Interview Olivier de Mazières. Les directeurs sécurité, piliers du continuum
Ancien préfet des Bouches-du-Rhône, Olivier de Mazières a été nommé délégué ministériel aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité (DPSIS) en septembre 2020. Nous l’avons interrogé sur ses missions ainsi que sur la place du responsable de sécurité en entreprise dans le continuum de sécurité intérieure.
Pouvez-vous nous décrire vos nouvelles missions ?
J’ai été initialement nommé en février 2020 sur deux fonctions. La DMISC, la Délégation ministérielle aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces et la DCS, la Délégation aux coopérations de sécurité.
La DCS gérait le continuum des forces, c’est-à-dire le partenariat entre les forces de l’État, que sont essentiellement la police et la gendarmerie, et d’autres acteurs, principalement la police municipale et la sécurité privée.
La DMISC gérait les relations du ministère de l’Intérieur avec les industriels de la sécurité et les instituts de recherche, notamment sur les solutions d’innovation sur la production des moyens technologiques à mettre à disposition des forces de l’ordre et de leurs partenaires. La DMISC concernait plutôt le continuum des moyens. À ce titre, elle était en charge de représenter le ministère de l’Intérieur au sein du Comité stratégique de filières des industries de la sécurité.
Les deux structures, DCS et DMISC, ont donc fusionné pour avoir une approche beaucoup plus globale du continuum, sous l’angle d’une filière, en adressant aussi bien les acteurs de la sécurité au sens large, que les fournisseurs de moyens que sont les industriels.
Y a été adjointe une troisième mission, qui est celle de la normalisation. Le ministère de l’Intérieur suit les travaux de normalisation en matière de sécurité. Car lorsqu’on parle de continuum des forces et des moyens, on est obligé de se préoccuper du cadre normatif dans lequel se développent ces actions et ces moyens.
C’est véritablement ces trois cultures et de ces trois missions qui ont été réunies au sein de la DPSIS en septembre 2020.
« Les directeurs sécurité-sûreté constituent l’un des piliers qui permettent la production de richesse dans notre pays. »
Quelle est la place des directeurs de sécurité-sûreté dans le continuum de sécurité intérieure ?
Les entreprises d’une part, et les directeurs sécurité-sûreté d’autre part, sont un point de convergence de tous les enjeux du continuum.
D’abord parce qu’ils ont en charge le maintien de l’activité de leur entreprise, la prise en compte des risques et l’assurance de la résilience. Tout ceci est fondamental, car c’est tout l’intérêt de l’entreprise. Mais ils défendent aussi l’intérêt des individus qui composent l’entreprise, la communauté de travail, la protection des collaborateurs, des emprises, du capital intellectuel. Ce sont des missions qui concourent éminemment à la production de sécurité pour notre pays, avec quelque chose qui est essentiel : qui dit sécurité, dit activité économique. Les directeurs sécurité-sûreté constituent l’un des piliers qui permettent la production de richesse dans notre pays.
Le second intérêt, c’est que les directeurs sécurité-sûreté incarnent les donneurs d’ordres, notamment dans le domaine de la sécurité privée. Ce sont eux qui vont être les décideurs, et ils ont un rôle majeur à jouer dans la structuration de la filière de la sécurité privée. L’exemple du CDSE est à cet effet emblématique. Je pourrais aussi donner l’exemple de l’Agora des directeurs de la sécurité ou d’autres instances qui fédèrent les directeurs sécurité-sûreté, et qui en font des interlocuteurs essentiels pour l’État comme pour les grands groupes producteurs de sécurité privée. Comme donneurs d’ordres, ils contribuent à structurer la filière par leur niveau d’exigence au moment du choix des prestations et des prestataires, sur les conditions d’exercice des contrats et sur les niveaux de rémunération.
Il y a une troisième dimension fondamentale dans leur travail. Ils représentent le lien naturel entre les entreprises du secteur privé et les forces de l’État, police et gendarmerie. Ça joue sur des questions comme la sécurité des accès, la lutte contre les intrusions, mais aussi sur l’intelligence économique, dont certains traits rejoignent la sécurité intérieure, dans certains secteurs d’activité.
Dernier point, ils peuvent avoir un rôle d’expert pour faire valoir les intérêts des industriels, les intérêts du secteur privé, mais aussi les intérêts de la France, dans des instances internationales de normalisation de type ISO ou CE.
« Le risque cyber n’a pas qu’une dimension virtuelle, il peut avoir des conséquences physiques massives. »
À part le risque sanitaire, quelle est la principale menace pesant sur les entreprises aujourd’hui ?
Je mettrais en valeur le risque cyber. Il est déjà important mais va devenir exponentiel dans les mois qui viennent. Le risque cyber n’a pas qu’une dimension virtuelle, il peut avoir des conséquences physiques massives. Le risque de défaillance d’une entreprise qui a subi une attaque cyber augmente de 50 % dans les 3 mois qui suivent. Si l’on tient compte du fait que 80 % des dirigeants d’entreprise en 2019 disaient avoir fait l’objet d’une attaque cyber, on se rend compte de l’ampleur du phénomène.
Ce qui est aussi intéressant dans le risque cyber, c’est qu’il prospère sur les autres risques. Typiquement les attaques cyber se sont développées dans le contexte de Covid-19 avec des nouvelles cibles qui ont été identifiées comme les hôpitaux et les données médicales. Les cyberattaquants vont s’appuyer sur les préoccupations et les points faibles du moment pour prospérer. Je pense que le risque cyber traverse tous les types de risques.
Propos recueillis par Bernard Jaguenaud
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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