Formation en sécurité : une mutation nécessaire
Durement éprouvée par la crise sanitaire, la profession est fortement sollicitée par la sécurité privée qui est actuellement en manque de personnel. Elle doit s’adapter aux nouveaux besoins du marché.
Contraints de fermer du jour au lendemain durant plusieurs mois à cause des mesures de confinement, les centres de formation en sécurité ont eu du mal à traverser la crise sanitaire.
« La période a été très compliquée à gérer et nous avons subi un important manque à gagner. Certains centres sont aujourd’hui en grande difficulté », explique Olivier Driffort, le président de l’Ufacs, le tout nouveau syndicat patronal de la formation en sécurité.
L’activité a en effet enregistré une chute historique de 12,7 % en 2020, pour revenir à 370 M€, marquant une cassure nette par rapport à la croissance annuelle moyenne de 2 % au cours des cinq années précédentes, selon les statistiques publiées dans l’Atlas d’En Toute Sécurité.
Des lacunes structurelles
Cette période exceptionnelle a mis en lumière les faiblesses structurelles de la profession. Celle-ci ne proposait absolument pas de formations à distance et aucune alternative n’était donc possible pendant la pandémie. Sur ce plan, la situation ne s’est pas vraiment améliorée. Une dizaine de centres seulement – sur un total supérieur à 400 en France – ont à présent mis en place des formations à distance. Celles-ci ne peuvent évidemment concerner que le volet théorique des cursus mais il faudrait encore élaborer des supports pédagogiques pertinents et homogènes dans tous les centres. Tout en standardisant la traçabilité des opérations afin d’éviter les fraudes.
De plus, les mesures de distanciation physique imposées empêchent encore actuellement de former autant de personnes par session qu’il était possible de le faire auparavant. Autre facteur négatif lié à la pandémie : l’obligation de nouveaux achats de matériels sanitaires ou pédagogiques afin de protéger les stagiaires.
En résumé : les dépenses des centres de formation augmentent alors que l’activité est réduite. La conséquence est inéluctable : une baisse des marges et de nombreux centres qui basculent dans le rouge. C’est ainsi que 63 % des entreprises du secteur ont dégagé des bénéfices en 2020 contre 77 % l’année précédente, selon En Toute Sécurité.
Une timide reprise
« La reprise se déroule sur un rythme très progressif, car les donneurs d’ordres ont tendance à privilégier l’opérationnel en délaissant la formation. Il est impératif que les prestations qui n’ont pas pu se faire en 2020 puissent être rattrapées en 2021 », souligne Olivier Driffort.
Selon les estimations d’En Toute Sécurité, le retour à la croissance a bien eu lieu en 2021, mais de l’ordre de 6 % environ. Ce rebond est bien trop faible pour revenir au niveau d’activité de la période avant Covid.
La sécurité électronique, parent pauvre des formations
Autre lacune : les propositions de formations en sécurité électronique ne sont pas assez nombreuses. Elles représentent seulement 6 % du nombre total de formations, contre 45 % pour les cursus dédiés à la santé-sécurité au travail et 30 % pour la surveillance humaine.
Or, les nouvelles technologies se développent rapidement et sont même devenues majoritaires dans l’ensemble de la filière sécurité. Un véritable goulot d’étranglement s’est installé, si bien que des entreprises de sécurité ne trouvent pas les techniciens nécessaires.
Une prise de conscience s’est opérée ces dernières années à ce sujet et les initiatives se multiplient pour combler ce manque.
GPMSE, le syndicat patronal des entreprises de sécurité électronique, a par exemple créé une filiale dédiée à la formation dans ce domaine.
Pour sa part, CNPP a considérablement élargi son catalogue de formations en sûreté et a lancé des cursus en cybersécurité, autre activité où il existe une pénurie de spécialistes.
Les agents de sécurité
Autre piste à explorer, mais cette fois-ci avec prudence : la formation des agents de sécurité armés. Depuis l’adoption de la loi les autorisant à posséder des armes, léthales ou non, les besoins sur des sites sensibles sont estimés à environ 2 000 agents, soit moins de 1% des effectifs de cette profession. À ce jour, seule Fiducial Sécurité a obtenu les trois niveaux de titres pour la formation de ce type de personnel, dans les différentes catégories d’armes autorisées.
Des réformes souhaitées par les professionnels
La formation en sécurité est handicapée par des contraintes strictes qui entravent son développement. La réglementation impose ainsi que le stage se déroule uniquement dans un centre de formation, si bien que l’apprentissage en entreprise est pratiquement impossible dans ce cadre. Les acteurs du marché demandent avec insistance que la formation sur le lieu de travail soit permise.
