Dati, un marché en quête de nouveaux repères
La multiplication des objets connectés se répercute sur le marché des dispositifs d’alarme du travailleur isolé (Dati). Si les fameux boîtiers existent encore, une large gamme de produits issus du quotidien a déboulé sur le marché des Dati. Chaussures, vêtements, ceintures, montres ou même des badges connectés ont ainsi fait leur apparition… offrant du même coup autant de possibilités que de maux de tête aux clients au moment de choisir le bon dispositif.
Qu’est-ce qu’un Dati ?
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit le Dati comme étant un dispositif dont « la mission est de transmettre une alarme correspondant à une situation jugée critique par un travailleur isolé vers une personne ou une structure chargée de déclencher les secours ».
Dans l’article intitulé « La révolution technologique des Dati déjà à portée de main » (Face au Risque n° 559, février 2020), Lionel Brunnengreber – président et fondateur de MyAngel (société française qui offre des solutions pour la protection des travailleurs isolés, PTI) – rappelait que « le Dati n’est qu’un maillon de la chaîne, même si c’est la partie émergée de l’iceberg ».
Et il poursuivait en expliquant que « de l’alerte déclenchée par le Dati jusqu’à l’arrivée des secours, avec la surveillance 24 heures sur 24, c’est cela qu’on appelle la protection des travailleurs isolés (PTI) : le traitement dans sa globalité. »
Des dispositifs aux formes diverses
Si la gestion de l’ensemble de la chaîne reste une affaire de spécialistes, de nombreuses entreprises se sont aventurées sur le marché du Dati ces dernières années en raison de l’avènement des objets connectés.
On pourrait simplifier cette évolution ainsi : « Chaque objet connecté est aujourd’hui un Dati en puissance ». Montres, badges, ceintures, gilets, brassards… les moyens utilisés par les fabricants ne manquent pas.
« Passer de la sécurité passive à la sécurité active »
Preuve en est avec les chaussures connectées de Parade. Spécialisée dans la confection de chaussures de sécurité depuis plus de quarante ans, la firme a décidé d’élargir sa gamme en ralliant le marché du Dati en 2016. Directeur général de la marque, Franck Cherel nous explique ce choix.
« Notre mission est de protéger l’humain, de façon globale. En 2016, nous nous sommes posé la question de savoir comment nous pourrions améliorer la sécurité sur les personnes. L’électronique s’imposant de plus en plus, nous nous sommes demandé si – à l’instar de l’automobile – nous ne pourrions pas passer de la sécurité passive à de la sécurité active. Une des choses qui est régulièrement remontée dans nos groupes de travail, c’était le problème du travailleur isolé. »
C’est ainsi que Parade a franchi le pas en confectionnant durant quatre ans, puis en commercialisant en mars 2021, son Dati sous la forme de chaussures connectées.
« Un dispositif connecté adapté aux gestes métier »
« Un dispositif connecté adapté aux gestes métier »
Autre cas avec l’entreprise française T2S. Spécialisée dans la confection d’équipements de protection individuelle (EPI) haute visibilité, la firme s’est également lancée sur le marché des EPI connectés en 2016.
« Notre métier, c’est de protéger l’homme dans son environnement. T2S a créé une gamme connectée sous la marque Eleksen pour répondre aux besoins terrains de ses clients et aller plus loin en matière de sécurité, avec une sécurité active et non plus passive », nous confie François Baronnier, chef produits solutions connectées chez T2S. Et l’intéressé de poursuivre :
« Le fait d’intégrer de l’électronique lavable dans nos EPI a permis à nos utilisateurs de se projeter rapidement sur d’autres applications telles que la coactivité engins/ piétons ou la protection des travailleurs isolés.
Nos clients avaient également besoin d’un dispositif connecté simple à utiliser et fiable en termes d’alerte déclenchée en évitant les “ faux positifs ” avec des objets adaptés à l’activité et aux gestes métier de chacun. »
Adapter l’offre à la demande
Chez Parade, des modèles de chaussures connectées intègrent un Dati. (Crédit photo : Parade).
Profitant chacune d’une position avantageuse sur leur marché respectif de base, ces deux entreprises ont finalement rejoint le marché du Dati par le biais d’un manque constaté par leur propre clientèle.
Selon les dires de nos deux interlocuteurs, leurs clients cherchaient en effet à s’assurer que leurs travailleurs isolés puissent être équipés d’un Dati qui n’ajoute pas une contrainte supplémentaire dans leurs tâches quotidiennes. En dotant les équipements de puces, ces collaborateurs sont finalement pourvus d’un dispositif sans le ressentir.
« Très souvent, ce sont des sociétés qui ont eu des déboires avec des solutions plus classiques et qui veulent améliorer le niveau de sécurité qu’ils apportent à leurs collaborateurs, confie Franck Cherel. »
« Notre dispositif connecté a été étudié pour augmenter l’acceptabilité de chacun, complète de son côté François Baronnier. »
Car le risque d’un équipement encombrant au quotidien, c’est finalement que l’utilisateur final ne le porte plus. Une mésaventure forcément évitée lorsque les dispositifs de ces travailleurs isolés sont directement implantés dans les chaussures ou les gilets… des équipements que les travailleurs isolés ont l’habitude de porter chaque jour.
Tester avant d’adopter
Malgré les nouvelles technologies, le Dati peut toujours prendre la forme d’un boîtier. La preuve avec Neovigie et son boîtier dernière génération. (Crédit : Neovigie).
Mais comment réussir à s’y retrouver au milieu de toutes ces solutions ? Entre les montres, les gilets, les chaussures ou autres badges, comment être certain que le Dati choisi est bel et bien le bon ?
