L’extinction automatique à l’heure du rebond
Après le trou d’air de 2020, le marché de l’extinction automatique fixe connaît un vrai dynamisme, mais la hausse spectaculaire du coût des matières premières introduit de nouvelles incertitudes.
Un vent d’optimisme, tout de même teinté d’une certaine prudence pour l’avenir, souffle sur la profession de l’extinction automatique fixe. En effet, les ventes repartent à la hausse, dépassant même les niveaux d’avant la crise sanitaire.
« Le marché est dynamique, avec une progression de 3 % en 2021 par rapport aux volumes enregistrés en 2019. D’ailleurs, dès le mois d’avril 2020, la nécessité d’une maintenance opérationnelle des systèmes sur certains sites stratégiques a été entérinée par les pouvoirs publics », nous déclare Pascal Bichet, secrétaire général du GIS (Groupement français des installateurs de sprinkleurs), syndicat affilié à la FFMI. Il met également en avant le fait que les compagnies d’assurance « ont resserré leur prescription dans certains secteurs comme l’agroalimentaire ou le bois, conséquence de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019 ».
Même son de cloche du côté du Gifex (Groupement des fabricants installateurs de systèmes d’extinction automatiques fixes). Ce syndicat appartient également à la FFMI et regroupe des sociétés d’extinction par gaz, brouillard d’eau, mousse et poudre. « Le marché est en bonne santé, soutenu par une croissance significative après une année 2020 qui n’a pas connu d’effondrement, mais seulement une baisse d’environ 8 %. La reprise s’est effectuée notamment grâce à la bonne tenue des activités de maintenance et à un effet rattrapage des projets qui avaient été retardés », nous explique Gilles Mangialenti, son président.
Le dynamisme de la maintenance a été un facteur décisif pour la croissance du marché, car cette activité représente entre 25 % et 30 % du total de la profession.
Plusieurs secteurs économiques porteurs pour les sprinkleurs
Pour les installations utilisant des sprinkleurs, qui comptent pour plus de 60 % de l’industrie de l’extinction automatique, la demande a été particulièrement soutenue dans la logistique. Le développement du e-commerce, accéléré par la crise sanitaire, a eu pour conséquence la création d’une quarantaine de centres logistiques l’année dernière. Chaque entrepôt de plus de 100 000 m² nécessite l’équipement d’environ 15 000 têtes de sprinkleurs. Si bien qu’on a atteint environ 600 000 unités, soit un tiers du total des installations effectuées l’année dernière.
Autre secteur porteur pour les sprinkleurs : la grande distribution et les centres commerciaux. « Ce type d’enseigne s’est plutôt bien adapté à la crise sanitaire. Si bien que les investissements en extinction automatique ont été conservés, voire accélérés, tant pour la restructuration complète d’un système que pour son réaménagement ou sa rénovation », note Pascal Bichet.
Un hypermarché ou un centre commercial peut contenir de 4 000 à 20 000 têtes de sprinkleurs selon la surface.
Les sprinkleurs ont également bénéficié d’une nouvelle demande de la part de l’industrie, soutenue par le plan de relance du Gouvernement. Il a permis de remettre d’actualité des projets d’équipement jusqu’ici en panne. De même, on constate les prémisses d’un mouvement de relocalisation en France de certaines usines. Ce qui implique de nouvelles installations de sécurité incendie.
Un nouveau débouché est en train de naître pour les sprinkleurs : l’habitat résidentiel. Cette tendance découle de l’incendie meurtrier de la tour Grenfell à Londres en 2017 (70 morts). Il a mis en évidence la vitesse de propagation du feu. « Après quelques expériences – un Ephad à Nérac (Lot-et-Garonne), un immeuble à Bayonne, etc. –, les premiers projets sont en cours. Le marché commence à se développer », souligne le secrétaire général du GIS.
Le créneau des parkings devrait logiquement être stimulé après la publication prochaine d’une directive concernant la protection incendie des points de charge des véhicules électriques. Plus généralement, des travaux de recherche se développent pour lutter contre les feux de batteries lithium-ion, largement utilisées pour les véhicules électriques, mais aussi pour les trottinettes, les téléphones portables, etc.
De l’innovation dans les sprinkleurs
Contrairement à certaines idées reçues, l’innovation est bel et bien à l’ordre du jour pour les sprinkleurs. On note par exemple l’arrivée des tubes équipés d’un revêtement intérieur en polymère renforcé, ce qui limite leur corrosion.
« Le sprinkleur est une technologie plus que centenaire dont l’efficacité est prouvée et renforcée par nos sociétés certifiées par CNPP », estime Pascal Bichet.
