Détection de sons anormaux, une technologie qui fait du bruit
Depuis l’automne dernier, des détecteurs de sons anormaux ont été installés sur des caméras de vidéosurveillance de la ville d’Orléans. Il s’agit pour le moment d’une phase de test. Reste encore à savoir à quoi servent ces détecteurs et à connaître leur mode de fonctionnement.
Des caméras orientées par le son
La qualité des images des caméras de vidéosurveillance ne cesse de se perfectionner au fil du temps. Afin de s’assurer d’une efficacité optimale de ces dispositifs, encore faut-il que les caméras soient en mesure de capter les événements fatidiques. Autrement dit, que ces derniers ne se déroulent pas dans un angle mort ou à l’opposé de la scène en cours de visionnage.
Pour tenter de remédier à cette incertitude, ou du moins d’en réduire la part, une nouvelle technologie est en pleine éclosion ces dernières années : les détecteurs de sons anormaux.
Couplés à un dispositif de vidéosurveillance, ces détecteurs permettent d’orienter automatiquement une caméra vers la scène la plus à même de déboucher sur un événement majeur. Bris de glace, cris de panique, agression verbale, coup de feu… dès lors qu’un événement sonore de ce type est détecté par ces « oreilles » technologiques, les « yeux » de la caméra se tournent immédiatement pour en suivre le déroulé et effectuer une levée de doute visuelle.
Comment fonctionne la détection ?
Comme l’indique son nom, le but de cette innovation est de pouvoir capter des sons – ou ambiances sonores – identifiables à des situations anormales.
Afin d’être compatible avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), l’accent doit être mis sur des bruits extrêmement brefs et non sur les conversations des individus. Il n’est pas non plus question de base de données ou d’enregistrements de ces bruits. Dans les faits, chaque milliseconde est écrasée par la milliseconde suivante si aucun son anormal n’est détecté.
Reste à comprendre de quelle manière ce système parvient à faire la différence entre un bruit traditionnel et un bruit susceptible d’être anormal.
Le détecteur est composé d’un micro, servant à entendre l’ambiance sonore, et d’un processeur qui permet de transformer ces sons en métadonnées afin d’être analysés. Grâce au machine learning intégré dans le système, le détecteur établit un modèle prédictif à chaque milliseconde et se déclenche uniquement lorsqu’une anomalie sonore est détectée.
Pour imager cette situation, comparons une ambiance sonore classique à un encéphalogramme plat qui serait perturbé par un son détecté comme étant anormal. Cette anomalie provoquerait de ce fait la création d’un événement, relevé par ce système d’analyse. Dès lors, une notification consécutive à cette analyse est envoyée par trame IP. C’est cette notification qui va permettre d’effectuer une levée de doute visuelle grâce à la réorientation instantanée des caméras.
À noter par ailleurs que ces détecteurs se suffisent à eux-mêmes et n’ont pas besoin d’être rattachés à une caméra pour être opérationnels. Dans ce cas de figure, la détection d’une anomalie sonore s’accompagnerait d’une levée de doute effectuée sur place par un agent de sécurité par exemple.
Plus concrètement, où en est-on ?
Il s’agit pour le moment d’une technologie naissante. Quelques sociétés se sont spécialisées dans le domaine en Europe ou encore aux États-Unis (plus particulièrement pour la détection de coups de feu).
S’agissant de la France, la société Sensivic – fondée en 2015 – se fait une place sur le marché. L’entreprise a notamment vu sa technologie retenu par le Comité stratégique de filière (CSF) des « industries de sécurité » pour la sécurisation des grands événements, parmi lesquels figurent les Jeux olympiques de Paris 2024.
Depuis l’automne dernier, la ville d’Orléans effectue des tests de détecteurs de sons anormaux. Cependant, ils font à l’heure actuelle l’objet d’une plainte de la part de La Quadrature du Net (LQDN). La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a confirmé fin janvier 2022 auprès du média La République du Centre qu’une « procédure de contrôle est en cours sur la base de la plainte de LQDN concernant le dispositif d’écoute des bruits sur la voie publique qui aurait été utilisé par la commune d’Orléans ». Affaire à suivre donc.
Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).
Eitel Mabouong – Journaliste
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