Les plateformes collaboratives au service de la médecine du travail
Dans un monde du travail en perpétuelle évolution et présentant des contraintes plus élevées en matière de prévention des risques et de santé en entreprise, les services de santé au travail s’adaptent et se dirigent vers des solutions numériques afin d’améliorer l’accompagnement des entreprises et des salariés.
Le boom de l’e-santé
D’après une étude internationale réalisée en 2020 par Mercer Marsh Benefits dans 13 pays, 64 % des salariés souhaiteraient que les entreprises leur proposent des solutions de santé connectée.
En France, les difficultés de recrutement des services de santé au travail renforcées par la crise sanitaire, le confinement et la généralisation du télétravail ont fait évoluer les pratiques de la médecine en entreprise.
Les services de santé au travail, qu’ils soient autonomes ou interentreprises, se tournent peu à peu vers l’e-santé. Cette pratique est facilitée par l’apparition de nouveaux acteurs sur ce marché qui développent des outils numériques de plus en plus performants. C’est le cas par exemple de la plateforme Uegar lancée en 2020 – en pleine crise sanitaire – par l’éditeur Val Solutions, ou de Padoa créée en 2016 dans la start-up Studio Kamet.
Ces plateformes collaboratives ont pour but de mettre en relation les médecins du travail, les employeurs et les salariés.
« L’objectif est de simplifier les interactions entre ces trois intervenants », explique Cédric Mathorel, président de Padoa.
Le logiciel métier permet d’informer et de sensibiliser les différents acteurs à la prévention et à la santé au travail au travers de données sur la santé des salariés et les risques de l’entreprise.
« L’objectif de ces plateformes est de simplifier les interactions entre les médecins du travail, les employeurs et les salariés. »
Cédric Mathorel, président de Padoa.
Des espaces réservés
Chaque acteur possède son propre espace dédié pour des raisons de confidentialité des données de santé, ce qui lui permet de recevoir les informations le concernant et de préparer ses rendez-vous médicaux.
Ainsi, avant sa visite médicale, le salarié remplit un questionnaire sur son état de santé, ses antécédents ainsi que son exposition aux risques. Il peut également effectuer un pré-examen grâce à des objets connectés (tension, vue, audition, poids…) et reçoit des conseils de prévention individualisés.
Il peut à tout moment se rendre dans son espace individuel et mettre à jour ses données.
De son côté, le médecin du travail reçoit sur son espace de travail les résultats de santé du salarié. Ces informations lui permettront d’être plus précis dans la prise en charge du salarié lors de l’entretien en face à face.
L’entreprise, quant à elle, gère, sur son espace dédié, les convocations ainsi que l’administratif et suit la prévention des risques à appliquer dans son entreprise.
« L’outil se met au service de chaque intervenant pour créer une proximité sur le long terme et qu’il devienne acteur du processus, au-delà des obligations réglementaires », précise Cédric Mathorel. Il constate d’ailleurs une forte demande des entreprises.
Les médecins du travail sont également dans l’attente d’un support informatique venant en accompagnement de leurs missions, même si leur culture du numérique est encore à développer.
« L’outil comble un véritable manque »
Claudine Sulitzer, présidente du CMIE, l’un des plus importants services de prévention et de santé au travail d’Île-de-France, recherchait un outil informatique efficace. « Nous sommes au XXIe siècle. La médecine du travail avait un énorme besoin de logiciels informatiques adaptés à ses besoins et ses compétences », affirme-t-elle.
Le CMIE, qui accompagne 22 000 entreprises et près de 500 000 salariés, voit également dans l’utilisation du logiciel l’avantage d’une mutualisation des services de santé au travail autour de l’exploitation de données communes sur la prévention des risques et la santé au travail.
« La médecine du travail avait un énorme besoin de logiciels informatiques adaptés à ses besoins et ses compétences. »
Claudine Sulitzer, présidente du CMIE.
Une nouvelle organisation à inventer
Auparavant réticents, les médecins du travail réfléchissent à la mise en place de la téléconsultation. « Elle représente 30 % de notre activité. Nous constatons une véritable demande des salariés », précise la présidente du CMIE. Elle a d’ailleurs mis en place des groupes de travail pour anticiper le bouleversement engendré par cette pratique. « La généralisation de la téléconsultation suppose une organisation différente même si les contacts humains sont à privilégier. Nous devons écouter les entreprises et les salariés qui sont demandeurs ainsi que les prescripteurs. »
La présidente du CMIE pense également à collaborer avec d’autres plateformes numériques de bien-être en entreprise pour répondre à la loi Santé au travail (lire encadré ci-dessous). Celle-ci impose la mise en place d’une offre socle ainsi que d’offres complémentaires, notamment en matière de risques psychosociaux et de bien-être au travail. « Il est indispensable de recourir à d’autres prestataires informatiques pour enrichir l’offre proposée aux entreprises et orienter les salariés vers des spécialistes », affirme Claudine Sulitzer.
Disparition des rencontres physiques ?
Si certains services de santé s’engagent dans la démarche de digitalisation, d’autres sont plus réticents. Ils regrettent la perte de contacts physiques entre les praticiens et les salariés confrontés à des risques sur leur lieu de travail. « Le caractère systématique de la téléconsultation n’est pas recommandé, explique Jean-Louis Zylberberg, président de l’association Santé et médecine du travail (A-SMT). Un examen physique est une partie essentielle du diagnostic, y compris en santé mentale. » Il reconnaît toutefois que la téléconsultation peut s’appliquer dans des situations critiques telles que le confinement.
La sécurisation des données
L’un des principaux risques de la digitalisation de la santé au travail reste la confidentialité des données et le secret médical. C’est d’ailleurs ce que craignaient le Conseil national de la médecine ainsi que l’OMS dans un avis datant de 2015 sur l’e-santé.
Cependant, les éditeurs de logiciels rassurent leurs clients en mettant en avant des garanties sur la sécurité des données informatiques. « Avec la certification ISO 27001 et la certification HDS [Hébergeur de données de santé], Padoa garantit la sécurisation des données avec un chiffrage des flux de bout en bout et un hébergement des données sur le territoire français », explique Cédric Mathorel.
« Bien qu’il ne remplace pas le manque de médecins ni d’infirmiers dans les services de santé au travail, l’outil informatique comble un véritable manque en nous permettant d’être plus efficaces, plus organisés et plus réactifs », souligne Claudine Sulitzer. Elle souhaite à l’avenir collaborer davantage avec des spécialistes de santé pour mieux accompagner le salarié dans la prévention et le dépistage.
Article extrait du n° 582 de Face au Risque : « POI-PDI : être opérationnel » (mai 2022).
Valérie Dobigny – Journaliste
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