Protection incendie. Robot rondier, air appauvri… quelles innovations pour équiper les data centers ?
Au lendemain de l’incendie de data centers OVH à Strasbourg, Octave Klaba – président d’OVH – laissait entendre que le groupe ferait désormais de la protection incendie l’une de ses priorités. Des innovations comme le robot rondier autonome ou un système par air appauvri peuvent-elles tirer leur épingle du jeu ?
« S’il y a des choses à changer dans nos data centers, et il y en a, c’est évident, et bien nous allons les changer. Nous allons opérer les changements pour faire en sorte que ce type d’incident n’arrive plus jamais »… C’est par ces mots que le président d’OVH faisait comprendre le 11 mars 2021 que la protection incendie serait désormais une priorité pour le groupe.
La question reste cependant de savoir si ces « changements à opérer » peuvent ouvrir la porte à de nouvelles technologies qui sont pour l’heure laissées de côté par les gestionnaires de data centers.
Parmi ces innovations, on retrouve notamment le système par air appauvri. Une technologie présentée dans l’article en ligne « Protection incendie, quel avenir dans les data centers ? », extrait du n°570 de Face au Risque (mars 2021).
Déjà en place dans certains types d’installations en France, tels que les entrepôts frigorifiques automatisés, cette solution pourrait également convenir aux data centers d’après Eric Lejars, représentant en France pour Presscon FX Prevent, société spécialisée dans la conception d’installations par air appauvri.
Présentée comme de la « sécurité active », car destinée à éviter le démarrage d’un incendie grâce au principe d’abaissement du taux d’oxygène, cette technologie semble néanmoins souffrir de sa dénomination : « air appauvri », qui laisse trop souvent entendre « absence d’air »… Et donc lieux inaccessibles au personnel. Lorsqu’il est en réalité question de lieux bel et bien accessibles, sous certaines conditions, et au sein desquels la durée d’intervention en continu pour le personnel ne doit pas dépasser une certaine limite, généralement fixée en heures (voir les recommandations de l’INRS sur ce sujet).
Un couplage avec le robot rondier pour un premier pas dans les data centers ?
À défaut de pouvoir totalement lever les doutes et idées reçues pour le moment, le système par air appauvri pourrait potentiellement être couplé à une nouvelle technologie. Un premier pas avec un robot rondier autonome dans les data centers est-il ainsi envisageable ? Réponse affirmative du côté d’Éric Lejars, qui concède volontiers que ce couplage permettrait par exemple de se focaliser sur les fonctionnalités de l’air appauvri plutôt que sur ses a priori.
Le son de cloche est également favorable pour Chockri Baaziz, président directeur général de Ubecome, start-up dédiée à la conception de robot rondier à destination du secteur de la sécurité et de la sûreté. Le numéro 571 à venir de Face au Risque (avril 2021) apportera notamment un éclairage sur l’historique singulier de son robot e-vigilante, conçu pour la surveillance d’entrepôts et sites industriels.
Pour en revenir aux data centers, Ubecome a également conçu un robot rondier autonome destiné à ce type d’installations : Captain DC. Un robot capable de remonter instantanément une alerte en cas de détection d’une émission de gaz, d’une température ou d’un bruit anormal ou encore d’une intrusion… Mais aussi d’apporter une aide aux techniciens lors d’opérations de maintenance (voir vidéo ci-dessous).
À cela s’ajoute également une partie portée sur la prévision prédictive. En enregistrant des données durant ses rondes, le robot fait remonter des informations permettant au personnel chargé de la sécurité et de la sûreté d’un site de connaître les lieux les plus propices au déclenchement d’un incendie dans un data center par exemple.
Robot rondier ou air appauvri, qu’en est-il dans les data centers français ?
Aussi séduisantes soient-elles sur le papier, ces technologies n’équipent pour le moment aucun data center français. S’agissant du robot rondier, cette technologie avait pourtant été proposée à OVH ces derniers mois… Sans que cela n’aille plus loin que de simples discussions, alors même que cette solution s’exporte pour des phases de test aux États-Unis ou à Singapour. Et qu’elle équipe déjà certains data centers au Moyen-Orient.
Après l’incendie de Strasbourg, faut-il pour autant regretter que OVH n’ait pas donné suite à ces pourparlers ? Le groupe doit-il à présent tout miser sur ces technologies ? La question est plus complexe que cela.
Dans le cas de l’incendie du 10 mars 2021, avant d’avoir d’éventuels regrets quant à l’issue de ces pourparlers, la première étape aurait été que le bâtiment SBG2 soit équipé d’un système d’extinction. Ce qui n’était pas le cas. La question des nouvelles technologies n’est ainsi pas véritablement la clé sur ce coup là.
À titre de comparaison, le groupe Interxion – qui englobe 25 % du marché dans l’Hexagone (soit 1 data center sur 4) – a fait le choix d’une politique sécuritaire forte sur la protection incendie en équipant l’ensemble de ses data centers français de système d’extinction par gaz. Si un incident de ce type s’était déclaré malgré ce dispositif chez OVH, la question sur l’apport éventuel des nouvelles technologies aurait alors été plus légitime.
La protection incendie parfois délaissée
Bien que certains groupes à l’image d’Interxion aient rapidement pris la question incendie en considération, historiquement la problématique liée à la protection incendie n’était pas forcément prioritaire dans les data centers, installations au sein desquelles la préoccupation majeure est d’assurer le stockage des données et de l’information.
Avant de voir des innovations investir le milieu des data centers dans le domaine de la détection ou la protection incendie, la priorité – depuis l’incendie de Strasbourg du 10 mars dernier – pourrait désormais être que l’ensemble de ces installations soient équipées au minimum d’un système d’extinction par gaz ou par eau. Qu’elles rattrapent ainsi leur retard dans ce domaine en misant sur des solutions éprouvées dans un premier temps, avant de penser à se projeter sur de nouvelles technologies.
Le cap de la détection incendie certifiée à franchir
Aussi contraignante puisse-t-elle paraître, l’idée d’une certification n’est pas de bloquer l’arrivée de nouvelles technologies sur le marché de la sécurité incendie. Mais simplement de s’assurer que celles-ci apportent une véritable plus-value en la matière comme nous l’explique Ronan Jezequel, directeur innovation et développement à CNPP.
« Quand on est sur des nouvelles technologies, on fait des essais en amont et on conseille nos clients avant de proposer une campagne pour challenger leurs solutions et vérifier qu’elles apportent quelque chose au monde de la sécurité / sûreté. Quand on développe un cahier des charges, notre connaissance des métiers de la sécurité nous fait penser à des choses auxquelles les start-ups ou les développeurs n’avaient pas pensé. Avec notre accompagnement, certains de nos clients apportent des modifications à leur produit pour pouvoir passer le cap. Nous sommes là dans une démarche de développement et de pédagogie pour accompagner les développeurs et les innovateurs dans la réalisation d’une solution qui amène vraiment quelque chose de positif dans le cadre de la lutte contre les risques incendies ou de la surveillance. »
De fait, une arrivée de nouvelles technologies dans les data centers reste bien entendu envisageable. Malgré tout, si celle-ci devait se faire dans ces installations, cela serait en premier lieu comme un outil complémentaire aux traditionnels moyens de détection et de protection incendie. Et non comme moyen de substitution à ces solutions éprouvées.
Eitel Mabouong – Journaliste
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