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Costa Concordia, un naufrage ! Il y a 10 ans
Le 13 janvier 2012, le paquebot de croisière Costa Concordia s’échoue sur les côtes italiennes avec 4 229 personnes à bord. Retour sur l’accident et ses conséquences.
Le Costa Concordia navigue trop près des côtes
Ce 13 janvier 2012, le paquebot de croisière Costa Concordia navigue au large de la Toscane (Italie) avec à son bord 3 206 passagers et 1 023 membres d’équipage. Mis en service en 2006, c’est un mastodonte de 247 m de long qui culmine à 50 m au-dessus du niveau de la mer. Il est affrété par la société italienne Costa Croisières, filiale du groupe américain Carnival Corporation & plc.
Il est 21 h 45 quand, naviguant trop près des côtes et à vitesse trop rapide (15,5 nœuds), il heurte un rocher et déchire son flanc bâbord sur environ 55 mètres. L’eau s’engouffre dans la brèche et le navire gîte rapidement vers tribord. Des messages dans le navire diffusent un problème électrique et demandent aux passagers de regagner leur cabine. Mais la panique gagne les voyageurs qui ont ressenti le choc de l’accident et voient bien que le bateau penche anormalement.
À 22 h 07, les autorités maritimes contactent le navire qui signale la perte de l’alimentation électrique mais affirme que la situation est sous contrôle. Pourtant, dans les salles des machines, plus rien ne fonctionne.
À 22 h 25, le commandant Francesco Schettino évoque une brèche dans la coque et demande un remorqueur. Enfin, à 22 h 54 soit plus d’une heure après la collision, sur insistance des autorités, il lance l’ordre d’abandon. Mais l’évacuation avait déjà démarré une dizaine de minutes plus tôt, certains membres d’équipage ayant commencé à charger les canots de sauvetages sous la pression des passagers.
L’évacuation du navire
Selon le code de l’Organisation maritime internationale, « tous les passagers doivent participer à un exercice d’abandon dans les 24 heures suivant le départ ». Ce qui n’a pas été le cas pour un certain nombre d’entre eux qui ont embarqué après l’exercice.
L’équipage est désorganisé et visiblement mal formé à l’évacuation. Les différentes langues utilisées par les passagers et les membres d’équipage compliquent les opérations. En outre, le commandant a déjà quitté le navire, laissant équipage et passagers se débrouiller…
À tribord, toutes les chaloupes sont mises à l’eau. Mais à bâbord, certaines se bloquent sur la paroi du paquebot ou basculent dans la mer. Le navire penche de plus en plus et la progression à l’intérieur se fait difficilement. Les passagers marchent sur les murs pour rejoindre par des échelles des canots gonflables qui font des allers-retours vers le port d’Isola del Giglio à 300 m de là.
Vers 6 h, l’évacuation prend fin. Mais le compte n’y est pas. Des passagers manquent à l’appel.
Le lourd bilan
Pendant plusieurs semaines, jusqu’à 400 sauveteurs sont mobilisés pour rechercher les disparus. « La tâche est titanesque : des milliers de locaux, souvent encombrés d’équipements renversés, de mobilier flottant, de moquettes et de revêtements muraux surnageant sont à inspecter », relate René Dosne dans Face au Risque (n° 482, avril 2012). Les conditions de recherches sont délicates et les sauveteurs utilisent des techniques spéléo et alpines.
Les derniers corps sont retrouvés le 22 mars 2012. Le bilan final s’élève à 32 morts et 175 blessés.
Le drame fait également une victime collatérale : un plongeur espagnol travaillant sur l’épave est mort accidentellement en février 2014.
2 400 tonnes de carburant dans les soutes
Pour éviter de surcroit une catastrophe écologique, il faut récupérer le mazout du Costa Concordia. Le 16 janvier des barrages flottants sont positionnés autour du navire. Le 24 janvier, une plateforme de pompage est acheminée près de l’épave. Et le 12 février, les opérations d’aspiration du carburant démarrent.
