Rubis Terminal : l’extinction incendie à portée de clics
Retour d’expérience. L’entreprise Rubis Terminal de Rouen (Seine-Maritime) stocke, pour ses clients, carburants, liquides industriels dont des produits chimiques, huiles ou encore engrais liquides. Elle s’étend sur six sites, dont quatre sont classés Seveso seuil haut, situés en bord de Seine répartis sur 34 hectares. Elle dispose de connexions navires, barges, wagons, camions et pipeline. La réponse opérationnelle en cas de sinistre est contenue dans un seul document, le plan d’opération interne (POI). Les détails avec Stéphane Simon, directeur de Rubis Terminal Rouen.
Pouvez-vous nous présenter l’entreprise et son activité ?
Stéphane Simon. Notre métier, c’est la prestation de services. Nos clients sont propriétaires de produits liquides que nous réceptionnons et stockons. Pour faire simple, nous avons des réservoirs, des process de livraison (pompes et tuyaux) et notre savoir-faire. Nous devons maintenir le volume et la qualité des produits qui nous sont confiés. Nous stockons des produits pétroliers (gazole, essence, fioul, paraffine…), des biocarburants (base éthanol, huiles estérifiées) type E85, B7, B10, des produits chimiques (méthanol, soude…), des engrais (solutions azotées, mélanges…) ou des produits agroalimentaires (huile brute de colza, mélasse, vinasse, huiles végétales…).
En bord de Seine, le dépôt fonctionne 24 h/24 et 7 jours/7 et il est principalement approvisionné par voie maritime et par le pipeline reliant Le Havre à Paris. La majorité des produits repart par camions.
L’entreprise emploie aujourd’hui une soixantaine de personnes. Auxquelles s’ajoutent entre 50 et 100 employés d’entreprises extérieures qui travaillent chaque jour sur site : des chauffeurs qui vont et viennent, des intervenants qui travaillent sur le gros entretien ou les travaux neufs (chaudronnerie, automatisme…), des gardiens, des tiers experts qui font des prélèvements et des analyses pour le compte de clients…
Comment sont protégées les installations contre le risque incendie ?
S. S. Avant de parler protection, il faut mettre en avant tout le travail de prévention réalisé. Nous œuvrons tous les jours pour que le risque soit maîtrisé : installations entretenues et maintenues, respect de la réglementation, personnels formés, travaux neufs encadrés par une équipe spécifique, modes opératoires et analyses de risques décortiqués, conception des installations…
Nous avons aussi de nombreux détecteurs et caméras, placés stratégiquement sur les sites, qui surveillent l’atmosphère et les installations. Toutes les alarmes sont reportées H24 sur les téléphones des opérateurs en poste, la salle de contrôle, le gardien… Les réservoirs sont par ailleurs équipés de sécurités anti-débordement doublées.
Côté protection, Rubis Terminal, après les arrêtés d’octobre 2010, a fait le choix de l’autonomie en matière de défense contre l’incendie. Le groupe a investi massivement sur des installations fixes, où elles pouvaient être mobiles avant. Désormais, c’est un réseau dense de tuyauteries dans tous les sens, de déversoirs incendie, de boîtes à mousse, de proportionneurs pour le mélange avec l’émulseur, des pomperies, des réserves d’eau.
Ces moyens sont déployés sur l’ensemble des cuvettes de rétention et des réservoirs. Tout ça est télécontrôlé depuis la salle de contrôle. Le système de supervision est d’ailleurs dupliqué à différents endroits pour prévenir la perte d’utilité, et dans une certaine limite automatisé. En deux clics de souris et un bris de glace pour confirmer l’action, on peut ainsi déclencher les scénarios d’extinction (et temporisation) qui sont prévus et préprogrammés et 100 % des moyens d’extinction.
Qui déclenche ces scénarios ?
S. S. Tout le monde est formé au déclenchement d’un plan d’opération interne puisque ce sont les personnes en quart au moment de la survenance de l’incident qui vont devoir intervenir. On considère que le premier intervenant a forcément, provisoirement, la casquette de DOI (directeur des opérations internes), même si c’est un opérateur. C’est cette personne qui va lancer le POI, avec pour mission de déclencher l’alerte (de manière automatique sur l’ensemble des téléphones de la société) et l’extinction. Elle va être relevée très vite par un agent de maîtrise, un cadre qui, une fois sur place, activera le PC Exploitant. C’est notre cellule de crise qui va alors se concentrer sur les dérives possibles, les effets domino, anticiper les moyens complémentaires si l’événement ne se passait pas comme prévu…
Après les arrêtés d’octobre 2010, Rubis Terminal a fait le choix de l’autonomie en matière de défense contre l’incendie. Le groupe a investi massivement sur des installations fixes, où elles pouvaient être mobiles avant.
Quels risques couvre le POI ?
S. S. Nos risques principaux sont l’incendie et l’épandage. Les stockages sont sur rétention, les postes de chargement aussi, ainsi que les pomperies, les tuyauteries. Mais on peut imaginer malgré tout une perte de confinement par exemple sur un camion qui circule dans le site. Ou un bateau avec une avarie sur le bras de déchargement et un épandage au niveau d’un point de transfert.
Par ailleurs, même si nos réservoirs ne sont pas pressurisés, nous envisageons réglementairement le risque peu probable d’explosion car dans certaines conditions d’encombrement, un nuage de vapeur d’hydrocarbure, en s’enflammant, pourrait générer une onde de pression dont les limites d’effets sont prévues dans le plan de prévention des risques technologiques (PPRT).
D’après la réglementation, vous devez formaliser votre stratégie de lutte incendie dans un plan de défense incendie, qui peut être inclus dans le POI. Est-ce le cas ou avez-vous différents plans d’urgence ?
S. S. Tout est absorbé et détaillé dans le POI. Ce dernier comprend les fiches réflexes, par exemple sur l’alerte, l’accueil des secours, la fiche DOI… Nous en avons ajouté une récemment sur les premiers prélèvements environnementaux demandés par la réglementation suite à l’incendie de Rouen, avec tout ce qui va permettre la captation et les premières analyses des fumées. Le POI recense aussi une trentaine de scénarios, selon les cuvettes et réservoirs. On trouve aussi dans le POI le recensement des moyens techniques et humains, les ressources en eau et émulseurs…
Calcul de surface, taux d’application, débit, choix entre déversoir, boîte à mousse, canon… : la stratégie a été élaborée sur la base réglementaire, avec l’appui des guides d’applications du Gesip et les recommandations du Sdis. Le POI comprend aussi l’inventaire des stocks, que l’on faisait déjà quotidiennement et qui a été vulgarisé pour qu’il soit plus lisible et compréhensible, comme demandé par la réglementation.
Quels sont vos conseils pour rendre un POI opérationnel ?
S. S. Les exercices et l’entraînement. Cela permet de développer des automatismes et de dédiaboliser beaucoup de choses. Nous organisons un exercice POI hebdomadaire, avec 6-7 personnes à chaque fois. Chaque scénario est dispensé sur 5 semaines durant lesquelles on doit avoir formé l’essentiel des intervenants. Il faut bien sûr, en complément, un travail de sensibilisation et formation en amont, notamment au Gesip.
Les outils que l’on utilise au PC Exploitant sont aussi très importants. Le POI existe en format papier et numérique, mais en cellule de crise, outre les fiches, nous travaillons surtout sur des tableaux et fonds de plan dont le formalisme est très proche de celui des pompiers pour avoir des outils très opérationnels.
Article extrait du n° 582 de Face au Risque : « POI-PDI : être opérationnel » (mai 2022).
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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