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La responsabilité, au cœur du contrat de maintenance
Établi dans le respect de la réglementation, des exigences contractuelles et normatives, le contrat de maintenance des équipements de sécurité incendie vise à formaliser les obligations des parties. En cas de dysfonctionnement d’un équipement, voire lors d’un sinistre, cet écrit constituera un outil indispensable pour l’établissement des responsabilités.
Un constat tout d’abord: la diversité des équipements de sécurité incendie. De l’extincteur mobile au SSI en passant par les systèmes d’extinction automatique et les installations de désenfumage, les technologies employées font appel pour leur entretien à des connaissances techniques, des compétences et des corps de métiers très larges. Les opérations de maintenance portant sur ces équipements sont elles-mêmes très variées : inspection visuelle, nettoyage, prise de mesure, test, révision, vidange-recharge, essai complet de fonctionnement…
La complexité du champ réglementaire, ensuite : la superposition des différentes couches de règlements (code civil, code du travail, code de la construction et de l’habitation, équipements sous pression…), normes et référentiels, guides techniques – auxquels s’ajoutent les référentiels d’assureurs, les notices constructeurs… – introduisent du flou dans les obligations de chacune des parties. Qui doit faire quoi ? Et selon quel(s) impératif(s): réglementaire, contractuel, technique ? Selon quelles modalités se déroulent les interventions (descriptif opératoire, fréquence…) ? Quelles sont les habilitations et qualifications requises pour exécuter l’opération ?
En préalable à la rédaction d’un contrat de maintenance, les réponses à ces questions sont essentielles. En cas de dommage ou d’accident, elles permettront de désigner un (ou des) responsable(s), et d’évaluer le degré de responsabilité : sachant qu’en cas d’accident grave, la responsabilité pénale des co-contractants peut être engagée en sus de la responsabilité civile, visant à réparer le préjudice.
Complexité technologique et réglementaire
Un constat tout d’abord: la diversité des équipements de sécurité incendie. De l’extincteur mobile au SSI en passant par les systèmes d’extinction automatique et les installations de désenfumage, les technologies employées font appel pour leur entretien à des connaissances techniques, des compétences et des corps de métiers très larges. Les opérations de maintenance portant sur ces équipements sont elles-mêmes très variées : inspection visuelle, nettoyage, prise de mesure, test, révision, vidange-recharge, essai complet de fonctionnement…
La complexité du champ réglementaire, ensuite : la superposition des différentes couches de règlements (code civil, code du travail, code de la construction et de l’habitation, équipements sous pression…), normes et référentiels, guides techniques – auxquels s’ajoutent les référentiels d’assureurs, les notices constructeurs… – introduisent du flou dans les obligations de chacune des parties. Qui doit faire quoi ? Et selon quel(s) impératif(s): réglementaire, contractuel, technique ? Selon quelles modalités se déroulent les interventions (descriptif opératoire, fréquence…) ? Quelles sont les habilitations et qualifications requises pour exécuter l’opération ?
En préalable à la rédaction d’un contrat de maintenance, les réponses à ces questions sont essentielles. En cas de dommage ou d’accident, elles permettront de désigner un (ou des) responsable(s), et d’évaluer le degré de responsabilité : sachant qu’en cas d’accident grave, la responsabilité pénale des co-contractants peut être engagée en sus de la responsabilité civile, visant à réparer le préjudice.
Une multitude de parties prenantes
En théorie, l’externalisation de la maintenance au moyen d’un contrat réunit deux co-contractants : un exploitant, un propriétaire ou un chef d’établissement, et une entreprise chargée de la prestation du service. En réalité, la diversité des intervenants sur un même équipement de sécurité incendie peut diluer les différents niveaux de responsabilité en jeu.
En cas de dommage, et au premier chef en cas de défaillance de l’équipement considéré, il sera important de pouvoir statuer : défaut d’entretien d’un mainteneur (et lequel ?), intervention inadaptée ou omission de l’exploitant, mauvaise exécution de l’installateur ou vice de conception du fabricant ? Il faut noter que, souvent, l’examen de la présomption de faute par les tribunaux commence par l’entreprise qui est intervenue la dernière sur l’équipement incriminé. D’où la nécessité pour le prestataire de maintenance de garder des preuves de son intervention.
Si l’on ajoute un degré de liberté supplémentaire en observant le recours à la sous-traitance dans le domaine de la maintenance – un recours limité par le référentiel dans le cas des certifiés APSAD –, alors il faut avouer que la complexité des obligations, couplée à l’extrême diversité des acteurs concernés, rendra l’exercice de la recherche des responsabilités ardu.
