Intervention sur fuite d’hydrogène enflammée
Le développement de la filière hydrogène va nécessairement conduire à une augmentation du stockage de ce gaz. A la fois très léger et hautement réactif, l’hydrogène est très inflammable. Les caractéristiques d’un feu d’hydrogène, sans flamme ni fumée visibles, impliquent des précautions particulières d’intervention.
Les caractéristiques physico-chimiques de l’hydrogène en font un gaz particulièrement réactif.
L’hydrogène, un gaz hautement réactif
On entend par réactivité d’un gaz inflammable sa sensibilité à une source d’inflammation. La plage d’inflammation très large (entre 4 % et 75 % de concentration dans l’air), la faible énergie minimale d’inflammation (17 microjoules) et la vitesse de propagation de la flamme de l’hydrogène expliquent en grande partie cette haute réactivité et, conséquemment, sa haute dangerosité dans le classement des groupes de gaz identifiés par la réglementation Atex.
En présence d’oxygène pur, l’énergie minimale d’inflammation est seulement de 3 µJ. Plus concrètement, on considère que l’énergie minimale d’inflammation de l’hydrogène peut provenir de décharges électrostatiques d’origine humaine (vêtements textiles) ou de simples fréquences radio. Une anecdote parlante : le frottement dans l’air d’un flocon de neige suffit à enflammer le rejet d’un évent d’hydrogène, transformant alors ce dernier en torchère.
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Notre article sur la réglementation Atex.
Fuite en extérieur vs en intérieur
Un récent rapport de l’assureur AGCS (avril 2021) vient préciser le contexte de survenue des deux phénomènes dangereux que sont la fuite et l’inflammation de l’hydrogène. Selon ce rapport, les statistiques d’enquête sur les pertes montrent que beaucoup d’incendies se produisent à la suite d’une « auto-inflammation résultant de la libération soudaine d’hydrogène à cause d’une rupture de bagues et de soupapes de surpression », et que « 25 % des sinistres sont dus à des fuites ». Parmi ces fuites, « 40 % ne sont pas détectées ».
Le caractère relativement aléatoire de la détection de la molécule d’hydrogène, l’une des plus légères de l’univers et présentant donc un pouvoir de dilution élevé dans l’air, renforce dès lors le besoin d’une démarche de prévention rigoureuse et suivie.
Les données du rapport AGCS démontrent également l’avantage de localiser les équipements liés à l’hydrogène à l’extérieur, dans un endroit ventilé. En effet, on lit dans le rapport que « l’hydrogène a été accidentellement libéré à l’extérieur plusieurs fois sans allumage. Presque tous les rejets intérieurs se sont enflammés. Les rejets en intérieur ont entraîné plus de trois fois plus d’explosions que d’incendies, alors que les rejets à l’extérieur ont entraîné un nombre égal d’incendies et d’explosions ».
Intervention sur fuite d’hydrogène enflammé
Plaçons-nous dans le cas d’une perte de confinement se traduisant par un rejet continu d’hydrogène en extérieur. Comment agir une fois que la fuite est détectée ? La mesure barrière élémentaire, fuite enflammée ou pas, est de fermer le plus rapidement possible la vanne d’alimentation située en amont de la fuite. L’approche de la zone de fuite nécessite de se faire avec précaution.
