionnement et qu’un contrôle de l’Inspection du travail n’avait relevé aucun défaut ni anomalie en lien avec l’accident, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les dispositions réglementaires en matière de sécurité au travail avaient bien été respectées par l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale.
Réponse de la Cour de cassation
4°/Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, la cour d’appel retient que la porte métallique impliquée dans l’accident n’a jamais connu de dysfonctionnement et que selon un courrier du 17 octobre 2013, l’Inspection du travail (…), n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident, de sorte que l’employeur ne pouvait avoir une conscience pleine et entière du risque auquel sa salariée était exposée. »
5°/De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a pu déduire, hors toute dénaturation, que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable.
6°/Le moyen n’est, dès lors, pas fondé (…) »
Partant, le pourvoi de la salariée est rejeté.
En résumé
On rappellera d’abord que tout employeur est tenu de préserver la santé et la sécurité de ses travailleurs. Il doit, pour ce faire, évaluer les risques professionnels auxquels ils peuvent être exposés, afin de prendre les mesures de prévention en conséquence. En cas d’accident ou de maladie pris en charge par la législation professionnelle, le salarié reçoit une indemnité forfaitaire (régime de l’AT-MP). S’il prouve ensuite la faute inexcusable de son employeur dans la réalisation du risque, il obtient une réparation financière complémentaire. Le salarié doit, à cette fin, faire la démonstration que l’employeur avait connaissance du danger ou aurait dû en avoir connaissance, mais ne l’en a pas protégé.
C’est donc la prévisibilité du danger et sa prévention qui sont au cœur de ces litiges.
Ainsi, en l’espèce, une salariée s’est blessée en heurtant une porte métallique. Invoquant un manquement aux règles de sécurité, elle a cherché à faire reconnaître une faute inexcusable de son employeur.
Cependant, les magistrats ayant relevé que l’Inspection du travail n’avait constaté aucune anomalie ou défaut concernant cette porte après un contrôle, l’employeur est reconnu comme ignorant légitimement le danger. Faute de prévisibilité de l’accident, aucune défaillance dans sa prévention n’est retenue. Partant, le pourvoi de la salariée est rejeté.
Article extrait du n° 583 de Face au Risque : « OVH, Quelles leçons ? » (juin 2022).
Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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