« Lorsqu’il se produit un sinistre ou un litige sur un système de sécurité incendie, il peut y avoir entre quinze et vingt parties prenantes potentielles qui peuvent être tenues pour responsables. »
Philippe Fesaix, expert de justice.
Il s’agira donc pour les co-contractants de chasser autant que possible le diable tentant de se nicher dans les détails, voire dans les omissions, au moment de rédiger le contrat de maintenance. « La qualité du contrat de maintenance est essentielle, affirme Philippe Fesaix, expert de justice et ancien responsable sécurité d’un grand groupe. Car lorsqu’il se produit un sinistre ou un litige sur un système de sécurité incendie (SSI), il peut y avoir entre 15 et 20 parties prenantes potentielles – l’exploitant, les fabricants, les installateurs, les mainteneurs, les bureaux d’étude, les coordinateurs SSI, les bureaux de contrôle… – qui peuvent être tenues pour responsables. Si les contrats sont mal rédigés, notamment les limites de responsabilité, ce sera une jungle inextricable. »
Détection incendie, alarme, désenfumage, compartimentage, DAS, centralisateur de mise en sécurité incendie, les sous-parties d’un système de sécurité incendie sont à la fois nombreuses et complexes, faisant appel à des expertises variées pour leur maintien en bon état.
Définir clairement les limites de la prestation
Poursuivons l’exemple de la maintenance d’un SSI, avec Vincent Chevallier, responsable Audit et Qualité chez DEF et membre du Gesi (Groupement français des industries électroniques de sécurité incendie). « Dans les faits, la maintenance d’un SSI peut nécessiter l’intervention de différents spécialistes : le mainteneur de la partie fonctionnelle du SSI (électronique), avec des entreprises qui ont la charge de l’entretien des détecteurs, des centrales, des alimentations et de tous autres équipements électroniques. Au final, ce mainteneur va lancer des ordres de commande afin de vérifier que l’ensemble de cette chaîne fonctionnelle fonctionne bien (les scénarios). En complément, l’entretien des dispositifs actionnés de sécurité (DAS) demande une compétence électromécanique, voire pneumatique, qui, en fonction des spécificités, peut nécessiter l’intervention d’autres mainteneurs : ils vont observer le temps de fermeture d’une porte par exemple, graisser et dépoussiérer certaines parties mécaniques en fonction du type de porte ou encore vérifier le bon état des différentes pièces constitutives. L’exploitant peut alors se retrouver avec plusieurs mainteneurs. Dans ce cas, ce qui est complexe, c’est d’en prendre conscience. Chaque mainteneur doit donc énoncer clairement ce qu’il entretient, mais aussi ce qu’il n’entretient pas, pour que l’exploitant puisse s’assurer que l’intégralité de son SSI sera bien entretenue ».
Précisons que dans le cas d’un dysfonctionnement de la partie non-maintenue du SSI, c’est la responsabilité de l’exploitant qui sera pointée, si le mainteneur est en possibilité de montrer qu’il a usé de son devoir de conseil auprès de son co-contractant. Nous reviendrons un peu plus loin sur cette obligation primordiale du prestataire de service.
Baliser les obligations au moyen des normes et des référentiels
Afin de détailler les différentes parties à entretenir, la norme NF S 61-933 relative à la maintenance des SSI a connu une évolution notable en 2011 : en plus des fréquences d’entretien et des gammes de contrôle et des recommandations des fabricants, des annexes ont été ajoutées donnant l’ensemble des tests fonctionnels à réaliser sur l’ensemble des parties du SSI. Ainsi, le client a plus de visibilité sur les opérations nécessaires au maintien en l’état du système.
La prise en compte de la norme NF S 61-933 et de ses annexes dans le contrat introduit de la clarté sur les opérations devant être effectuées sur chaque partie du système, tout en fournissant une preuve de leur fonctionnalité. Du côté du prestataire, il y a moins de flou sur le périmètre de son intervention. En augmentant le détail des opérations, son niveau d’expertise a lui aussi pris de la hauteur. Et, précision qui a son importance, une annexe de la norme NF S 61-933 spécifie les obligations incombant à l’exploitant.
Obligation légale, prescription et obligation contractuelle
Ces différences de niveaux de maintenance et les différentes prestations associées ne doivent pas éclipser la responsabilité de l’exploitant quant à ses propres obligations.
En matière de maintenance de certains équipements de sécurité incendie, des inspections visuelles périodiques n’exigeant pas une expertise poussée doivent être à la charge de l’exploitant.
