Contrôle d’accès : une reprise aléatoire
Le secteur du contrôle d’accès est affecté par une pénurie de composants et des difficultés d’approvisionnement qui risquent d’entraver la reprise bien engagée en 2021.
Pénurie de composants électroniques
Le contrôle d’accès est l’une des activités les plus dynamiques de toute la filière sécurité privée. Va-t-il pâtir de la pénurie mondiale de composants qui affecte tous les secteurs économiques ? Cela en prend bien le chemin au vu des constats effectués au début de cette année.
« Notre profession est particulièrement concernée par ce phénomène, car on trouve des puces électroniques dans tous les équipements de contrôle d’accès. Or, les prix des composants sont passés du simple au double – et parfois plus –, pesant lourdement sur les marges de nos entreprises », nous déclare Patrick Lanzafame, président du GPMSE, syndicat qui regroupe les sociétés d’installation de sécurité électronique.
Une étude du cabinet Goldman Sachs montre que les activités qui dépensent plus de 1 % de leur chiffre d’affaires en puces électroniques sont touchées par cette pénurie. Ce qui serait le cas d’environ 170 industries et bien-sûr de la sécurité électronique.
« Le phénomène a débuté au second trimestre 2021 et s’est accentué depuis. Certaines commandes de composants très pointus rencontrent des délais de livraison particulièrement longs, allant jusqu’à la fin du premier trimestre 2023 », affirme Karine Bruno, responsable Sécurisation des accès, évacuation et mise à l’abri des personnes, de l’organisation Ignes qui rassemble notamment les fabricants de sécurité électronique.
Une situation inédite
« Les effets du ralentissement de la production sont aggravés par la reprise économique qui stimule la demande, mais aussi par des difficultés de logistique. Si les problèmes d’approvisionnement vont se résorber vers la fin de cette année, il est possible que les retards de production se poursuivent jusqu’à la fin 2023 », explique le président du GPMSE.
Il estime que cette situation « ne va pas remettre en cause la reprise des ventes » dans le contrôle d’accès. Mais elle va contribuer à une redistribution des cartes entre les acteurs en fonction de leur réactivité, de leur degré d’intégration de la fabrication et de leurs stocks de composants. Certaines entreprises ont bien anticipé le problème et ont passé de grosses commandes avant que la pénurie ne se manifeste. Mais d’autres sont prises de court.
Une telle situation est évidemment inédite. D’autant que d’autres coûts intervenant dans la vie des entreprises ont tendance à grimper comme l’essence ou l’électricité. Le GPMSE plaide pour la création d’une clause conjoncturelle d’imprévisibilité pour les nouveaux contrats signés et pour l’ouverture de négociations avec les donneurs d’ordres sur la délicate question d’une éventuelle augmentation du prix des produits finaux.
En 2020, le contrôle d’accès a subi un coup de frein assez brutal en raison des confinements durant la pandémie, mais est resté en croissance. Il s’en est même plutôt bien sorti par rapport à l’ensemble de la sécurité privée qui a connu une baisse de 3,1 % en 2020. Le chiffre d’affaires cumulé des fabricants, installateurs et intégrateurs a ainsi augmenté de 0,9 % contre +6,5 % en 2019. Et il devrait s’inscrire autour de 5,3 % en 2021, selon les statistiques publiées dans l’Atlas d’En Toute Sécurité.
La demande est réelle
La reprise est donc tangible, mais elle reste fragile pour 2022, compte tenu d’incertitudes ne dépendant pas de la demande des utilisateurs. Or, celle-ci reste dynamique. Les directeurs sécurité donnent en effet la priorité à la révision des dispositifs de sécurité de leur entreprise, et principalement au contrôle d’accès. C’est même devenu leur chantier numéro un puisque ce sujet recueille 35 % des réponses, devant une modification de la répartition entre surveillance humaine et sécurité électronique (25 %), selon un sondage réalisé par En Toute Sécurité en septembre dernier.
Avec un marché français qui frise les deux milliards d’euros, le contrôle d’accès est le plus volumineux secteur de la sécurité électronique, devant la vidéosurveillance et l’alarme.
La pandémie a également modifié la répartition des segments de clientèle. Très affectés par les confinements, les marchés publics comme les infrastructures de transports ou les sites culturels, ont souvent mis en veilleuse leurs investissements en sécurité, notamment le contrôle d’accès. La part des marchés publics dans les dépenses est ainsi descendue de 24 % en 2019 à 20 % en 2021, au profit des entreprises privées, de toutes tailles. De même, le marché bancaire n’est pas porteur en raison de la réduction massive du nombre d’agences.
Émergence du sans contact
Autre conséquence d’une crise sanitaire qui se prolonge : le développement des technologies sans contact.
