Religion au travail : plus des deux tiers des entreprises concernées
Avec la 8e édition de son baromètre sur le fait religieux en entreprise, l’Institut Montaigne constate que le phénomène est toujours aussi présent puisque 66,5 % des managers y ont déjà été confrontés.
L’Institut Montaigne est un think tank de réflexion, de propositions et d’expérimentations consacré aux politiques publiques en France et en Europe. Il étudie depuis 2013 le fait religieux en entreprise. La 8e édition de son baromètre a été publiée le 6 mai 2021.
Méthodologie
Le baromètre est le résultat d’une enquête réalisée par questionnaires entre fin septembre et fin décembre 2020. 1 123 retours ont été exploités. Cet échantillon est composé à 51 % d’hommes et à 49 % de femmes. 74 % des répondants exercent la responsabilité managériale d’une équipe de 2 à 250 personnes. Les 26 % restants ont un statut de cadre sans management.
Ce que représente le fait religieux au travail
66,5 % des répondants sont concernés par la présence du fait religieux en entreprise. 31,3 % rencontrent le phénomène régulièrement (au moins une fois par mois) et 35,2 % le rencontrent occasionnellement (au moins une fois par trimestre). Ce taux est stable depuis 2016.
Cependant, dans 9 entreprises concernées sur 10, les faits religieux posent peu de problèmes. En effet, les comportements des salariés pratiquants ne perturbent pas la bonne réalisation du travail.
Mais, dans 16 % des cas, ils créent des tensions ou des dysfonctionnements dans la réalisation du travail. Et cette tendance augmente (+4 % par rapport à 2019). Dans 11,6 % de ces entreprises, les demandes peuvent même devenir des revendications collectives. « Le fait religieux y est régulièrement dysfonctionnel et les managers de proximité sont souvent débordés face à des situations tendues », affirme l’étude.
Les faits les plus courants
Les demandes d’absence et d’aménagement du temps de travail sont les faits les plus rencontrés (29 %).
Ensuite, arrive le port visible de signes religieux (24 %). Ce taux comprend également la présence d’objets religieux dans l’espace de travail.
Les comportements vis-à-vis des femmes représente 13 % des faits. Il peut s’agir de refus de travailler avec une femme ou sous les ordres d’une femme mais aussi de serrer la main d’une femme.
La prière pendant le temps de pause arrive en 4e position (12 %).
Si le baromètre note que les deux premiers faits les plus courants peuvent être traités indépendamment de leur dimension religieuse, il n’en est pas de même pour les comportements vis-à-vis des femmes. Selon l’Institut Montaigne, ils « remettent intrinsèquement en cause l’organisation du travail et son fonctionnement ». Et ils demandent « une action managériale spécifique qui fait, a priori, davantage appelle au registre disciplinaire ».
« L’édition 2020-2021 de ce Baromètre, que je conduis annuellement depuis 2013, révèle que le fait religieux en entreprise est présent dans des entreprises de toutes tailles, avec une part significative dans le secteur industriel. Dans la majorité des cas, le fait religieux est rattaché simultanément à des hommes et des femmes, et ces personnes ont entre 20 et 50 ans. En revanche, les comportements les plus problématiques (refus de travailler avec les femmes, refus de réaliser des tâches, etc.) sont principalement le fait d’hommes relativement jeunes et d’un niveau socio-professionnel relativement bas. »
Lionel Honoré, directeur de l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise, programme de recherche qu’il a créé en 2012.
Une discrimination religieuse dans 21 % des entreprises
21 % des répondants ont noté des situations de discrimination liées à la religion dans leur entreprise. Et ces discriminations concernent les pratiquants de toutes les religions : catholiques, musulmans et, dans une moindre mesure, les pratiquants des cultes évangéliques. Elles se manifestent dans la mise à l’écart lors d’une discussion ou de moments de sociabilisations (27 %). Ainsi que dans des remarques ou moqueries déplaisantes portant sur la religion (27 %).
L’embauche arrive en 3e position dans 20 % des cas. Elle concerne surtout les pratiquants musulmans qui concentrent près de 70 % des situations.
Les 10 recommandations de l’Institut Montaigne
Le baromètre a également pour but de donner des pistes et l’Institut Montaigne formule dix recommandations qui pourront notamment accompagner les managers de proximité. En effet, ceux-ci se retrouvent souvent seuls face à la gestion de ces situations. C’est le cas pour 46,7 % des répondants.
Trois recommandations concernent les pouvoirs publics : cadre légal, recherche, accompagnement des PME et ETI.
Cinq autres sont destinées à l’entreprise :
- préciser et formaliser dans le règlement intérieur une ligne directrice qui doit être un choix politique de l’entreprise ;
- mettre en œuvre des outils à disposition des salariés et de l’encadrement ;
- adopter une posture de soutien envers le management de proximité ;
- veiller au respect de la liberté d’exprimer sa religiosité, et prévenir les stigmatisations et discriminations ;
- agir avec fermeté en cas d’excès ou de transgression.
Les deux dernières recommandations concernent les managers de proximité :
- adopter un management factuel et donner la priorité au travail tout en prenant en compte les personnes, leurs contraintes et leurs aspirations ;
- formaliser les remontées d’informations concernant les situations problématiques, et ne pas tolérer les débordements et comportements transgressifs.
Ces propositions « doivent servir de “boîte à outils” pour que la présence du fait religieux en entreprise n’entrave pas la bonne réalisation du travail, tout en permettant à chaque individu d’assumer sa singularité », indique Clémence Alméras, chargée d’études à l’Institut Montaigne et pilote de ce projet.
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Martine Porez – Journaliste
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