Interview. ERP et Covid-19 : établissements fermés, risques gelés ?
Salles d’expositions. Quelles conséquences la crise sanitaire a-t-elle eu sur Marseille Chanot, parc d’expositions spécialisé dans l’événementiel, ERP de type T de 1re catégorie ? Nicolas Bonnet, responsable Sécurité-Sûreté de la Safim, société gestionnaire du parc, et secrétaire de l’Apsighe, décrit la situation vécue depuis les débuts de la pandémie.
Pouvez-vous nous présenter l’activité de votre entreprise ?
Nicolas Bonnet. La Safim est organisatrice d’événements parmi lesquels la Foire internationale de Marseille – deuxième foire de France –, deux salons grand public annuels et deux salons professionnels biennaux, dont AccesSecurity. Nous sommes aussi exploitants et gestionnaires du site Marseille Chanot, propriété de la ville de Marseille.
La Safim exploite un total de 60 000 m² de surfaces couvertes et 100 000 m² de surfaces extérieures au sein d’un site de 17 hectares. Chaque année, elle accueille près de 250 manifestations au sein de 6 halls d’exposition, du Palais des Congrès et du Palais des Arts. La modularité des surfaces permet d’accueillir plus d’un million de participants chaque année sur tous types d’événements : salons, congrès, séminaires, lancements de produits, spectacles, événements sportifs, road shows…
Quelle est votre fonction au sein du parc des expositions Marseille Chanot ?
N. B. Je suis responsable Sécurité-Sûreté-Maintenance sur le parc Marseille Chanot. Sur mon périmètre, tout ce qui est maintenance est géré sous-contrat par une société multi-technique, et tout ce qui est sécurité est géré avec des prestataires sécurité ou sûreté.
Que s’est-il passé pour votre activité lors du premier confinement de mars 2020 ?
N. B. Étant positionnés sur une activité événementielle, nous avons été impactés de plein fouet par l’arrêt pur et simple des événements sur notre site. L’activité sécurité incendie a pratiquement été mise à l’arrêt et s’est limitée aux mesures liées à la gestion des bâtiments. Mon activité maintenance s’est trouvée conservée. Car il faut tout de même entretenir une installation pour anticiper le redémarrage de l’activité.
Nous avons profité de cette période pour, par exemple, rédiger des modes opératoires afin de faciliter et d’optimiser les opérations usuelles (que cela soit sur les manipulations techniques ou sur les systèmes de sécurité). Ces mémos constituent désormais une base solide pour intervenir sur nos installations.
Au sein du protocole sanitaire mis en place sur le parc Marseille Chanot, la distanciation sociale et le respect de la jauge admissible ont bénéficié d’améliorations constantes : de la simple signalétique à l’adoption d’un système de supervision intégrant la possibilité de comptage des personnes par caméra.
À plus de 50 %, les répondants à l’enquête Face au Risque-CNPP déclarent avoir anticipé une gestion de crise sanitaire. Était-ce votre cas ?
N. B. Dès le 14 février 2020, nous avions commencé à mettre en place un protocole avec une salle dédiée à de potentiels cas suspects. À partir du 28 février, nous avons commencé à avoir des alertes concernant des événements de grande ampleur, rassemblant au moins 5 000 personnes par jour. Nous nous sommes demandé à un moment si nous n’allions pas être obligés de clore un événement en plein déroulement. Nous avons eu ensuite une première phase où l’État a réduit les jauges de personnes admissibles. Cela nous a contraint à nous réadapter.
Nous avons accompagné les organisateurs pour ajuster les événements jusqu’à la réduction de la jauge à 1 000 personnes. Puis tout s’est arrêté lorsque l’organisation d’événements a été interdite par décret, dans certains types d’ERP.
Dès le premier confinement, toute l’équipe de la direction d’exploitation s’est orientée vers une démarche sur du long terme, a revu l’organisation pour nous permettre d’optimiser cette période. Chacun dans notre domaine, nous avons œuvré pour améliorer les processus de notre organisation, anticiper les futures attentes et demandes de nos clients lors de la reprise d’activité qui allait être progressive et sujette à de nombreuses adaptations.
En dépit du report régulier des interdictions d’organisation et de rassemblement d’événements par les autorités, étiez-vous prêts à reprendre l’activité en 2020 ?
N. B. Nous avons adapté notre activité à la crise sanitaire et mis en œuvre une série de mesures de nature à soutenir le redémarrage. Nous avons notamment imaginé un système de gestion des flux par la mise en place de capteurs de comptage, et investi dans une supervision pour pouvoir établir des scénarios complexes et avoir des comptages en fonction des événements, sans être limités par la capacité stricte du compteur.
Nous avons fait un peu de recherche développement à ce niveau-là pour essayer d’anticiper. Le système peut nous donner des statistiques sur l’occupation globale du site en permettant d’effectuer des sous comptages par zones définies et par bâtiment. Ainsi, quelles que soient les mesures, nous pouvons disposer d’un système évoluant et s’adaptant aux jauges définies à un instant T. Il permet aussi d’indiquer le taux d’occupation en temps réel et de diffuser un message clair au public permettant de temporiser les entrées si la jauge est atteinte, puis de ré-autoriser automatiquement l’entrée dès que celle-ci redescend sous un seuil acceptable.