Christopher Henoch, responsable du Pôle opérationnel Incendie & Environnement à CNPP, décrit les caractéristiques de la combustion de ce gaz hautement réactif : « Ce qui est perturbant avec l’hydrogène enflammé par rapport à un feu traditionnel, c’est que l’être humain ne voit pas et ne ressent pas le risque. La flamme est invisible à l’œil nu et n’émet qu’un dixième de chaleur rayonnante par rapport à une flamme de propane. Pour autant, la flamme d’un feu d’hydrogène, aux alentours de 2 000 degrés Celsius, représente un vrai danger si un intervenant se retrouve dans le cône de la flamme. En fonction de l’environnement, même si le risque de propagation du feu d’hydrogène est limité du fait du faible rayonnement, il subsiste bel et bien en cas de contact direct de la flamme avec un élément combustible situé à proximité. »
Un feu invisible, sans flamme ni fumée
Contrairement à l’adage « pas de fumée sans feu », un tel rejet enflammé, sous forme de dard ou de torche, ne dégage aucune fumée. L’une des rares possibilités de repérer la fuite d’hydrogène sous pression sans moyen technique est l’oreille : le gaz comprimé, selon le débit et le diamètre de la fuite, va émettre un son plus ou moins fort. Un cadre ouvert, dont l’orifice de sortie de la lyre mesure 4 mm, produit un son de 130 dB à environ 1,5 mètre sous une pression de 200 bars. Inutile de préciser que si l’environnement sonore est bruyant, la fuite passe inaperçue.
Révéler la flamme avec la pulvérisation d’un extincteur
Comment donc repérer à coup-sûr la flamme d’un feu d’hydrogène ? « Une première méthode consiste à projeter une substance dans la flamme, explique Christopher Henoch, ce qui va permettre de la révéler. Typiquement, on utilise des extincteurs à poudre de classe B-C dont les pulvérisations sporadiques vont modifier le spectre lumineux de la combustion. Ce n’est pas la méthode la plus efficace car, en fonction de la pulvérisation, on aura certes identifié une zone mais pas forcément repéré l’intégralité de la zone de danger en fonction du type de fuite : une tête d’épingle, une rupture de bride ou de canalisation. »
L’utilisation de la caméra thermique
La seconde méthode, beaucoup plus précise, est la plus pertinente : « Selon le type de fuite et par rapport à son environnement immédiat, la méthode la plus efficace pour identifier une fuite d’hydrogène enflammé consiste à utiliser une caméra thermique. En balayant la zone, on va chercher à visualiser le cône de flamme, à le circonscrire précisément et à localiser l’endroit d’où provient la fuite. »
Tenue et matériels
La tenue et l’équipement des intervenants sont importants dans la manœuvre d’intervention. Sur l’homme, les recommandations prescrivent une tenue de feu complète, le port d’un appareil respiratoire isolant au cas où le feu se propagerait vers un combustible dégageant de la fumée et des bouchons d’oreille.
L’équipement en matériel est le suivant: une caméra thermique pour avoir la zone de danger en visuel; une lance à eau (débit 500 l/mn) pour se protéger d’un éventuel rayonnement ou agir sur un feu se développant au-delà de la fuite ; un détecteur de gaz hydrogène, au cas où se produirait une dispersion de gaz non-enflammé, afin de pouvoir la détecter et effectuer un repli.
Généralement, trois intervenants sont engagés : un binôme qui gère la lance à eau, le troisième étant le chef d’intervention qui coordonne la manœuvre.
Agir vite… et bien !
À partir du repérage de la flamme décrit plus haut, on peut déclencher une intervention.
Si cela n’a pas été fait, il faut couper l’arrivée de gaz en fermant une vanne en amont. Afin de minimiser l’exposition du personnel, l’action sur une vanne pilotée à distance sera à privilégier. Cependant, la rapidité de la coupure d’alimentation de la fuite intervient également dans la prise de décision. Plus la vanne de coupure va se situer près de la fuite, et plus la période d’exposition au danger sera réduite. Plus on intervient loin en amont, en fonction des canalisations, plus la fuite risque de durer. S’il existe un risque de propagation du feu ou un impact possible sur une citerne voisine, il faut agir au plus vite.
Christopher Henoch précise : « on va toujours être à la recherche de ce fameux compromis bénéfice/risque entre ne pas exposer le personnel et la rapidité de la circonscription de la fuite enflammée, de façon à éviter tout dommage ailleurs. Il n’y a jamais de réponse universelle, et c’est toujours la situation et l’analyse qui en découle qui va commander la réponse opérationnelle. »
Article extrait du n° 574 de Face au Risque : « L’hydrogène en lumière » (juillet-août 2021).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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