« C’est un marché où il y a un nombre d’acteurs très important, avec des solutions très hétéroclites de qualité variable. Le niveau de difficulté aujourd’hui pour quelqu’un qui souhaite équiper ses collaborateurs d’un système de protection, c’est de savoir comment évaluer la qualité des produits. Il y a un vrai challenge », argue Lionel Lewin, directeur général de Neovigie, branche Dati-PTI d’un groupe spécialisé dans la radiocommunication depuis quarante ans et qui propose notamment des dispositifs sous forme de boîtiers connectés reliés au cloud.
« Si aujourd’hui j’ai un conseil à donner à un client, c’est de ne pas se baser sur une présentation commerciale pour faire son choix mais de demander à tester le produit sur une ou deux semaines afin d’évaluer sa qualité et voir s’il correspond à ses cas d’usage », ajoute-t-il.
Tester, c’est également ce que préconise Frédéric Colson, responsable essais développement au Laboratoire électronique et malveillance (LPMES) de CNPP.
« On a des retours, y compris de grands groupes, qui ne savent pas quoi choisir » devant des offres qui se présentent toutes comme la meilleure du marché. « Ce qui doit en principe faire la différence reste que le produit choisi est bien celui dont ils ont besoin. Mais ils sont un peu perdus dans leur choix car c’est un coût qui peut être assez conséquent selon la taille de l’entreprise et ils ne veulent pas se tromper. »
Une certification récente sur les Dati
Afin d’aider les clients à trancher sur un marché saturé de solutions, CNPP a lancé en novembre 2020 une spécification technique permettant de tester les dispositifs d’alarme pour travailleurs isolés (ST LPMES – DEC.20.003).
C’est donc le fabricant qui fait passer un test à son produit, pour être certain de la qualité de celui-ci, et non le client qui doit en passer une dizaine pour trouver le plus adapté pour ses collaborateurs et le plus sûr en matière de sécurité.
Dans les grandes lignes,
« la spécification technique est très simple : vous dîtes que votre produit permet cela, et bien nous allons vérifier que c’est vrai, nous explique Frédéric Colson. Suite aux tests effectués en situation, on délivre un CNPP Certified qui atteste les performances des fonctions annoncées du Dati. Aujourd’hui si une montre par exemple fait le minimum demandé et acceptable pour faire office de Dati, il n’y a pas de souci. »
« On demande qu’un Dati reste un objet »
« On demande qu’un Dati reste un objet »
Bien que la porte du test soit ouverte aux objets connectés, elle ne l’est pas pour toutes les offres du marché. Les Dati sous la simple forme d’application logicielle téléchargeable ne peuvent pas être éprouvés par cette spécification technique. « On demande qu’un Dati reste un objet. Il faut qu’il y ait un contenant et un contenu », nous fait-on savoir à CNPP.
Parmi les critères à satisfaire, on retrouve notamment des tests incluant : les chutes, le déclenchement des alertes, la détection de perte de verticalité, la détection d’absence de mouvement, la détection de batterie basse, la résistance aux températures (chaudes et froides), la résistance à l’humidité, la géolocalisation ou encore la confidentialité des données.
Le RGPD et la cybersécurité comme critères de choix
Il est par ailleurs à noter que l’ensemble de nos interlocuteurs proposant des Dati ont bel et bien pris en compte le respect de la confidentialité pour chacune de leur solution.
« On est aujourd’hui dans une logique de protection de la vie privée, conformément au RGPD. On conçoit la solution dès le départ de manière à ce qu’elle protège les données personnelles des utilisateurs (Privacy by design).
Par exemple, on va récupérer la position GPS, mais elle va être chiffrée et stockée. Elle ne sera communiquée qu’en cas d’alarme. C’est toute une méthodologie de travail qui doit assurer la confiance de l’utilisateur dans l’équipement », confie notre interlocuteur de Neovigie.
« La géolocalisation est transmise à l’aidant uniquement en cas d’alerte. Il n’y a pas de tracking », assène-t-on chez T2S. Même son de cloche pour Parade, chez qui le respect de la vie privée de l’utilisateur a fait partie du cahier des charges au moment de la conception de son dispositif. « Il n’y a aucune trace numérique qui ne soit pas nécessaire, on ne piste pas la personne. Le système de géolocalisation fonctionne seulement en cas d’alerte. »
« La sécurité est difficile à démontrer, elle est pourtant essentielle »
« La sécurité est difficile à démontrer, elle est pourtant essentielle »
Et puisque chaque objet connecté représente une porte d’entrée potentielle pour les cyberattaquants, la cybersécurité a également été pensée. « Comme tout objet connecté, il peut potentiellement y avoir des failles. Quand on a fait notre cahier des charges, on a pris en compte l’aspect cybersécurité. Des pare-feux ont été intégrés. On a demandé à une société de challenger le système » pour garantir son intégrité, déclare ainsi Franck Cherel.
« Notre solution est “Secure by design”, commente Lionel Lewin. Dès la conception nous avons pris en compte la sécurité, cela implique l’analyse des risques et la mise en place de méthodes pour les minimiser.
Nous nous sommes également appuyés sur le référentiel général de sécurité (RGS) de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) qui contient des méthodes et règles de bonnes pratiques pour améliorer la sécurité de systèmes d’information. La réalisation de tests d’intrusion (“pentest”) est un bon moyen pour s’assurer de la qualité du niveau de sécurité d’une solution. »
L’intéressé regrette cependant que « tout cela ne soit pas forcément valorisable auprès du client car la sécurité est difficile à matérialiser et à démontrer. C’est pourtant essentiel ».
Article extrait du n° 577 de Face au Risque : « Cybersécurité des systèmes industriels » (novembre 2021).
Eitel Mabouong – Journaliste
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