Batterie lithium-ion. Des extincteurs pour « encapsuler » l’emballement thermique
Dans le n° 566 d’octobre 2020, Face au Risque consacrait un dossier spécial aux batteries lithium-ion. Un sapeur-pompier détaché chez Renault précisait alors que la seule solution pour stopper définitivement un emballement thermique sur un véhicule électrique était de remplir la batterie d’eau. Deux autres solutions récentes proposent d’« encapsuler » un feu de batterie sur des accumulateurs de faible à moyenne puissance.
La vermiculite
À l’été 2020, Eurofeu a mis au point une solution face aux incendies de batterie lithium-ion avec un extincteur à base de vermiculite. Directeur business développement au sein du groupe, Philippe Quelven nous explique la composition de la gamme d’extincteurs Lith-Ex :
« La vermiculite, un minéral naturel non toxique, est utilisée pour plusieurs applications comme l’ignifugation ou l’isolation. En rendant cette vermiculite sous la forme aqueuse, baptisée AVD (dispersion aqueuse de vermiculite), nous avons un produit qui peut être pulvérisé sous forme de brouillard. »
Le développement de cet extincteur a été permis par le biais d’un partenariat entre Eurofeu et Dupré Minerals, une société notamment spécialisée dans le traitement et l’utilisation de la vermiculite. Cette innovation a été récompensée à Expoprotection 2020 et Preventica 2019.
Une pellicule isolante
La question reste de comprendre comment fonctionne cette AVD lors des feux de batterie lithium-ion, dont les températures peuvent dépasser les 1000 °C.
« Les essais ont démontré que cette vermiculite avait la capacité de retenir l’eau pendant une longue durée. Et comme nous sommes sur un produit relativement visqueux, quand vous le pulvérisez sur une batterie qui a pris feu, vous allez générer une pellicule qui va coller à la batterie.
En prenant feu, la batterie atteint une température qui va permettre à la vermiculite de s’assécher et de crouter. On utilise le produit pour isoler la batterie, contenir le sinistre et procéder au refroidissement des éléments. On va encapsuler la batterie » par la pulvérisation de cette solution, poursuit notre interlocuteur.
Manipulation et pulvérisation
S’agissant du processus d’utilisation, qui nécessite un accès « au plus près de la batterie puisque l’on parle d’un produit de première intervention sur un incendie de batterie lithium-ion », Philippe Quelven nous précise que ce produit « ne s’utilise pas comme un extincteur classique ».
Ainsi dans les grandes lignes, « on ne va pas vider l’extincteur, mais l’utiliser de manière extrêmement séquencée. On pulvérise le produit sous forme de nappe fine pendant quelques secondes puis on arrête cette pulvérisation.
Le produit va sécher par cet échange thermique qui se fait avec la batterie. Il y a un refroidissement renforcé puisque l’on est vraiment collé à la batterie. On a ainsi cet effet d’abaissement de température, de neutralisation du principal risque qu’est l’emballement thermique.
Lorsque ce phénome d’emballement se développe sur une cellule voisine, la pellicule va se briser. On va donc de nouveau pulvériser le produit… »
Au total, cette phase de pulvérisations séquencées peut durer plusieurs minutes. Une variation qui s’explique « en fonction de la puissance de la batterie ». Pour ce qui est des conditions au terme de l’opération d’extinction, il est nécessaire d’isoler la batterie sinistrée… Là encore « pour une durée plus ou moins longue selon sa taille et sa puissance ».
La solution F-500 automatique
Autre extincteur et autre méthode pour tenter de lutter contre l’emballement thermique: l’extincteur F-500 automatique proposée par Isogard, marque de Johnson Controls.
Si la solution F-500 est sur le marché depuis deux ans déjà, la grande nouveauté réside dans l’aspect « automatique » du produit. Après une première gamme d’appareils portatifs et roulants, « on a aujourd’hui une gamme qui s’étoffe » se félicite Thierry Guitton, directeur des opérations chez Isogard-Johnson Controls, avant de se pencher sur les raisons d’une version automatique du produit.
« Au cours des échanges avec nos clients, on s’est rapidement aperçu qu’il fallait pouvoir répondre à un besoin lié au moment où les locaux de nos clients ne sont pas occupés (la nuit et le weekend), qui correspond à la période de mise en charge des équipements munis de batteries », explique-t-il.
Inspiration directe du sprinkleur
Lancé courant avril 2021, cet appareil automatique 9 litres est conçu sur la même base que l’appareil mobile 9 litres, à la différence près que « son moyen de déclenchement est 100 % automatique. Le système de déclenchement est doté d’une ampoule thermique associée à une buse de diffusion de type tête de sprinkleur ».
