Fin du télétravail systématique : ce que les entreprises doivent anticiper pour la rentrée de septembre 2021

3 juin 20217 min

L’assouplissement du télétravail annoncé par le Gouvernement est prévu à partir du 9 juin 2021. Comment les entreprises vont-elles se réorganiser et quels sont les points de vigilance à considérer pour le retour à la normale ? Eléments de réponse avec Vincent Balouet, spécialiste de l’anticipation des crises systémiques et fondateur du cabinet maitrisedescrises.com.

En raison de la crise sanitaire, le télétravail est systématisé partout où l’activité le permet, à raison de quatre jours minimum par semaine, jusqu’au 30 juin 2021. Mais à partir du 9 juin, cette règle s’assouplit et les entreprises doivent se réorganiser.

Avec la réouverture des restaurants, bars, cinémas, musées, spectacles, etc., la vie « normale » est en train de revenir.  En entreprise, c’est la vie sociale qui va reprendre avec la fin du télétravail systématique.

Cependant, avec le retour du beau temps et les vacances d’été qui approchent, Vincent Balouet, spécialiste de l’anticipation des crises systémiques et fondateur du cabinet maitrisedescrises.com, craint une certaine forme d’insouciance. Et des difficultés à faire respecter les gestes barrière dans les entreprises. En outre, selon lui, à la sortie de l’été, plusieurs autres difficultés risquent de se présenter aux entreprises. Il faut les anticiper.

Organisation du télétravail et management rotatif

Vincent Balouet - maitrisedescrises.com

« Partout où il y a un effet rattrapage, les employeurs vont user de leur droit d’organisation du travail pour faire revenir en présentiel les salariés, avance Vincent Balouet. D’autres entreprises essaient de restructurer les choses, notamment à des fins d’optimisation des mètres carrés. Avec une forme de rotation synchronisée. D’autres encore laisseront les salariés s’organiser librement. » Les managers auront alors à gérer les emplois du temps des salariés, les réunions en mode hybride, les espaces de travail, personne ne tournant à la même vitesse.

C’est ce que Vincent Balouet appelle le management rotatif. « Ce sera le modèle dominant à l’avenir ».

Le pass-sanitaire en entreprise

Va se poser la question du pass-sanitaire en entreprise. Faut-il l’instaurer « pour que les collaborateurs puissent justifier qu’ils ont été suffisamment immunisés d’une façon ou d’une autre et qu’on puisse ouvrir les activités collectives dont la restauration, les salons et les événements commerciaux » ? La mise en place de ce pass-sanitaire va devoir s’organiser avec notamment l’aide des représentants du personnel.

Les déplacements d’affaires à l’étranger

« Ce n’est pas parce que la situation sanitaire s’améliore en métropole et en Europe qu’on va pouvoir voyager partout dans le monde », avance Vincent Balouet.  Les prévisions des compagnies aériennes sont d’ailleurs pessimistes. Le télétravail a fait ses preuves et les conférences à distance aussi. Le spécialiste estime que les contraintes de déplacement à l’étranger vont perdurer encore probablement jusqu’à la rentrée 2022, au moins.

Les centres de vaccination en entreprise

Certaines grandes entreprises sont déjà organisées depuis longtemps pour la vaccination de la grippe saisonnière. Celles qui souhaitent mettre en place un dispositif de vaccination anti-Covid doivent l’anticiper en partenariat avec la médecine du travail. Il faut bien-sûr prévoir des locaux adaptés mais aussi une certaine confidentialité.

Le cyber-risque

Depuis la crise due au coronavirus, les cyberattaques se sont multipliées. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Toujours est-il que les cyberattaques ont été multipliées par quatre en 2020 en France par rapport à 2019, selon ce qu’avançait Guillaume Poupard, directeur général de l’Anssi, lors de la conférence Panocrim du Clusif (Club de la sécurité de l’information français) du 26 janvier 2021.

