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Il y a 35 ans. Tchernobyl, l’accident le plus grave de l’histoire du nucléaire
Le 26 avril 1986, le 4e réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait. Les conséquences de cette catastrophe sur la santé des populations et sur l’environnement sont encore visibles 35 ans après.
Le réacteur n° 4
Un essai technique est prévu sur le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine (qui fait alors partie de l’URSS). Mis en service en 1983, c’est le réacteur le plus récent de la centrale qui en compte quatre.
Le 25 avril 1986 matin, les opérateurs commencent à réduire sa puissance pour que l’essai puisse être réalisé dans les conditions optimale de sécurité. Mais, à la demande du centre de distribution électrique, ils sont contraints de maintenir le réacteur à mi-puissance jusqu’à 23 h. La réduction de puissance reprend ensuite cependant, l’état du réacteur n’est plus approprié à la réalisation de l’essai. Les opérateurs décident malgré tout de le réaliser. Ils le démarrent à 1h23’04” le 26 avril.
L’explosion
L’IRSN (l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) explique le processus qui mène à l’accident : « Les vannes d’alimentation en vapeur de la turbine sont fermées. La température monte dans le cœur provoquant une augmentation de la réactivité. Le réacteur se met à diverger de manière incontrôlable ».
Devant la gravité de la situation, l’arrêt d’urgence est déclenché. Mais la divergence est devenue trop rapide et, à 1h23’44”, « le pic de puissance est atteint, dépassant de plus de 100 fois la puissance nominale du réacteur ». C’est l’explosion.
En effet, dans le cœur, les tubes de combustible, appelés crayons, se fragmentent et les pastilles d’oxyde d’uranium qu’ils renferment surchauffent et explosent.
La déflagration projette la dalle supérieure en béton du réacteur pesant près de 2 000 tonnes. Elle retombe sur le cœur du réacteur qui se fracture et provoque un incendie. Les particules radioactives produites par le cœur en fusion sont projetées et éparpillés dans les environs.
Toutefois, le directeur de la centrale et les techniciens sur place n’évaluent pas tout de suite la gravité de la situation et pensent que le cœur n’est pas atteint. Pour éteindre l’incendie, ils appellent les pompiers qui opèrent sans protection particulière… Ils seront gravement irradiés.
L’incendie ne sera définitivement éteint que le 9 mai.
La radioactivité se répand
Entre temps, un panache radioactif se disperse et atteint, à partir du 30 avril, la plupart des pays d’Europe. Il reste sur une partie du territoire français jusqu’au 5 mai. Les autorités françaises n’en informeront la population que 14 jours plus tard…
Concentration du césium 137 dans l’air au-dessus du sol le 1er mai à 20h15 – IRSN
Les particules radioactives transportées dans les masses d’air finissent par retomber. Ainsi, de vastes étendues en Ukraine, en Russie et en Biélorussie sont contaminées.
Selon l’IRSN, parmi les personnes travaillant sur le site, deux meurent dans les premières heures après l’accident, 28 dans les quatre mois puis 19 décèdent entre 1987 et 2006 des affections dues à l’accident.
La catastrophe sera placée par la suite au niveau 7 (niveau maximum – accident majeur) sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines), en raison de ses conséquences sur l’environnement et des expositions subies par les populations.
Les liquidateurs
600 000 personnes, venant de toute l’URSS, sont envoyées sur la zone. Elles sont appelées les liquidateurs. Leur rôle : nettoyer le terrain, décontaminer la centrale puis isoler le réacteur. Leurs protections sont sommaires. La radioactivité est très élevée et ils ne peuvent rester sur place que quelques minutes, voire quelques secondes.
