Incendie : « Tout le monde est gagnant avec le QRcode sécurité bâtiment »
Nous avions présenté l’application « QRcode sécurité bâtiment » en 2021, avant qu’elle ne passe en phase de test. Destinée à l’amélioration de l’intervention des pompiers sur un bâtiment en feu, cette innovation a reçu une mention spéciale lors des derniers Oscars de la FFMI. Le commandant Martial Foissotte, sapeur-pompier du Sdis 01 chargé du projet en partenariat avec la CCI de l’Ain, nous en détaille le fonctionnement et les objectifs.
Comment est née cette innovation ?
Martial Foissotte. Nous avions créé un groupe de travail « sécurité bâtimentaire » en 2018, piloté par le Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de l’Ain et la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de l’Ain, à l’occasion du congrès national des sapeurs-pompiers organisé à Bourg-en-Bresse.
L’idée était d’améliorer la sécurité bâtimentaire autour du BIM (Building information modeling) et des diverses innovations dans le bâtiment comme la nouvelle réglementation thermique 2020, ou les installations photovoltaïques.
Cette réflexion a été menée avec d’autres acteurs tels que des architectes, des bâtisseurs, des bailleurs sociaux, des assureurs, des contrôleurs techniques.
Quel est l’objectif du « QRcode sécurité bâtiment » destiné aux sapeurs-pompiers ?
M. F. Il est double. Le premier concerne les plans Etare, destinés à guider l’intervention des sapeurs-pompiers sur des établissements répertoriés à risques. Il s’agit de faire migrer les documents papier au format digital.
Le deuxième objectif est de mettre à disposition ces données digitales des Etare, mais également celles d’autres établissements non-répertoriés, aux équipes d’intervention en mobilité. Dès l’appel au 18, nous pourrons prendre connaissance des plans, mieux appréhender les risques, les surfaces et cela permettra d’envoyer les bons moyens.
« Il y a trois gagnants avec l’utilisation de cette application : les pompiers, car ils sont plus efficaces, plus sereins, plus en sécurité. L’exploitant, car il aura moins de pertes, moins de chômage technique, son patrimoine sera sauvegardé. Et l’assureur : comme notre intervention est plus efficace, le remboursement du sinistre devrait être minoré ».
En pratique, comment cela fonctionne ?
M. F. Nous avons accès aux plans d’intervention via une tablette équipée d’une carte SIM, pour la connexion internet. Néanmoins, l’application peut fonctionner hors réseau car la donnée est aussi embarquée dans la tablette. Un QR code flashable est apposé sur le bâtiment ou le site, mais au final il ne devrait pas servir aux équipes d’intervention à leur arrivée sur place, car elles auront pris les renseignements en amont durant le trajet grâce à la recherche de sites par commune.
Nous avons effectué un exercice en grandeur nature, une intervention sur un bâtiment que nous ne connaissions pas. Nous avons chronométré l’intervention, avec et sans « QRcode sécurité bâtiment ». Nous nous sommes aperçus que l’on gagnait un temps considérable : dans l’itinéraire, pour trouver le point d’eau, ouvrir le portail, la porte, trouver les bons éléments, localiser où sont les produits, obturer au bon endroit.
On visualise mieux les lieux, on va plus vite, on prend moins de risques, on limite les risques de propagation du feu et les pollutions potentielles.
L’utilisation de l’application ne nécessite pas forcément une connexion réseau, ni le flashage du QRCode apposé sur le bâtiment. Toutes les données digitalisées des plans Etare sont accessibles partout et en temps réel aux personnels habilités.
Déposée à l’Inpi, l’innovation « QRCode sécurité bâtiment » est exploitée commercialement sous le nom « Batifire » par la société Batisafe.
Comment l’application est-elle sécurisée ?
M. F. L’application Batifire, déclinaison commerciale de « QRcode sécurité bâtiment » par la société Batisafe, est conforme au RGPD et ne peut être installée que sur des appareils du Sdis, via un store privé. C’est l’applicatif qui génère le QR code, il faut l’application pour pouvoir le lire.
Les sapeurs-pompiers ont accès à l’application à l’aide d’authentifications multiples et de mots de passe. Les données sont cryptées, hébergées sur des serveurs qui sont doublés. La flotte d’appareils du Sdis doit être sécurisée, elle est gérée à distance via MDM (Mobile device management), pour s’épargner les mises à jour manuelles quotidiennes. Cette fonctionnalité permet aussi d’effacer soit les données sur la tablette à distance, en cas de perte ou de vol.
Ce haut degré de sécurité faisait partie du cahier des charges, et sur ce point nous étions en phase avec Batisafe.
Quelles sont les prochaines étapes ?
M. F. Il y a deux enjeux. Le premier est l’appropriation et le déploiement au sein des Sdis. L’application est gratuite pour les sapeurs-pompiers. Il faudrait donc que tous les Sdis de France entre dans ce mouvement de mobilité de la donnée en intervention. C’est un défi car ce sont des investissements en matériel, et aussi du temps passé. Nous avons signé une convention nationale avec l’Ensosp pour que tous les officiers sapeurs-pompiers en formation obligatoire sur le plateau de Vitrolles puissent découvrir et utiliser l’application et le QR Code.
Le second enjeu est l’adoption par les exploitants, au-delà de ceux concernés par les plans Etare, comme les ERP, les PME, l’habitat collectif. Avec notre groupe de travail, nous travaillons aussi en direction des assureurs.
Il y a trois gagnants avec l’utilisation de cette application : les pompiers, car ils sont plus efficaces, plus sereins, plus en sécurité. L’exploitant, car il aura moins de pertes, moins de chômage technique, son patrimoine sera sauvegardé. Et l’assureur : comme notre intervention est plus efficace, le remboursement du sinistre devrait être minoré.
Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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