Ces cyberattaques mettent à l’arrêt des organisations en Europe et outre Atlantique. Ce 1er juin, c’est JBS, le géant mondial de la viande, qui a été touché, s’inquiète Vincent Balouet. « On n’a pas assez d’ingénieurs en cybersécurité pour régler tous les problèmes. Il y a de très grandes tensions. »

La refonte des PCA

Une bonne nouvelle dans la crise : les plans de continuité d’activité (PCA) devraient coûter beaucoup moins cher, annonce notre interlocuteur. Notamment pour les entreprises parisiennes. En effet, avec le télétravail qui a fait ses preuves, une crise due à une crue centennale ou à une grève dans les transports n’aura plus le même impact, la plupart des salariés pouvant travailler à distance. Plus besoin de prévoir des plans B dans d'autres villes. Cependant, les exigences d’audits vont être revues à la hausse, poursuit-il. « Les auditeurs internes et externes vont exiger que les PCA soient plus précisément décrits, notamment concernant la cybersécurité et le télétravail. Les entreprises doivent démontrer qu’elles peuvent repartir si un tel scénario se présente. »

La supply chain fragilisée

L’un des gros sujets de la rentrée va être la sécurité des approvisionnements, affirme le spécialiste de la maîtrise des crises. En particulier des approvisionnements industriels. C’est l’un des effets indirects du Covid qui a stoppé les industries partout dans le monde. « Il y a des carences très fortes sur les matières premières et sur certains produits transformés, dont les semi-conducteurs. » Des tensions existent également sur l’énergie et les transports.

Par ailleurs, avec la fin progressive des aides accordées par le Gouvernement et le remboursement des PGE (prêts garantis par l’Etat), nombre d’entreprises vont se trouver en difficultés et risquent de ne pas se relever.

« Quand tout va se remettre en mouvement (…) il faudra redoubler d’attention en surveillant la santé financière des entreprises de notre supply chain. Car il faut s’attendre à des défaillances en série au cours de cette année ou des années suivantes », indiquait déjà Michel Josset, directeur Assurance du producteur d’équipements automobiles Faurécia, lors d’une table-ronde organisée par l’Amrae le 4 février 2021.

Il y a des carences très fortes sur les matières premières et sur certains produits transformés, dont les semi-conducteurs. 

Des tensions sociales à prévoir

Ces difficultés vont provoquer « des tensions sur l’emploi avec des vagues de licenciements qui ont été retardées par les aides gouvernementales », indique Vincent Balouet. Il précise que les tensions concernent également les problèmes de recrutement, certains secteurs n’arrivant pas à trouver le personnel qualifié requis. De plus, avec la campagne pour les présidentielles, la rentrée risque d’être agitée sur les plans politique et social.

Vigilance sur le variant indien

Vincent Balouet attire également notre attention sur le variant B.1.617.2, dit variant indien. Détecté en Inde en octobre 2020, il est jugé « préoccupant » par l’OMS. L’Organisation mondiale de la Santé observe « une transmissibilité en nette hausse et un nombre croissant de pays qui signalent des flambées liées à ce variant ». Il représente aujourd’hui 50% des cas au Royaume-Uni.

« Si ce variant indien se propage en France à la même vitesse que le variant anglais l’hiver dernier, on va avoir un pic à la rentrée. Il va falloir que ça se synchronise avec une excellente couverture vaccinale », avance Vincent Balouet.

Or, il constate que les 18-59 ans, c’est-à-dire la population au travail, ne sont pas encore beaucoup vaccinés aujourd’hui. Et c'est sans compter sur les personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner et dont on ne connaît pas précisément la proportion. « Va-t-on avoir suffisamment de gens vaccinés dans la population au travail vis-à-vis de la vitesse d’arrivée vers le mois de septembre du variant indien ? s'interroge-t-il. D’où l’intérêt des centres de vaccination en entreprise. »

Si ce variant indien se propage en France à la même vitesse que le variant anglais l’hiver dernier, on va avoir un pic à la rentrée. Il va falloir que ça se synchronise avec une excellente couverture vaccinale 

Avec la crise du Covid-19, l’environnement des entreprises a changé, tout comme les attentes des salariés. Pour réussir la reprise, Vincent Balouet conseille de rester vigilants sur tous ces points évoqués.

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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