Se protéger de la radioactivité

10 mars 20229 min

La radioprotection est la démarche consistant à évaluer le risque d’exposition aux rayonnements ionisants et si nécessaire, à mettre en œuvre des mesures de protection et de prévention destinées à limiter ce risque.

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Risques causés par les rayonnements ionisants et secteurs d’activités concernés

Outre l’altération des tissus à court terme, les rayonnements ionisants peuvent causer à long terme des cancers, suite à une exposition interne (par ingestion, inhalation de substances radioactives, passage percutané) ou externe (source à distance ou au contact). Ces rayonnements peuvent être issus de substances radioactives naturelles (uranium, radium, radon…) ou artificielles (californium, américium, plutonium…).

Les principaux secteurs d’activité recensés comme pouvant causer des expositions aux rayonnements ionisants sont :

  • l’industrie nucléaire (stockage et traitement des déchets, extraction, fabrication, utilisation et retraitement du combustible …) ;
  • le secteur médical (radiothérapie et radiodiagnostic, médecine nucléaire …) ;
  • certains laboratoires de recherche et d’analyse.

De manière générale, c’est l’industrie tout entière qui est concernée pour des activités telles que les contrôles par radiographie de soudure ou d’étanchéité, les jauges et traceurs, la stérilisation par irradiation, la détection de masses métalliques…

Dans le secteur de la sécurité incendie, mentionnons également l’interdiction des détecteurs de fumée ioniques depuis le 4 décembre 2021, avec un recensement et un démantèlement strictement encadrés.

Obligation d’évaluation du risque et limitation de l’exposition

Sur le même modèle que pour les autres risques auxquels les travailleurs sont exposés, l’article R.4451-13 du code du travail impose à l’employeur d’évaluer les risques résultant de leur exposition aux rayonnements ionisants. Ceci afin notamment :

  • d’identifier, parmi les valeurs limites d’exposition réglementaires, celles pertinentes au regard de la situation de travail ;
  • de constater si, dans une situation donnée, le niveau de référence pour le radon est susceptible d’être dépassé ;
  • lorsque le risque ne peut être négligé du point de vue de la radioprotection, de déterminer les mesures et moyens de prévention devant être mis en œuvre ;
  • de déterminer les conditions d’emploi des travailleurs.

Cette évaluation passe par l’identification et la caractérisation des sources et des rayonnements, ainsi que par la caractérisation des situations de travail, c’est-à-dire des expositions. L’employeur doit s’appuyer sur le conseiller en radioprotection pour conduire son analyse.

Les résultats de cette évaluation, retranscrits dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), doivent être conservés sous une forme susceptible d’en permettre la consultation pendant dix ans minimum.

À cette obligation d’évaluation du risque est associée une obligation de limitation de l’exposition, au regard de valeurs limites d’exposition professionnelle (Vlep) à ne pas dépasser. À ce titre, l’article R.4451-6 du code du travail prévoit que l’exposition d’un travailleur aux rayonnements ionisants ne doit pas dépasser :

  • pour l’organisme entier, la Vlep de 20 millisieverts (mSv) sur douze mois consécutifs, évaluée à partir de la dose efficace ;
  • pour les organes ou les tissus, les Vlep suivantes, évaluées à partir des doses équivalentes correspondantes :
    • 500 mSv sur douze mois consécutifs, pour les extrémités et la peau,
    • 20 mSv sur douze mois consécutifs, pour le cristallin.

Des valeurs spécifiques plus contraignantes sont également fixées pour les jeunes travailleurs ainsi que pour les femmes enceintes ou allaitantes (articles R.4451-7 et R.4451-8 du code du travail).

La radioprotection en actions

En vertu de l’article R.4451-111 du code du travail, l’employeur doit mettre en place une organisation de la radioprotection dès lors qu’au moins l’un des critères suivants est rempli :

  • des travailleurs sont classés catégorie A ou B au sens de l’article R.4451-57 (lire « Classement des travailleurs » ci-dessous);
  • au moins une zone a été délimitée dans les conditions prévues par les articles R.4451-22 et R.4451-28 ;
  • des vérifications initiales ou périodiques sont exigées au titre des articles R.4451-40 et suivants.

Cette organisation s’appuie en premier lieu sur la nomination d’un conseiller en radioprotection pour la mise en œuvre des mesures et moyens de prévention des risques. Il peut être soit un salarié, dénommé «personne compétente en radioprotection», soit une personne morale extérieure à l’entreprise, dénommée «organisme compétent en radioprotection».

Suite à l’évaluation individuelle préalable, les travailleurs exposés sont classés, après avis du médecin du travail, en deux catégories.

Catégorie A

Il s’agit des travailleurs susceptibles de recevoir sur 12 mois consécutifs :

  • une dose efficace supérieure à 6 mSv ;
  • et/ou une dose équivalente supérieure à 150 mSv pour la peau et/ou les extrémités.

Catégorie B

Elle regroupe tous les autres travailleurs susceptibles de recevoir sur 12 mois consécutifs :

  • une dose efficace supérieure à 1 mSv ;
  • et/ou une dose équivalente supérieure à 15 mSv pour le cristallin et/ou à 50 mSv pour la peau et/ou les extrémités.