Renflouer le Costa Concordia
L’opération est particulièrement longue et délicate. Il faut d’abord désincarcérer le rocher dans lequel s’est accroché le paquebot. De l’air est ensuite injecté dans les trente caissons qui ont été fixés sur les flancs de l’épave pour la relever. Une fois en flottaison, elle est déplacée vers le large à l’aide de câbles en acier. Et c’est ainsi que, le 27 juillet 2014, soit deux ans et demi après son naufrage, le Costa Concordia rejoint le port de Gêne pour y être démantelé. Le renflouement, le transport et le démantèlement ont coûté environ 1,5 Mrd € selon les estimations du PDG de Costa Croisières.
Les responsabilités
Le rapport du Bureau d’enquêtes maritimes italien de mai 2013 établit en premier lieu la responsabilité du commandant. Ce sont ses nombreux mensonges et négligences qui ont conduit au naufrage.
Par ailleurs, les officiers sont mis en cause pour avoir suivi passivement les consignes incohérentes du commandant. Le rapport met aussi en avant le manque de compétences de l’équipage, en particulier le défaut de formation. Ceci étant de la responsabilité de l’armateur qui doit s’assurer de la qualité des marins qu’il emploie.
Le retour d’expérience
Le Bureau d’enquêtes établit plusieurs recommandations destinées à renforcer la sécurité maritime. Outre plusieurs conseils concernant la construction des navires, il donne des avis sur la gestion de l’activité à bord et notamment sur un contrôle renforcé des agences de recrutement des personnels et sur la révision des langues de travail utilisées à bord.
Concernant l’encadrement des passagers, il propose :
- d’ajouter dans les bases de données la nationalité des passagers afin de simplifier les communications en cas d’urgence ;
- d’organiser un exercice d’évacuation, éventuellement partiel, après chaque appareillage ;
- de distribuer une brochure papier à chaque passager rappelant les consignes de sécurité, en langue adaptée ;
- de mettre ces consignes sous forme vidéo, disponible en permanence sur les télévisions du bord.
Les procès
Le commandant du Costa Concordia, Francesco Schettino, est jugé coupable d’homicides, d’abandon de navire et de naufrage. Il est condamné à seize ans de prison ferme en février 2015. Sa peine est confirmée en appel le 31 mai 2016 puis en cassation un an après.
La compagnie Costa Croisières est condamnée à 1 million d’euros d’amende et cinq employés écopent de peines de 18 à 34 mois de prison.
Les chiffres de la sécurité maritime
Selon le rapport 2021 d’AGCS (en anglais), le transport maritime international (navires de plus de 100 tonnes brutes) poursuit une tendance positive en matière de sécurité. Les sinistres ont chuté de 50 % en 10 ans. En 2020, 49 grands navires, dont 18 cargos, ont été perdus dans le monde (48 en 2019), soit le deuxième niveau le plus bas depuis l’an 2000.
Plusieurs risques sont mis en avant dans le rapport d’AGCS :
- la piraterie maritime qui s’accentue. 130 personnes ont été kidnappées au cours de 22 attaques en 2020. Plus de 95% des enlèvements d’équipages ont eu lieu dans le golfe de Guinée ;
- les cyberattaques. Les quatre principales compagnies maritimes du monde en ont déjà été victimes ;
- les incendies. Ils se sont multipliés ces dernières années dans les grands navires. 40 incendies de cargaison ont été enregistrés en 2019, un nombre inédit ;
- les pertes de conteneurs en mer. Plus de 3 000 en 2020 (en forte hausse) et se poursuivent à un rythme soutenu en 2021. Ils perturbent les chaînes d’approvisionnement et engendrent des risques de pollution et de navigation.
Article extrait du n° 578 de Face au Risque : « L’univers des risques en 2021-2022 » (décembre 2021 – janvier 2022).
Martine Porez – Journaliste
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