Exposition au bruit et faute inexcusable
Un agent, chargé de faire des mesures de vérification sur les rails dans un environnement bruyant, a développé une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle. Il cherche à faire reconnaître la faute de son employeur.
Un agent technique affecté à l’entretien des rails a développé une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle. Il a saisi ensuite la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Mais débouté de ses prétentions, il a poursuivi alors jusqu’à la Cour de cassation.
Un environnement de travail bruyant
La Haute Juridiction considère dans cette affaire que :
« (…) 5. Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que le salarié a été affecté à compter du 1er mars 2006 au service I en qualité d’agent technique pour l’entretien des voies, et était en charge de procéder à des vérifications de rails du réseau à l’aide d’un engin de mesure T ; que si cet engin ne générait pas de bruit, les opérations confiées au salarié s’effectuaient dans un cadre plus bruyant, l’utilisation de l’engin T n’excluant pas !a présence à proximité d’engins d’entretien des voies pour certains très bruyants ; que la pathologie développée par le salarié est en conséquence en lien avec son activité professionnelle ; qu’au regard des fiches d’aptitude établies à partir du 18 avril 2006 jusqu’au 20 décembre 2010, le salarié était apte au poste sur lequel il opérait ; que si le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les préconisations du médecin du travail, celui-ci indiquant sur ces fiches qu’il ne devait pas être exposé au bruit, toutefois, interrogé sur la portée de cette mention, le docteur (…) a indiqué que lorsqu’elle a précisé que le salarié ne devait pas être exposé aux bruits, ʺc’était dans le but qu’il ne soit pas affecté à un autre poste de travail qui aurait été bruyant de façon régulière (supérieur ou égal à 80 db) [souligné par l’intéressée] sans qu’une visite médicale soit déclenchée pour vérifier son aptitude ; le salarié avait été reclassé à ce poste T justement pour qu’il ne soit pas affecté à un poste bruyant.ʺ ; qu’il ressort des fiches d’aptitudes que le salarié ne faisait plus l’objet d’un suivi médical au titre du bruit à compter de février 2008 ; que l’employeur n’avait pas ou ne pouvait avoir conscience du danger auquel le salarié, affecté sur un chantier non structurellement bruyant, était exposé.
L’exposition du travailleur
6. En se déterminant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que l’avis du médecin du travail comportait des restrictions médicales, de sorte que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger particulier auquel était exposée la victime, la cour d’appel, en se bornant à considérer que l’employeur n’avait pas ou ne pouvait avoir conscience du danger auquel le salarié, affecté sur un chantier non structurellement bruyant, était exposé, sans rechercher si l’employeur n’aurait pas dû avoir conscience de ce danger, a privé sa décision de base légale. (…) »
Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée.
La prévisibilité du danger
En résumé, on rappellera liminairement que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. C’est ainsi la prévisibilité du danger qui est appréciée par les juges, afin de décider de la pertinence des mesures de prévention prises en corolaire.
La faute de l’employeur
En l’espèce, un agent d’entretien chargé de faire des mesures de vérification sur les rails, dans un environnement bruyant, a développé une pathologie prise en charge au titre de la législation professionnelle. En complément des sommes reçues en application du régime dit AT-MP, le salarié a cherché à faire reconnaître une faute de son employeur, afin d’obtenir une réparation complémentaire.
Débouté par les premières juridictions saisies, il soutient en cassation que les avis et préconisations du médecin du travail ayant conclu au fait qu’il ne devait pas être exposé au bruit ne pouvait laisser juger que l’employeur était dans l’ignorance du danger en litige.
C’est dans ce contexte que, dans la mesure où le médecin du travail avait certes conclu à l’aptitude au poste mais préconisé que le salarié ne soit pas affecté à un poste de travail bruyant, la Haute Juridiction considère que l’employeur était informé de restrictions médicales relatives au bruit.
Partant, dès lors que l’environnement de travail de ce salarié restait sonore, la Cour décide que l’employeur aurait bien dû avoir conscience du danger auquel ce salarié était exposé et avait été défaillant dans sa prévention.
En conséquence, la décision critiquée par le salarié est cassée car la faute inexcusable de l’employeur ne pouvait donc pas être écartée ici.
Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).
Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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