Exposition à la poussière et reconnaissance de la faute inexcusable
Après la reprise du fonds et du personnel d’une société, un employeur doit avoir conscience du danger encouru par ses salariés, même si l’un d’eux ne transmet pas une information médicale faisant état d’une fragilité.
Affection des sinus
Un menuisier, salarié de la société L., a présenté une maladie professionnelle prise en charge par la CPAM au titre du tableau n° 47. Il a ensuite saisi la juridiction compétente d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Débouté de ses demandes, le salarié a alors saisi jusqu’à la Cour de cassation.
C’est dans ce contexte que la Haute Juridiction considère ce qui suit.
Décision de la Cour de cassation
« 5. Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
6. Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt relève que la victime a été déclarée apte à son poste de menuisier le 7 avril 2009 et le 19 janvier 2010, et que ce n’est que le 18 juillet 2011 que l’employeur a eu connaissance d’une demande de reconnaissance de sa maladie professionnelle au titre du tableau n° 47 faisant mention d’une première constatation médicale le 19 juillet 2007. Il ajoute que le salarié ne justifiant pas de la tardiveté de sa déclaration survenue trois ans après la première constatation médicale, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir été informé des problèmes de santé de son salarié. Il retient qu’en reprenant le fonds de commerce d’une autre société et le personnel dont faisait partie la victime, l’employeur ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel celle-ci était exposée car elle occupait déjà son poste de menuisier depuis juin 2000 sans manifestation d’une quelconque maladie antérieurement au 18 juillet 2011.
7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque encouru, à la date de la première constatation médicale, par la victime exposée à l’agent nocif mentionné par le tableau comme susceptible d’entraîner l’affection considérée, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée.
En résumé
Un menuisier a effectué une déclaration de maladie professionnelle en octobre 2010 (affection des sinus), fondée sur un certificat initial daté 2007.
La CPAM ayant pris en charge cette affection au titre du tableau n° 47 des maladies professionnelles, le salarié a saisi la juridiction sociale compétente d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
On précisera qu’en poste depuis l’année 2000, c’est l’entreprise L. qui est son employeur depuis une cession de fonds de commerce en date de 2006. Invoquant la tardiveté de la déclaration professionnelle et des avis d’aptitude en 2009 et 2010, l’employeur a soutenu qu’il ignorait tout de la fragilité des sinus de ce salarié.
Le risque ne pouvait être ignoré par l’employeur
Mais les magistrats retiennent que, dans la mesure où la société a eu à vérifier les installations et le respect de la réglementation lors de la cession de 2006, soit un an avant le premier élément médical documenté, l’employeur connaissait les conditions d’exploitation et ne pouvait ignorer le danger inhérent à l’exposition à la poussière de bois.
Le salarié soutenait à cet égard, qu’il n’avait pas été assez protégé des poussières d’aspiration et que les machines de ventilations étaient insuffisantes, avant d’avoir été changées tardivement. Et ajoutait que l’employeur avait participé à l’enquête de la CPAM sans avoir formulé de réserve quant à l’imputabilité de la pathologie.
En d’autres termes, l’employeur ayant repris le fonds et le personnel d’une société n’est pas dégagé de la démonstration de l’ignorance d’un risque, même si le salarié concerné n’a pas transmis une information médicale faisant état d’une fragilité dès sa constatation. En effet, bien qu’affecté au même emploi que précédemment, l’analyse du poste de travail et des risques associés demeurent un principe, autonome, de prévention incombant à l’employeur, dans les suites d’une telle reprise. À ce titre, le fait d’avoir vérifié les installations, permet aux magistrats de conclure que le risque en litige ici ne pouvait être ignoré. Les mesures de prévention semblant insuffisantes en corollaire, la responsabilité de l’employeur ne peut donc pas être écartée.
Article extrait du n° 578 de Face au Risque : « L’univers des risques en 2021-2022 » (décembre 2021 – janvier 2022).
Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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