C’est dans ces conditions extrêmes qu’ils construisent en six mois un sarcophage en acier et béton qui coiffe le réacteur et confine ainsi les matières radioactives. Car le cœur, qui a fondu à plus de 3 000 °C, est radioactif pour des milliers d’années…
Le sarcophage se fissure…
Mais après quelques années, des fissures apparaissent dans le sarcophage et laissent la radioactivité s’échapper. Pour le remplacer, un nouveau projet est lancé en 1997, avec un financement international. Il s’agit d’une arche métallique de 162 mètres de long et 108 mètres de haut. Elle sera mise en place en 2017. En attendant, en 1999, des travaux de consolidation du sarcophage sont entrepris, notamment sur le toit qui menaçait de tomber.
L’évacuation des populations
L’information sur les dangers ne circule pas dans les premières heures qui suivent l’accident. Ni auprès des populations, ni même auprès de Mikhaïl Gorbatchev, le secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, qui n’est informé officiellement de l’accident que le lendemain.
Une école abandonnée de la ville de Prypiat.
Finalement, une zone d’exclusion est mise en place dans un rayon de 30 km autour de la centrale. Elle couvre une superficie d’environ 300 000 hectares et s’étend sur une partie de la Biélorussie voisine.
Deux villes et soixante-dix villages sont peu à peu évacués. Prypiat, ville-nouvelle construite à 3 km de la centrale pour y loger ses employés, est la première. Elle comptait alors près de 50 000 habitants. Elle est vidée de sa population 30 heures après l’accident avec l’aide de l’armée et devient une ville fantôme.
Les évacuations de la zone d’exclusion se poursuivront jusqu’à la fin août. Au total, ce seraient 350 000 personnes qui auraient été déplacées.
Le bilan humain
Selon l’IRSN, environ 5 millions d’habitants de Biélorussie, d’Ukraine et de Russie ont été exposés aux radiations (sans compter les liquidateurs). « Entre 1991 et 2005, 6 848 cas de cancers de la thyroïde ont été diagnostiqués chez les enfants âgés de moins 18 ans au moment de l’accident (…), en particulier chez ceux âgés de moins de 4 ans suite à la consommation de lait contaminé. »
Les leucémies ont également été en augmentation chez les enfants qui avaient moins de 5 ans au moment de l’accident. Et de nombreux problèmes psychosociaux sont relevés chez les adultes.
Des chiffres contestés
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a estimé officiellement à 30 le nombre de morts par irradiation et à 4 000 celui de décès par cancer. Des chiffres sous-estimés selon Greenpeace qui avance le nombre de 200 000 décès entre 1991 et 2006. L’ONG cite également un rapport de l’Académie des sciences de l’Etat de New York publié fin 2009 qui reprend les études de chercheurs russes, bélarussiens et ukrainiens. Ceux-ci avancent le nombre de 600 000 et 900 000 décès causés par les retombées de l’accident…
Le retour d’expérience en France
Cinq leçons ont été tirées de cette catastrophe nucléaire :
- La protection des personnes. Les études épidémiologiques effectuées après la catastrophe ont fait apparaître une augmentation des cancers de la thyroïde, en particulier chez les enfants. Désormais, en cas de rejet radioactif à la suite d’un accident nucléaire, la règle est de prendre des comprimés d’iode pour éviter ces cancers.
- La gestion de crise nucléaire. Les centres de crises ont été modernisés chez les exploitants et les administrations concernés. La surveillance de la radioactivité a été renforcée autour des centrales et sur l’ensemble du territoire ainsi que les moyens d’intervention. Environ quinze exercices de crises par an sont réalisés.
- La sûreté des centrales. Les nouveaux réacteurs intègrent les leçons de Tchernobyl : consolidation de l’enceinte de confinement, renforcement du socle du réacteur, triplement des systèmes de sécurité et de secours.
- La transparence de l’information. Une convention internationale a été signée en 1986 afin d’informer immédiatement d’un accident nucléaire. L’AIEA, basée à Vienne, coordonne mondialement la gestion de la crise.
- Les conséquences économiques. Les pertes de terrains agricoles et de forêts, les frais médicaux, les déplacements des populations… représentent des coûts considérables. La France les a d’ores et déjà évalué en centaines de milliards d’euros.
Martine Porez – Journaliste
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