« Nous avons beaucoup travaillé sur des protocoles techniques. »
Nous avons fait installer des distributeurs de gel hydroalcoolique sur toutes les entrées du site. Nous avons installé des points de lavage des mains pour les livreurs, au niveau d’une des entrées de livraison et au niveau des entrées entrepôts, comme ce qui était préconisé par le ministère du Travail.
Nous avons beaucoup travaillé sur des protocoles techniques (ventilation et nettoyage notamment), des processus, des dispositifs, des guides sanitaires à usage de nos clients pour leur donner une idée de la nature des contraintes. Entre les différentes moutures de textes qui n’avaient de cesse de sortir et ce qui était préconisé dans le cadre des protocoles nationaux, il n’était pas forcément évident de s’y retrouver.
Nous avons ainsi créé un guide sanitaire pour expliquer à nos clients ce à quoi ils s’exposaient, ce qu’ils pouvaient faire, ne pas faire, ce qui était obligatoire et ce qui était conseillé. Et nous avons installé un certain nombre de dispositifs sur notre site, l’apport de notre responsable qualité a été précieux dans ce domaine.
Quelles étaient les mesures phares prises dans le cadre de votre guide sanitaire ?
N. B. Nous avons élargi les circulations pour que les visiteurs aient plus de place et d’espaces. Nous avons installé des points de lavage de mains à intervalles réguliers sur le site, mis en place des bornes de gel hydroalcoolique supplémentaires et des poubelles pour le recyclage des déchets souillés.
En parallèle, nous avons commencé à mettre en place un protocole sanitaire, c’est-à-dire des nettoyages des points de contact réguliers et des systèmes pour pouvoir protéger le personnel. La responsable qualité s’est chargée de faire agréer cette démarche auprès d’un bureau de contrôle Veritas, afin d’être certifié au niveau du risque sanitaire et donner un gage de confiance.
Filtrage des accès, points de distribution de gel hydroalcoolique et de lavage des mains, gestion des flux et des espaces, capacité de détection de cas suspects, protocoles techniques pour la ventilation et le nettoyage, le guide sanitaire établi et les mesures prises par le parc Marseille Chanot n’ont pas suffi face à l’arrivée de la 2e vague de contamination à l’automne 2020.
Avez-vous envisagé la mesure de la température corporelle des personnes, par exemple au moyen d’une caméra thermique ?
N. B. Nous avions envisagé à l’entrée du parc le principe d’un contrôle de température et une prise en charge au sein de petits locaux modulaires, avec une infirmière urgentiste et un médecin. Mais le Protocole national de déconfinement a déconseillé le dispositif de la mesure de la température corporelle. Nous avons abandonné l’idée.
Est-ce que les modifications de flux de circulation et d’espaces ont modifié le plan d’évacuation ?
N. B. Non, pas du tout. Pour pouvoir se permettre de respecter les distanciations à l’intérieur, notamment pour un événement de grande ampleur qui occupait l’ensemble du parc, nous avons réduit de plus d’un tiers la surface d’exposition et d’exploitation. Ce qui fait que nous avons des allées beaucoup plus larges, des mouvements plus libres et des issues de secours conservées.
Sur notre parc, nous avions mis en place une procédure d’évacuation globale du parc sur laquelle nous avions déterminé, en fonction des entrées du site, quel bâtiment doit évacuer par quelle entrée. Ceci pour éviter d’avoir des attroupements, que ce soit du point de vue du Covid ou de la sûreté attentat.
Malgré toutes les précautions prises et la volonté des acteurs de l’événementiel, vous n’avez pas pu organiser la Foire internationale de Marseille, prévue fin septembre 2020…
N. B. Nous organisons traditionnellement cet événement, c’était un gros enjeu de pouvoir le tenir sur les mois de septembre et octobre 2020. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler dessus avec l’Unimev (Union française des métiers de l’événement) et les acteurs de l’État.
Nous avons collaboré aussi bien avec la préfecture de la région que la préfecture de police pour essayer de définir des règles stables et se donner le maximum de chance de pouvoir l’organiser, dans un contexte qui était évolutif. Cela veut dire que nous avons fait « plus que moins ».
« Nous avons gagné en expérience. »
J’avais prévu un référent sanitaire, des contrôles réguliers et une démarche d’amélioration continue pour être sûr que l’on puisse tenir notre protocole. En termes d’intervention, nous avions paramétré sur la main courante électronique gérée avec notre sous-traitant de sécurité des cas particuliers liés au coronavirus, pour faire en sorte d’être en mesure de géolocaliser en temps réel un cas suspect le jour J.
En parallèle, nous avions travaillé en amont avec des médecins urgentistes des hôpitaux de Marseille, afin de gagner du temps dans le traitement de la chaîne des secours en cas d’identification d’un cas contact. Malheureusement, avec l’aggravation du nombre de cas dans le département, la préfecture a finalement dû interdire la tenue de l’événement. Le point positif c’est que nous avons gagné en expérience et sommes prêts à reprendre l’activité dans cette configuration.
Extrait de l’article du n° 573 de Face au Risque : « ERP et Covid-19, l’impact sur la sécurité – sûreté » (juin 2021).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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