Dans le cas des extincteurs portatifs, l’obligation légale de la maintenance, décrite dans l’article R.4227-29 du code du travail, reste vague : « Le premier secours contre l’incendie est assuré par des extincteurs en nombre suffisant et maintenus en bon état de fonctionnement ». Cette obligation est précisée au travers du référentiel APSAD R4 relatif aux règles d’installation des extincteurs portatifs et mobiles. Or, l’exploitant qui respecte la prescription et confie la maintenance de son parc d’extincteurs à un mainteneur certifié peut se croire, à tort, dégagé de toute obligation de maintenance ou de vérification.
« J’ai été confronté à une affaire où, selon le client, un extincteur n’avait pas fonctionné, décrit Philippe Fesaix. Ce client avait passé un contrat de maintenance en demandant une prestation conforme au référentiel APSAD R4 avec certificat de conformité. La question du non-fonctionnement de l’extincteur a été parasitée par le fait que le client n’avait pas rempli ses propres obligations, à savoir vérifier que: les appareils sont accessibles et au bon emplacement, ce qui n’était pas le cas; les extincteurs sont visibles, avec signalétique et mode d’emploi approprié ; l’aiguille indicatrice de pression reste dans la zone verte ; le scellé de sécurité est présent. Ce genre de non-reconnaissance de ses propres obligations est le fait de beaucoup de donneurs d’ordres qui, du moment qu’ils ont payé la prestation, considèrent un peu vite qu’ils n’ont plus rien à faire. »
La maintenance des extincteurs portatifs, qui sont des équipements sous pression, doit être effectuée avec le plus grand soin, selon un cahier des charges très précis. Il ne manquerait plus qu’un élément de sécurité devienne dangereux par défaut d’entretien…
Le devoir de conseil du prestataire, une obligation essentielle
Étroitement liée à l’obligation d’effectuer le travail commandé dans les contrats entre entreprises, l’obligation de conseil de la part du prestataire est une obligation à la portée très étendue. Elle l’est d’autant plus que le client est considéré comme non-initié. Entre deux mainteneurs présentant des prestations techniques identiques, c’est bien souvent le conseil qui fera la différence. Cette obligation de conseil peut porter sur l’adéquation des installations de sécurité incendie aux textes réglementaires ou normatifs applicables, comme sur la connaissance et l’application des règles de l’art.
« La maintenance ne se limite pas qu’à tester des équipements, mais aussi à vérifier leur adéquation avec l’environnement qui gravite autour. »
Vincent Chevallier, responsable Audit et qualité chez DEF.
« La maintenance d’un SSI ne se résume surtout pas aux essais fonctionnels définis par la norme, explique Vincent Chevallier. La maintenance ne se limite pas qu’à tester des équipements, mais aussi à vérifier leur adéquation avec l’environnement qui gravite autour. Cela nécessite des techniciens qualifiés, spécialisés et compétents, qui connaissent les référentiels d’installation et les produits, avec une expertise par rapport aux risques ». Et l’expert DEF de donner un exemple : « Le prestataire n’est pas uniquement là pour tester des détecteurs avec une perche. Il est aussi là pour vérifier que les détecteurs sont correctement placés, suffisants en nombre, adaptés à la nature du risque, de manière à ce que le système entretenu réagisse dans les meilleures conditions avec une notion importante de précocité. Si nous n’effectuons pas cette partie de la prestation, on peut nous reprocher un défaut de devoir de conseil ».
Dans l’établissement des contrats de maintenance, malheureusement, l’aspect commercial l’emporte parfois sur le devoir de conseil. Le défaut ne vient pas forcément du prestataire. Philippe Fesaix évoque ainsi « le syndrome de l’acheteur, où les intérêts économiques entrent en contradiction avec la performance et la compétence des entreprises en matière de sécurité. Le donneur d’ordres peut exiger une entreprise certifiée dans le cahier des charges. Puis, lorsque le service achat réalise la commande, on s’aperçoit que le prestataire retenu n’a finalement pas les bonnes certifications, car il a été choisi sur le critère du mieux offrant ».
Obligations de moyens
En matière d’obligations, il faut rappeler que le prestataire n’est tenu que par les termes du contrat. Ce dernier pourra contenir des obligations de moyens : description des interventions, moyens humains et matériels, périodicité, délais d’intervention, etc. Dans le cas d’une anomalie ou d’une défaillance, la preuve de la non-exécution reposera sur le donneur d’ordres. Si le prestataire est intervenu selon les termes prévus au contrat et a procédé aux essais et vérifications prévus, il n’a pas commis de faute. La traçabilité par le prestataire est alors impérative.