La loi Sécurité globale votée le 25 mai dernier prévoit l’élaboration d’une ordonnance dans un délai de 24 mois pour déterminer les conditions d’exercice de la formation en sécurité et sur les modalités de contrôle. Autant dire que les discussions entre la profession et les pouvoirs publics vont prendre de l’ampleur dans les prochaines semaines.
Elle attend évidemment des dispositifs favorisant la formation à distance, avec un cadre clair et précis pour pratiquer ce type d’activité. De même, il faudrait que l’offre en logiciels pédagogiques s’étoffe.
« Notre sort est lié à celui de la sécurité privée. Cette dernière doit être composée d’entreprises solides et saines, en capacité de ne pas rogner sur les dépenses de formation. Elle doit également être capable d’améliorer le niveau de connaissance de ses agents de sécurité qui seront de plus en plus appelés à utiliser des outils à forte connotation technologique », analyse le président de l’Ufacs.
Des difficultés de recrutement
Et ce n’est pas gagné, car les entreprises de sécurité sont fragilisées par les conséquences économiques de la crise sanitaire. D’autant qu’elles rencontrent – comme d’autres métiers de services – des difficultés importantes pour recruter du personnel depuis la crise sanitaire. « Il faut évidemment rendre le métier plus attractif, ce qui est un travail de longue haleine et nécessite de mieux communiquer. Cela est particulièrement compliqué pour le recrutement du middle management. Nous devrons être capables de présenter une trajectoire de carrière attrayante », souligne Olivier Driffort.
Un secteur sur le chemin de la maturité
Considéré jusque dans un passé récent comme le maillon faible de la filière sécurité, la formation en sécurité est en pleine transformation.
Elle a longtemps été dans le collimateur des pouvoirs publics qui ont dénoncé à de multiples reprises diverses fraudes. Contenus des formations inexistants, examens fictifs, professeurs sans qualification, outils pédagogiques obsolètes… La liste des griefs avancés par les autorités était longue. La profession, consciente que ce type de pratique pouvait nuire à son image, a elle-même dénoncé les brebis galeuses.
Le Gouvernement a donc tranché : la profession est réglementée depuis 2016 avec des centres et des dirigeants agréés par le Cnaps, l’autorité de régulation, qui a effectué de nombreux contrôles.
Conséquence de la réglementation
Plusieurs centaines de centres flirtant plus ou moins avec l’illégalité ont été éliminés. « Depuis cinq ans, les efforts de moralisation ont été effectués. Il existe de moins en moins de centres de formation en marge de la loi. Mais il faut continuer à travailler dans ce sens, notamment avec les pouvoirs publics, le Cnaps ou les organismes de certification. Nous allons dans la bonne direction », affirme le président de l’Ufacs.
« Je suis confiant dans l’avenir : nous serons prêts et en capacité d’assurer nos responsabilités, notamment pour les prochains événements sportifs de 2023 et 2024. Ces échéances ne sont d’ailleurs pas une finalité en soi : il faut construire notre futur sur le long terme », poursuit-il.
Des disparités dans les entreprises de formation
Malgré cette remise en ordre, le secteur reste encore très morcelé. Le peloton de tête possède une part de marché significative : 52 % pour les cinq premiers, selon l’Atlas d’En Toute Sécurité. Mais la taille des protagonistes diminue très vite dans la suite du classement. Le n° 15 est seulement à 5 M€ et la plupart des entreprises de formation en sécurité ont une activité inférieure à 1 M€.
Dans le paysage, on trouve des acteurs venus d’horizons différents. Aux côtés des nombreux centres indépendants ou des filiales de sociétés de sécurité, on recense :
- quelques entreprises spécialisées dans la prévention des risques (Bureau Veritas, Apave, Socotec ou encore CNPP) ;
- des établissements scolaires (les Greta, des universités, etc.) ;
- et des spécialistes sur des créneaux très pointus comme la formation dans le domaine des EPI ou de la sûreté aéroportuaire.
Une diversité qui reflète bien les besoins très larges de la profession.
Article extrait du n° 578 de Face au Risque : « L’univers des risques en 2021-2022 » (décembre 2021 – janvier 2022).
Les plus lus…
À l'approche de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le numéro 604 de Face au Risque (novembre-décembre 2024) consacre…
Alors que le dérèglement climatique augmente le risque d’inondations, les véhicules électriques sont vulnérables aux incendies en cas d’immersion de…
Alors que les opérateurs télécoms ont annoncé la fermeture des réseaux 2G et 3G dès la fin 2025, le…
Que prévoit la réglementation en termes de levée de doute sur un site recevant des travailleurs ? …
La réglementation du code du travail impose-t-elle la mise en place d’un panneau de signalisation pour indiquer le point…
Le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a rendu son rapport, le mercredi 30 octobre 2024,…