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Accidentologie dans les installations de stockage de déchets non dangereux
Depuis dix ans, près de 25 % des accidents se produisant dans des installations industrielles concernent le secteur des déchets. Le Barpi (Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels) s’intéresse ici plus précisément aux installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) souvent appelées « décharges ».
Pour rappel, le Barpi a présenté dans Face au Risque n° 573 des éléments généraux sur cette accidentologie et, dans le n° 577, les éléments relatifs à l’activité de tri transit et regroupement de déchets non dangereux.
L’activité déchets
Comme en 2020 et quasiment toutes les années de la décennie écoulée, en 2021, les installations industrielles françaises rencontrant le plus d’événements sont celles du secteur des déchets avec près d’un quart des événements enregistrés. Ainsi, au 5 janvier 2022, la base de données Aria a enregistré 2 506 événements sur la période 2010-2021 dans ce secteur d’activités.
Celui-ci comprend les installations ayant l’un des codes NAF suivants :
- 37 : « Collecte et traitement des eaux usées » ;
- 38 : « Collecte, traitement et élimination des déchets, récupération » ;
- 39 : « Dépollution et autres services de gestion de déchets » ;
- 2 : « Entretien et réparation de véhicules automobiles ».
Ce secteur d’activité est très varié et comprend les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND), communément appelées décharges ou, par le passé, centre technique d’enfouissement de classe 2.
Une décomposition des activités contribuant à l’accidentologie du groupe métier « Déchets » pour la période 2017-2019 montre que l’activité de stockage de déchets représente près de 20 % des événements de ce secteur.
Une analyse poussée sur les installations de stockage de déchets non dangereux a été effectuée par le Barpi dans le cadre de la synthèse « Accidentologie du secteur des déchets sur la période 2017-2019 » publiée en mai 2021. Les principales conclusions sont présentées ci-après.
Un phénomène majoritaire et une période spécifique
- Point positif. Ces événements sont moins générateurs d’accidents que la moyenne. En effet, sur la période 2017-2019, seuls 18 % des événements ont été classés en accident. À titre de comparaison, 33 % des événements se produisant sur une installation relevant du code NAF 38 sont des accidents sur la période 2010-2019.
- Point négatif. Ces événements sont, dans de trop nombreux cas encore, détectés par une personne extérieure à l’établissement : un riverain, un automobiliste ou un employé d’une entreprise sous-traitante. Cela met en exergue toute l’importance de la détection incendie sur ces sites. Cette détection externe peut conduire à des difficultés d’accès pour l’intervention des secours sur les sites mais également à des difficultés d’extinction de par l’ampleur du sinistre au moment où les premiers moyens d’extinction sont mis en œuvre.
- Point particulier. L’extinction de ces incendies ne s’effectue pas uniquement avec de l’eau. En effet, dans plus des deux tiers des événements, le recouvrement par des matériaux inertes est utilisé. Certains incendies sont d’ailleurs éteints uniquement par ce biais. Cela met en avant l’utilité d’un stock de matériaux proches du casier en cours d’exploitation (le plus souvent à l’origine des sinistres). Mais également la disponibilité des engins et du personnel formé à les utiliser.
Des conséquences typiques
Les événements se produisant dans les installations de stockage de déchets non dangereux ne génèrent, la plupart du temps, que peu de conséquences humaines. Aucun accident mortel n’est enregistré dans la base de données Aria et on compte un nombre peu important d’événements avec des blessés.
Par ailleurs, les conséquences sociales sont faibles. Pour exemple, entre 2017 et 2019, aucun événement n’a généré de chômage technique. Et seuls trois événements ont induit une interruption de la circulation routière ou ferroviaire. Cela est en partie dû à la bande d’isolement de 200 mètres mise en place autour de ce type d’installation.
Des conséquences économiques sont en revanche enregistrées dans près des deux tiers des événements. Avec, pour la quasi-totalité, des dommages matériels internes.
Ceux-ci touchent principalement l’infrastructure des casiers.
Voici les principaux éléments impactés :
Feu sur 1 500 m² d’un casier d’une installation de stockage à Fouju (Seine-et-Marne) en février 2020 (Aria 55122) – Crédit Franck Desprez/Sdis77
- barrières passive et active du casier en cours d’exploitation ou d’un casier adjacent ;
- membranes de type bio-réacteur placées en couverture de casier ;
- dispositifs liés à la gestion des lixiviats (liquide produit sous l’action conjuguée de l’eau de pluie et de la fermentation des déchets) tels que les puits, les pompes de relevage…
- dispositifs liés à la gestion du biogaz (collecteurs, centrale de cogénération…) ;
- dispositifs de surveillance (caméras ou capteurs thermiques, caméras de vidéosurveillance) ;
- poteaux incendie ;
- filets anti-envol de déchets ;
- engins de chantier et notamment les compacteurs.
Les conséquences environnementales sont principalement liées à des impacts dans l’air, en raison des fumées d’incendie. Des impacts dans le sol sont également constatés ainsi que dans les eaux (avec par exemple le rejet de lixiviats).
Forte influence des agressions naturelles et des facteurs organisationnels
Incendie dans une ISDND à Pavie (Gers) en juin 2020 (Aria 55666) – Crédit : Dreal Occitanie
Un certain nombre d’événements est lié à une agression externe, principalement une agression naturelle en raison des fortes chaleurs, que ce soit en facteur déclenchant ou en facteur aggravant.
La présence de déchets non conformes est également à l’origine de sinistres, comme le sont aussi des recouvrements de déchets mal effectués ou insuffisants.
Une analyse des causes profondes met en évidence qu’en premier lieu, une gestion mauvaise ou inadaptée des risques est à la source des événements.
Il est à noter que la seconde cause profonde est la non-prise en compte du retour d’expérience. Cela se traduit par des sites sur lesquels une récurrence du phénomène incendie est observée. Ainsi, à titre illustratif, sur la période 2017-2019, un site a connu huit incendies.
L’organisation des contrôles est la troisième source d’événements et ne doit pas être négligée par les exploitants, que ce soit lors de l’admission (en vue de repérer des déchets non conformes ou indésirables) ou lors de la surveillance du site (pendant et en dehors des heures d’exploitation).
L’analyse de l’accidentologie permet d’identifier les points sur lesquels les exploitants d’installations de stockage de déchets non dangereux doivent progresser afin de diminuer l’occurrence des événements et également d’en limiter les conséquences. Elle est synthétisée dans le tableau ci-dessous :
Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).
Aurélie Baraër
Chargée de mission au Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi)
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