Accidentologie de l’activité de tri, transit et regroupement de déchets non dangereux
Dans le cadre de sa synthèse sur l’accidentologie du secteur des déchets, le Barpi a analysé les événements concernant l’activité de tri, transit et regroupement de déchets non dangereux. Il présente ici les éléments marquants.
Le groupe métier « Déchets »
Ce groupe métier comprend les installations ayant un des codes NAF suivants :
- Collecte et traitement des eaux usées » : NAF 37
- Collecte, traitement et élimination des déchets, récupération » : NAF 38
- Dépollution et autres services de gestion de déchets » : NAF 39
- Entretien et réparation de véhicules automobiles » : NAF 45.2
Il a été au premier plan de l’accidentologie durant 9 ans sur la période 2010-2020 avec un total de 2 177 événements enregistrés au 5 mars 2021 dans la base de données Aria du Barpi (Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels).
Représentant de l’ordre de 14 % de l’accidentologie des installations industrielles françaises en 2010, ce groupe métier approche les 24 % en 2020.
Une décomposition des activités contribuant à l’accidentologie du groupe métier « Déchets » pour la période 2017-2019 montre que l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux[1] est la principale contributrice, à hauteur de près de 30 % des événements enregistrés dans ce groupe métier.
Une analyse détaillée des 230 événements enregistrés pour cette activité entre 2017 et 2019 a été menée par le Barpi dans le cadre de la synthèse « Accidentologie du secteur des déchets sur la période 2017-2019 » publiée en mai 2021 et dont les principaux éléments de ce volet sont présentés ci-dessous.
[1] Dont l’acteur principal dispose d’un NAF 38 « Collecte, traitement et élimination des déchets, récupération »
92,6 %
C’est le taux d’incendie dans les événements de l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux, contre 55,5 % dans les autres installations industrielles.
L’incendie : le phénomène prépondérant
Un incendie est recensé dans plus de 90 % des événements de l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux. Cette proportion est plus élevée que dans le groupe métier général « Déchets » pour la même période (près de 80 %), lui-même en proportion bien supérieure aux autres installations industrielles (env. 55 %).
Ces incendies se produisent majoritairement (plus de 40 % des cas) lorsque le site est en activité réduite : soit la nuit, soit pendant les jours de fermeture tels que les dimanches.
Tout comme pour le groupe métier général « Déchets », les départs de feu dans les centres de tri, transit et regroupement se produisent préférentiellement durant l’été.
Dans 25 % des cas d’incendie enregistrés, l’alerte est donnée par une personne extérieure à l’établissement, ce qui peut retarder la mise en œuvre de l’extinction.
Un accès difficile au site (portes ou portails fermés) ou des difficultés d’approvisionnement en eau (réseaux d’approvisionnement en eau insuffisants, voire indisponibles) sont également des facteurs aggravants.
Il est également important de noter que certains événements peuvent être fortement aggravés par le non-respect des capacités et des conditions d’entreposage des déchets qui jouent un rôle important dans la limitation des conséquences d’un incendie. En effet, les tas de déchets peuvent être un obstacle physique à l’intervention des services de secours et un volume important de déchets et leur mauvaise sectorisation favorisent la propagation d’un incendie au travers du site. Comme par exemple dans l’« Incendie de grande ampleur dans un stockage de copeaux de bois », Aria n° 50270.
Incendie d’un tas de copeaux de bois dans une entreprise de recyclage de déchets (Aria n° 507270)
Des conséquences principalement économiques et environnementales
Si l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux est la plus accidentogène du groupe métier général « déchets », il est important de souligner qu’aucun événement mortel n’est recensé. Un seul blessé grave est à déplorer.
Près de 85 % des événements de cette activité ont des conséquences économiques. Celles-ci sont principalement internes et impliquent fréquemment la destruction d’un bâtiment de l’établissement.
Des conséquences environnementales sont présentes quant à elles dans 45 % des cas. Elles concernent pour la majorité une atteinte à la qualité de l’air due à des dégagements prolongés de fumées. Bien que moins fréquentes, les atteintes des matrices « eau » et « sol » sont très majoritairement dues à un défaut de confinement des eaux d’incendie : rétention du site inefficace, sous-dimensionnée ou absente. Comme dans l’« Incendie dans un centre de tri », Aria n° 52075.
« Les atteintes des matrices “eau“ et “sol“ sont très majoritairement dues à un défaut de confinement des eaux d’incendie (rétention du site inefficace, sous-dimensionnée, ou absente). »
Organisation des contrôles : cause profonde avérée dans la majorité des incendies
Les causes premières (avérées ou supposées) des événements de l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux sont principalement liées à des pertes de contrôle de procédés. Ainsi, le principal scénario mis en évidence est la présence de déchets non conformes dans le process (broyeur, trommel) ou dans les matières entreposées. On peut également citer des cas d’échauffements de déchets au niveau de la cisaille d’un broyeur, du grappin d’un engin ou liés à des frottements sur une bande de convoyeur.
Lorsqu’elles sont connues du Barpi (pour 40 % des 230 événements enregistrés dans la base Aria pour l’activité de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux), les causes profondes (avérées ou supposées) sont presque toutes liées à des facteurs organisationnels.
Parmi ces facteurs, l’organisation des contrôles est pointée comme cause profonde avérée dans plus de 60 % des cas. Dans cette catégorie, le contrôle des déchets réceptionnés est particulièrement mis en cause, mais également le contrôle des entreposages, notamment durant les périodes sensibles (fortes chaleurs, faible activité) et les contrôles périodiques et de maintenance des équipements.
Toujours dans la catégorie des facteurs organisationnels, dans près de 30 % des événements pour lesquels des causes profondes sont enregistrées dans la base Aria, le retour d’expérience n’a pas été pris en compte. Pourtant, l’analyse approfondie d’un événement doit permettre d’en identifier les causes profondes afin de mettre en œuvre les actions correctives adaptées et éviter qu’un événement similaire ne se produise à nouveau. Par exemple dans l’« Explosion et incendie dans un centre de tri », Aria n° 54818.
Les points de vigilance
De manière plus large, le partage du retour d’expérience à l’échelle d’un secteur ou d’une profession doit permettre de faire diminuer l’accidentologie de ce domaine. Par l’analyse des informations qui lui sont remontées, le Barpi participe à cette progression globale. Ainsi, au regard des éléments à sa disposition pour la réalisation de la synthèse « Accidentologie du secteur des déchets sur la période 2017-2019 », les points de vigilance présentés dans le tableau ci-dessous peuvent être formulés.
Article extrait du n° 577 de Face au Risque : « Cybersécurité des systèmes industriels » (novembre 2021).
Aurélie Epely
Chargée de mission au Barpi (Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels)
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