Les femmes enceintes et les étudiants et apprentis de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à effectuer des travaux impliquant un classement en catégorie A.

Les travailleurs bénéficient d’un suivi dosimétrique adapté au mode d’exposition et d’une formation spécifique renouvelée au moins tous les trois ans.

Identification des zones concernées par les rayonnements ionisants

Face au danger lié à la présence de sources de rayonnements ionisants, il convient d’identifier les sources et les lieux de travail à l’intérieur desquels l’exposition des travailleurs est susceptible de dépasser les niveaux suivants :

  • dose efficace de 0,08 mSv par mois pour l’organisme entier ;
  • dose équivalente de 4 mSv par mois pour les extrémités ou la peau ;
  • concentration d’activité du radon dans l’air, évaluée en dose efficace de 6 mSv par an.

En cas de constat d’un dépassement de ces niveaux, l’employeur effectue la délimitation des zones selon les critères suivants :

  • zone surveillée bleue, lorsque la dose efficace est inférieure à 1,25 mSv intégrée sur un mois ;
  • zone contrôlée verte, lorsqu’elle est inférieure à 4 mSv intégrée sur un mois ;
  • zone contrôlée jaune, lorsqu’elle est inférieure à 2 mSv intégrée sur une heure ;
  • zone contrôlée orange, lorsqu’elle est inférieure à 100 mSv intégrée sur une heure ;
  • zone contrôlée rouge, lorsqu’elle est supérieure à 100 mSv intégrée sur une heure ;
  • au titre de la dose équivalente pour les extrémités et la peau, zone d’extrémités. Cette zone est délimitée lorsque les zones surveillées et contrôlées ne permettent pas de maîtriser l’exposition des extrémités et de garantir le respect des Vlep ;
  • au titre de la concentration d’activité dans l’air du radon, zone radon ;
  • pour les appareils mobiles ou portables délivrant une dose efficace à un mètre de la source supérieure à 2,5 μSv intégrée sur une heure, une zone d’opération doit être délimitée.

Signalétique et accès aux zones concernées

Les sources de rayonnements ionisants utilisées doivent faire l’objet d’une signalisation, y compris lors du transport. L’affichage, qui doit être régulièrement mis à jour, rappelle les risques d’exposition externe, et éventuellement interne, les consignes de travail adaptées à la nature de l’exposition et aux opérations envisagées ainsi que les consignes en cas d’urgence. Les limites de la zone contrôlée ou surveillée doivent être clairement matérialisées et signalisées.

En ce qui concerne les modalités et limitations d’accès à ces zones :

  • l’accès à une zone délimitée est possible uniquement pour les travailleurs ayant reçu une autorisation de l’employeur. Le classement en catégorie A ou B, qui s’effectue sur la base des résultats de l’évaluation individuelle de l’exposition, vaut autorisation à ce titre ;
  • l’accès d’un travailleur classé en zone contrôlée orange ou rouge fait l’objet d’une autorisation individuelle délivrée par l’employeur ;
Signalétique apposée sur un conteneur maritime transportant des emballages de matières nucléaires-Crédit : Arnaud Bouissou/Terra

Signalétique apposée sur un conteneur maritime transportant des emballages de matières nucléaires. Crédit : Arnaud Bouissou/Terra

  • pour la zone contrôlée rouge, cet accès est exceptionnel et doit faire l’objet d’un enregistrement nominatif à chaque accès ;
  • l’accès à toute zone autre qu’une zone contrôlée orange ou rouge, et à une zone radon est autorisé pour les travailleurs non classés sous conditions.

En complément, l’employeur doit définir des contraintes de dose individuelles pour toute activité réalisée en zone contrôlée, zone d’extrémités ou zone d’opération. Il s’agit de niveaux de référence internes à l’entreprise permettant de piloter les mesures d’optimisation de la radioprotection. Le port d’un dosimètre opérationnel individuel est obligatoire pour tout travailleur autorisé à accéder à une zone contrôlée, une zone d’extrémités ou une zone d’opération. Le dosimètre permet de mesurer la dose individuelle instantanément et ainsi d’adapter les mesures d’optimisation ainsi que la contrainte de dose.

Suivi médical

Les salariés exposés à des rayonnements ionisants au-delà de 1 mSv sur douze mois consécutifs bénéficient d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé, consistant en un examen médical d’aptitude à l’embauche effectué par le médecin du travail préalablement à leur affectation au poste. Il est complété par une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé (médecin du travail, collaborateur médecin, interne ou infirmier) au plus tard deux ans après la visite, donnant lieu à une attestation de suivi. Par la suite, la visite d’aptitude effectuée par le médecin du travail est renouvelée selon une périodicité que celui-ci détermine et qui ne peut être supérieure à quatre ans. Elle donne lieu à un avis d’aptitude.

Pour les travailleurs classés en catégorie A, il n’existe pas de visite intermédiaire, l’examen médical d’aptitude devant être renouvelé tous les ans.


Article extrait du n° 579 de Face au Risque : « Tensions sur la supply chain » (février 2022).

Morgane Darmon

Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

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