« Trouver une solution pour éviter une source de contamination est devenu une vraie tendance. C’est même un nouveau marché », souligne Karine Bruno, du syndicat Ignes.
Depuis quelques mois, on trouve par exemple des systèmes de comptage pour la gestion des jauges qui sont reliés au contrôle d’accès du site. La connexion peut s’effectuer par la technologie radio ou bluetooth, mais la lame de fond provient de l’utilisation des smartphones pour gérer des accès. Le téléphone portable peut ainsi devenir un badge virtuel ou intégrer une application qui déverrouille l’accès.
« Ce phénomène touche surtout les sites tertiaires, mais pas encore l’habitat collectif », relève Karine Bruno.
L’irruption des smartphones illustre une tendance encore plus lourde : l’interaction entre des technologies diverses. « Le contrôle d’accès devient réellement interopérable et s’intègre totalement dans un schéma de sécurité globale », souligne pour sa part le président du GPMSE. Les systèmes sont en effet contrôlables à distance, liés à un service de télésurveillance – et même de télévidéosurveillance –, capables d’assurer des fonctions plus complexes, comme la gestion des portes en connexion avec des interphones. De même, un système de lecture de plaques d’immatriculation peut être relié à l’ouverture des entrées d’un site et à l’éclairage de certaines zones. À l’inverse, une ouverture de portes intempestive peut déclencher une alerte vidéo.
Toujours avec l’objectif de proposer davantage de téléservices, le contrôle d’accès peut également être géré par des bases de données externalisées dans le cloud, y compris avec une gestion en temps réel.
« De nouveaux risques, comme les attentats terroristes, imposent des processus différents comme le déverrouillage de certaines portes afin d’assurer l’évacuation des personnes ou leur mise à l’abri », fait remarquer Karine Bruno.
Réticences pour la biométrie
Partie intégrante du contrôle d’accès, la biométrie marque le pas en France par rapport à d’autres pays européens.
« Le marché est frileux, car les donneurs d’ordres et les sociétés de sécurité électronique ont l’impression de ne pas maîtriser leur domaine, notamment en raison des prises de position de la Cnil », souligne Patrick Lanzafame. Il faut ainsi prouver que l’on ne stocke pas les données et se conformer aux règles du RGPD. Si les grandes entreprises disposent des services nécessaires pour gérer cette question, il n’en va pas toujours de même pour les structures plus petites. Il faut aussi compter que le grand public marque une certaine circonspection vis-à-vis de cette technologie considérée comme pouvant porter atteindre à la liberté individuelle.
Constat similaire à l’Ignes où l’on estime que le marché « n’est pas tout à fait prêt », caractérisé par une réticence des installateurs et des utilisateurs à laisser leurs empreintes biométriques. Pourtant simple, fiable et économique, cette technologie est d’ailleurs souvent employée en complément d’autres systèmes comme le badge classique.
En revanche, l’intelligence artificielle semble bien acceptée par la population. « J’y vois beaucoup de potentiel », affirme le président de GPMSE.
Ces développements techniques nécessitent également de grandes précautions en matière de sécurité numérique. Les cyberattaques de systèmes de sécurité électronique ont tendance à se multiplier et concernent aussi bien des petites configurations que des grandes. Une situation qui nécessite une riposte de la part des professionnels. Ils ont largement pris conscience de cette menace et proposent désormais des équipements avec cryptage intégré des données. Il est probable que de nouveaux outils de défense devront être mis en place en fonction de l’évolution des modes d’attaques.
Les atouts de l’industrie française
La complexité croissante des technologies de contrôle d’accès implique des investissements plus massifs, ce qui n’est pas à la portée de toutes les entreprises du secteur.
« On se dirige inéluctablement vers une concentration croissante des acteurs », prédit Patrick Lanzafame. Dans ce contexte de mondialisation accélérée, la France se place plutôt parmi les bons élèves.
« Nous avons des capacités d’innovation importantes, des compétences reconnues, une bonne connaissance du terrain et une réactivité significative des entreprises », estime la responsable de l’Ignes.
Néanmoins, les experts soulignent que la France est handicapée par quelques faiblesses : la maintenance n’est pas obligatoire, si bien que le risque de défaillance du système est accru. En outre, les sociétés françaises de contrôle d’accès sont en général de petite taille. La moyenne est de quelques millions d’euros seulement, alors que leurs concurrentes britanniques sont souvent dix fois plus grosses et les Américaines cent fois plus.
Cette situation a des conséquences néfastes : de piètres scores à l’exportation et le risque de ne plus pouvoir soutenir le volume d’investissement nécessaire pour rester dans la course.
Article extrait du n° 580 de Face au Risque : « Troubles psychosociaux : l’explosion » (mars 2022).
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