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L’accident d’une usine chimique à Seveso, il y a 45 ans
Le 10 juillet 1976, près de la commune de Seveso en Italie, de la dioxine s’échappe accidentellement d’une usine chimique. Les dirigeants de la société tardent à prévenir les autorités et la population. L’accident se transforme en catastrophe humaine et environnementale qui donnera naissance à la directive Seveso.
L’accident
Il est 12h37 ce samedi 10 juillet 1976 à Meda, une ville italienne située à environ 20 km au nord de Milan. C’est alors que saute une soupape de sécurité d’un réacteur de l’usine de produits chimiques Icmesa. Des vapeurs toxiques sont libérées et un nuage se répand vers la commune toute proche de Seveso, puis vers le sud-est. La fuite est stoppée vers 13h45.
Ce n’est que le lendemain après-midi que les dirigeants de la société suisse Givaudan (filiale de l’entreprise pharmaceutique F. Hoffmann-La Roche), à laquelle appartient Icmesa, avertissent les maires de Meda et de Seveso d’une « fuite d’herbicide ». Ils leur conseillent de demander aux habitants de ne pas consommer les fruits et légumes locaux.
Le 12 juillet, le travail reprend dans l’usine. Cependant, très vite, de petits animaux meurent, les feuilles des arbres s’assèchent, l’herbe jaunit… Et surtout, des premiers cas de chloracnée se déclarent chez les enfants des environs. Il s’agit de troubles de la peau dues à une exposition à des produits toxiques qui se traduisent par des brûlures.
Le 14, les laboratoires Hoffmann-La Roche identifient l’agent responsable. C’est du TCDD (2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxine), l’une des dioxines les plus toxiques pour l’homme. Toutefois, ils n’en réfèrent pas aux autorités…
Le 16 juillet, le personnel de l’usine se met en grève et l’établissement ferme le 18.
Information officielle
Finalement, ce n’est que le 19 juillet que les responsables de l’entreprise reconnaissent publiquement que de la dioxine, substance hautement toxique, s’est répandue dans l’atmosphère. Mais cela fait 9 jours…
Enfin, dans les jours qui suivent, les habitants de la zone contaminée sont évacués. Et ce sont 736 personnes qui quittent leur domicile, sans savoir pour combien de temps.
Le 21 juillet, alors que le scandale éclate dans la presse, le directeur technique et le directeur de la production de l’usine sont arrêtés.
Le bilan de la catastrophe
Quatre communes sont gravement impactées, dont Seveso, et trois autres moins sévèrement. 358 hectares sont contaminés et plus de 1 000 autres sont sous surveillance. Environ un millier d’animaux sont morts et, de plus, 77 000 têtes de bétails sont abattues. 193 enfants sont touchés par la chloracnée et plus de 250 personnes souffrent de diverses lésions.
Les femmes enceintes sont incitées à avorter, ce qui provoque un vif débat dans la population très catholique et la réprobation du Vatican.
À plus long terme, une étude de Paolo Mocarelli, professeur de médecine à l’université de Milan révèle une baisse de la fertilité et une légère hausse de certains types de cancer. Il a suivi des milliers de personnes dès les premiers mois de l’accident et pendant plusieurs années. Mais le rapport de cause à effet avec la catastrophe n’est pas établi.
Démantèlement de l’usine
L’usine Icmesa ferme définitivement quelques semaines après l’événement.
Le site est complètement démantelé puis rasé ainsi que les maisons les plus proches. Les déchets sont placés dans deux fosses en béton, elles-mêmes enfouies à plusieurs dizaines de mètres sous terre. On fera venir plus tard de la terre et des arbres non contaminés pour créer à cet endroit un parc boisé et un centre sportif, inaugurés en 1996.
Selon l’AFP qui révélait, en octobre 1976, les éléments d’une étude effectuée par les autorités italiennes, l’usine Icmesa aurait pollué la région depuis environ 20 ans.
Les responsabilités
Le 24 septembre 1983, le tribunal de Monza reconnaît les cinq membres de la direction d’Icmesa et de Givaudan responsables de carences graves dans la prévention des accidents. Quatre d’entre eux sont condamnés à quatre et cinq années de prison dont trois avec sursis. Le cinquième écope de deux ans et demi de prison avec sursis.
Par ailleurs, la société Givaudan dédommage les victimes à hauteur de 338 millions de francs français. Et c’est elle qui prend en charge les travaux de décontamination.
Les « fûts maudits »
Un certain nombre de déchets ont été enterrés sur place. Mais les dirigeants de l’usine et les autorités décident d’expédier à Bâle (Suisse), pour incinération, la dioxine contenue dans le réacteur. Celle-ci est conditionnée dans 41 fûts qui, le 10 septembre 1982, passent la frontière à Vintimille dans un camion français. Mais on perd ensuite leur trace… Finalement, ils sont retrouvés en avril 1983 dans l’Aisne.
Selon la version officielle, ils sont réexpédiés en Suisse et incinérés. Version mise en cause par des biologistes dont L’Usine Nouvelle se fait l’écho en septembre 2018 : le poids total des déchets et le diamètre des fûts n’étaient pas les mêmes entre le départ d’Italie et l’arrivée à Bâle. Selon ces experts, les fûts brûlés ne contenaient pas les déchets toxiques. Leur hypothèse est qu’ils ont fini leur route en Allemagne de l’Est ou en Somalie…
La directive Seveso
Cette catastrophe humaine et environnementale conduit les institutions européennes à se pencher sur la prévention des risques majeurs. Le 24 juin 1982, nait la directive 82/501/CEE appelée « directive Seveso » du nom du village contaminé. Dorénavant, les États membres et les entreprises doivent identifier les risques associés aux activités industrielles dangereuses, organiser la prévention et prendre des mesures pour y faire face.
En 1996, la directive étend son champ d’application et devient Seveso 2 (transposée le 3 février 2001 en droit français). Elle couvre notamment tous les lieux où sont stockées des substances dangereuses et tient compte du risque global de l’établissement en cumulant les substances dangereuses.
Le 1er juin 2015, la directive Seveso 3 entre en vigueur. Elle s’adapte au règlement CLP (classification, étiquetage et emballage des substances et des mélanges), qui entre en vigueur à cette même date, et modifie la nomenclature des installations classées. Elle apporte également des changements concernant l’information du public, l’Inspection des installations classées, la politique de prévention des accidents majeurs et les plans d’urgence.
Article extrait du n° 574 de Face au Risque : « L’hydrogène en lumière » (juillet-août 2021).
Martine Porez – Journaliste
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