En 2021, les ventes de sprinkleurs auraient frisé les deux millions de têtes, un volume jamais atteint depuis le milieu des années 2000. Le marché total de l’extinction automatique fixe s’est élevé en 2021 à plus de 600 M€ – lui aussi un record – sur un chiffre d’affaires supérieur à 3,3 Mds € pour l’ensemble des métiers de la sécurité incendie, selon les estimations d’En Toute Sécurité.
L’extinction par gaz
Les autres technologies d’extinction automatique se sont également bien comportées l’année dernière. Le créneau de l’extinction par gaz a été soutenu par une demande plus forte provenant des data centers, sensibilisés par l’incendie du site d’OVH à Strasbourg intervenu en mars 2021. De même, le gaz est davantage utilisé pour la protection incendie des armoires électriques dans les usines.
Le brouillard d’eau
Pour sa part, le brouillard d’eau continue à se développer sur de nouvelles niches, en dehors de ses applications habituelles, comme les tunnels ou les hôtels.
Il représente désormais 11 % de l’ensemble des technologies d’extinction utilisées contre 6 % en 2013, selon En Toute Sécurité.
« Le brouillard d’eau a pour atout d’être tourné vers les préoccupations environnementales, car il consomme peu d’eau. Il est par exemple de plus en plus utilisé pour la protection des transformateurs, des data centers et même dans certains ERP. De plus, la technologie haute pression cohabite désormais avec la basse pression qui occupe une place grandissante », relève Gilles Mangialenti.
Autre tendance, le brouillard d’eau est utilisé pour la mise en sécurité des bâtiments patrimoniaux suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris. « C’est une solution très pertinente pour protéger des combles », ajoute le président du Gifex.
L’extinction par mousse
En revanche, l’extinction par mousse est sur une pente descendante : elle compte pour 7 % des technologies d’extinction contre 11 % en 2013. Elle reste en effet cantonnée à la sinistralité forte comme les grands sites industriels, les déchetteries, les stations-services ou la pétrochimie. Une éventuelle interdiction des émulseurs fluorés – actuellement en cours de discussion – ne devrait pas être effective avant trois à cinq ans.
L’extinction par poudre
Quant à l’extinction par poudre, elle conserve une place marginale (2 % des solutions d’extinction), car elle est dédiée aux feux de métaux et à la protection de petits locaux industriels ou de stockage de gaz.
Autres types d’extinction
Le marché français ne semble pas mûr pour l’extinction par aérosol qui utilise des gaz toxiques. « Cette technologie, surtout installée en Europe du sud, n’a pas les faveurs des industriels dans notre pays », souligne Gilles Mangialenti. Son avis est plus positif pour l’extinction par réduction du taux d’oxygène, qualifiée d’« intéressante pour les sites où une solution classique est difficilement envisageable, comme les sites de stockage frigorifique, mais elle nécessite une vigilance des autorités sanitaires concernant les conditions de travail ».
Des entreprises moins rentables
Les premières estimations montrent que la demande reste dynamique durant les premiers mois de l’année 2022. Néanmoins un handicap majeur est apparu : une hausse extrêmement importante des matières premières.
« Nous sommes percutés par le bond de 60 % à 100 % du prix de l’acier destiné aux tubes ou aux cuves des systèmes de sprinkleurs. Cela nous a évidemment pénalisé pour les contrats déjà signés. Et nous parvenons à répercuter une partie seulement de cette flambée des prix pour ceux en cours de négociation », affirme Pascal Bichet du GIS. Il anticipe cependant une stabilisation des prix cette année.
Ce phénomène a évidemment pesé sur la rentabilité des entreprises du secteur. D’autant qu’un autre facteur pénalisant est intervenu : une pénurie des composants électroniques équipant les systèmes d’extinction, comme les centrales d’alarme ou les commandes des pompes.
Enfin, comme la plupart des industries, l’extinction automatique souffre de la rareté d’une main-d’œuvre spécialisée. Ainsi que de délais de livraison à rallonge, pouvant atteindre jusqu’à trois mois, ce qui ne contribue pas à la fluidité du marché. « Cette tendance devient une préoccupation forte chez nos industriels, car cela signifie une mise en service retardée des installations », explique Gilles Mangialenti, président du Gifex.
Heureusement, une partie seulement des sous-ensembles provient d’Asie : la moitié des vannes et tuyauteries et des pièces servant à produire les pompes. Le reste – cuves, tubes, etc. – est essentiellement fabriqué en Europe, dont une part significative en France. Un avantage notable par ces temps incertains sur le plan des échanges commerciaux internationaux.
« Soutenue par un cadre réglementaire riche et par la certification des produits, l’expertise des entreprises françaises se situe à un niveau élevé et la qualité de leurs prestations est indéniable. Notre industrie n’est pas vraiment impactée par une concurrence étrangère à bas coût », souligne le président du Gifex.
Article extrait du n° 581 de Face au Risque : « Notre-Dame sous les deux de la rampe » (avril 2022).
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