Il nous a ainsi été précisé qu’une installation optimale de cet extincteur est primordiale pour permettre le déclenchement automatique. « Cet appareil doit être disposé avec pertinence pour qu’en cas d’incendie, le déclenchement de l’appareil se produise tôt et avec une diffusion du jet optimum par rapport à la zone du sinistre. »
Environnement « friendly »
Thierry Guitton nous dévoile ensuite le fonctionnement de ce nouveau produit :
« Notre appareil sera efficace sur les trois caractéristiques fortes d’un feu de batteries Li-ion. Il va avant tout permettre d’abaisser de manière drastique la température.
L’agent va réellement encapsuler la zone du feu et donc entraîner immédiatement une forte diminution des fumées émises et enfin, après avoir favorisé l’extinction de l’incendie, il va très grandement limiter les risques de rallumage. Tout ceci avec un additif dépourvu de tout agent fluoré, ce qui est essentiel sur le plan environnemental. »
Se basant sur de nombreuses analyses menées avec un laboratoire indépendant, le directeur des opérations d’Isogard-Johnson Controls confie qu’il a été possible de « mesurer le comportement de la cellule lithium-ion » lors des étapes relatives à « l’emballement thermique, au début de l’incendie et à l’intervention avec l’extincteur, où l’on voit la température baisser puis remonter ».
Comme avec la vermiculite, où plusieurs étapes de pulvérisations séquencées sont nécessaires, « on rentre alors dans une 2e phase d’utilisation de l’extincteur, à l’issue de laquelle le feu est éteint et on constate qu’il n’y a pas de rallumage ».
La finalité d’un tel procédé ? « Empêcher qu’une batterie qui part en emballement thermique n’en provoque chez les batteries voisines, ou que les batteries ne fassent l’objet de chocs, et permettre une action ciblée de l’extincteur ». Activités relatives au traitement des déchets électriques et électroniques, au recyclage des batteries, au stockage d’énergie, à la mobilité, la charge ou la réparation des batteries… les clients potentiels ne manquent pas.
Transport, tri et stockage
Qu’ils soient à base de vermiculite ou d’agent F-500, ces appareils se prédestinent à l’ensemble des professionnels ayant recours aux batteries lithium-ion. Qu’il s’agisse d’applications liées au transport, au tri ou au stockage de batteries.
Du côté d’Eurofeu, Philippe Quelven nous fait ainsi comprendre qu’il existe « aujourd’hui plusieurs variantes de la vermiculite ». De ce fait, il n’est pas rare que « certaines sociétés de gestion de déchets ou de recyclage transportent des batteries stockées dans des bacs au sein desquels il y a de la vermiculite exfoliée. Cette application permet d’isoler les batteries les unes des autres lors de leur stockage ou leur transport », argue-t-il.
Les activités ciblées
Chez Johnson Controls les activités liées au stockage et à la charge de batteries lithium-ion représentent la principale cible du F-500 automatique.
« On destine cet appareil à des ateliers (vélos électriques, scooters électriques, monde logistique avec batteries de chariots élévateurs…) où il va y avoir un certain nombre de batteries en charge chaque soir ou chaque weekend », confie Thierry Guitton.
Plus largement, la gamme F-500 se prédestine également aux activités de tri.
« On a un nombre d’échanges important avec les professionnels de traitement des déchets, ajoute-t-il. À l’issue de la phase de broyage, ils peuvent être confrontés à des débuts d’incendie potentiellement très significatifs parce qu’il y avait, dans les détritus, des cellules ou des batteries de lithium-ion qui, en ayant été broyées, vont finir par découler sur un incendie.
On est aussi en réflexion pour apporter des solutions spécifiques à ces professionnels sur la base de notre agent F-500. »
Et le directeur des opérations Isogard Johnson Controls de conclure sur une petite indiscrétion.
« On travaille sur des solutions d’extinction fixe, mêlant eau et agent F-500, avec une ou plusieurs têtes de détection et une ou plusieurs buses de diffusion… En cas d’incendie dans un conteneur où se trouvent un certain nombre de batteries, on pourrait alors venir déclencher un système d’extinction automatique.»
Si ce projet en est encore à ses prémices, « ce sont des travaux sur lesquels des avancées significatives sont en cours ».
Article extrait du n° 574 de Face au Risque : « L’hydrogène en lumière » (juillet-août 2021).
Eitel Mabouong – Journaliste
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