Dans le contrat, il sera utile de préciser un délai d’intervention du prestataire. Une obligation de moyen, qui n’intègre pas l’obligation de remise en fonctionnement des équipements.
Obligation de résultat
« A priori, tant que les vérifications périodiques démontrent que les équipements sont en état de fonctionnement, alors l’obligation de résultat est remplie », détaille Philippe Fesaix. Bien entendu, ce n’est pas une garantie d’absence de sinistre ! Dans ce cas, la charge de la preuve de la maintenance bien effectuée reviendra au prestataire. La traçabilité des opérations devra être soigneusement documentée par le donneur d’ordres au travers des registres de sécurité et des rapports de vérifications périodiques, des bons d’intervention, des mises à jour du Dossier d’identité du SSI et du Dossier d’interven- tions ultérieures sur l’ouvrage (DIUO).
L’article MS 69 de l’arrêté du 25 juin 1980 relatif à l’entretien et aux consignes d’exploitation d’un SSI en ERP précise : « L’exploitant doit faire effectuer sous sa responsabilité les remises en état le plus rapidement possible ». Ce qui veut dire que si le prestataire est défaillant, l’exploitant doit assurer un niveau de sécurité correspondant aux obligations légales.
La situation exceptionnelle due à la pandémie a entraîné de nécessaires adaptations du côté de la maintenance incendie. Chez DEF en 2020, les équipes ont priorisé les interventions sur la maintenance curative et sur les sites sensibles. Les décalages et reports de la maintenance préventive lors du premier semestre ont été régularisés durant le second semestre.
Indisponibilité et mesures compensatrices
Une obligation de résultat peut consister à imposer un délai maximal d’indisponibilité. Lorsque le dysfonctionnement d’un équipement entraîne une remise en cause de la sécurité totale ou partielle du site, il est un peu tard pour évoquer les mesures compensatrices, en se posant les questions: qui doit les mettre en place ? Qui doit les financer ? Qui est responsable du dysfonctionnement? Que peut-il advenir en cas de sinistre dans cette période d’indisponibilité ? Dans cette situation, le prestataire devra user de son devoir de conseil en mettant toute son expertise au service du donneur d’ordres, en lui faisant ses recommandations, si possible dès la phase précontractuelle. Mais c’est le donneur d’ordres qui tranchera et qui décidera in fine, car c’est lui seul qui possède une parfaite visibilité de son environnement et de l’état des risques.
Clauses d’exclusion : intervention d’un tiers, force majeure
Les limites de la prestation et les cas d’exonération de la responsabilité du mainteneur sont fréquemment rédigés dans un paragraphe mentionnant des « clauses d’exclusion ». L’une d’elles concerne la réparation ou l’entretien de l’installation par une personne autre que le mainteneur. Elle peut poser problème lorsqu’un équipement est encore en période de garantie constructeur, comme le confirme Philippe Fesaix : « Beaucoup de donneurs d’ordres s’interrogent lorsqu’une installation ou un équipement est en dérangement en période de garantie : est-ce le fabricant, l’installateur ou le mainteneur qui doit intervenir? En dépit de l’urgence, il faut rester prudent car, en cas d’intervention d’un tiers sur l’installation, la garantie peut tomber. » Le porteur de la garantie est le titulaire du lot qui a réalisé l’installation.
La situation exceptionnelle de la pandémie a aussi entraîné des complications pour les entreprises de maintenance. Les intervalles entre deux visites périodiques ont été parfois raccourcis, parfois supprimés, comme l’explique Vincent Chevallier chez DEF : « Pour éviter que les exploitants se retrouvent en difficulté, notamment en ERP, par rapport aux visites réalisées par les bureaux de contrôle où il doit être démontré que les essais fonctionnels ont bien été réalisés, nous avons effectué deux visites en une à titre dérogatoire et exceptionnel ». Dans d’autres cas, le mainteneur s’est retrouvé face à un établissement fermé: « Nous avons cependant pu continuer à intervenir sur les systèmes de certains établissements fermés, explique Vincent Chevallier. Mais pour d’autres, nous nous sommes parfois heurtés à un refus d’intervention du client. Ce qui peut se concevoir lorsque le SSI a été installé à des fins de protection des personnes et que les lieux se retrouvent totalement vides. Si en plus, il n’y a pas de patrimoine à protéger et que les énergies ont été coupées… Dans ce cas, nous faisions signer une décharge de responsabilité au client. »
Article extrait du n° 575 de Face au Risque : « Incendie : le contrat de maintenance » (septembre 2021).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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