La gestion des risques liés aux conflits d’intérêt en entreprise
Le conflit d’intérêt est un risque pour toute organisation qu’il est important de prendre en compte. Voyons, au travers de plusieurs exemples, comment il peut exister dans une organisation et comment le prévenir.
Définition extensive
Un conflit d’intérêt peut être défini comme toute situation de nature à interférer entre des intérêts publics ou privés et à empêcher l’exercice d’une fonction donnée dans une organisation. Le conflit d’intérêt n’est pas une infraction pénale. Mais il peut conduire à des situations relevant du domaine du pénal telles que :
- la prise illégale d’intérêt;
- la corruption publique ou privée;
- ou le trafic d’influence.
Les conflits d’intérêt internes
Les conflits d’intérêt surviennent généralement lorsque certains facteurs de risque entrent en jeu. Cela peut concerner une problématique de rattachement dans une organisation. Par exemple :
- une fonction est rattachée à une entité dont elle dépend hiérarchiquement et qui a un objectif différent. Cela la met en situation de ne pas accomplir effectivement sa mission ;
- cela peut être le cas pour des fonctions de contrôle ou d’audit rattachée d’un point de vue organisationnel à des fonctions qu’elles sont sensées contrôler. Comme les directions financière et comptable par exemple.
Et les conflits d’intérêt externes
Si les conflits d’intérêt peuvent être internes à une organisation, d’autres situations peuvent aussi être externes.
Cela peut par exemple concerner un responsable budgétaire d’un périmètre ayant bénéficié de plusieurs cadeaux et invitations de la part d’un fournisseur. Ce dernier souhaitant s’assurer qu’il sera dans le prochain appel d’offres « en bonne place », voire certain de l’emporter.
Autre exemple. Un conflit d’intérêt peut survenir lorsqu’un collaborateur d’une entreprise exerçant des fonctions commerciales va chercher à faire recruter un proche d’un client en échange de promesse d’activité future. Cette situation de mélange d’intérêt personnel et professionnel est l’exemple typique d’un conflit d’intérêt.
La gestion des conflits d’intérêt : un sujet ancien remis au-devant de la scène
« Les conflits d’intérêt sont potentiellement partout et on ne peut rien y faire. La question est simple mais plurielle : en a-t-on connaissance ? Sont-ils révélés par les personnes exposées au risque ? Que peut-on faire pour les éviter ? Mènent-ils à un risque plus grave de corruption ? » C’est ainsi que résumait ce sujet un directeur de la conformité d’une grande banque anglaise interrogé en 2019 par l’un des auteurs de cet article.
L’actualité médiatique dans différents pays témoignent de l’importance de prendre en compte ces risques. Surtout quand ils dérivent vers des pratiques graves de corruption. A cet égard, aucun secteur d’activité n’est épargné comme l’illustrent plusieurs cas :
- JP Morgan en Chine a été condamnée pour infraction à la règlementation américaine sur les pratiques corruptives de 1977 (FCPA). Notamment pour des recrutements de proches d’officiels publics chinois en échange de promesses d’activité future.
- Le cas Airbus, plus récemment, est un exemple très médiatisé de pratiques corruptives, via le versement de pot de vin en contrepartie de l’aboutissement de certains contrats.
Les renforcements de règlementations en France ont fait de la question des conflits d’intérêts un sujet essentiel de prévention des risques, nécessitant la mise en place de mesures de détection et de traitement du risque. C’est aussi le cas à l’étranger en Inde, Malaisie, Chine, Pérou, Irlande, Pays-Bas, pour ne citer que ces exemples.
Les mesures à prendre pour prévenir les conflits d’intérêt et la corruption
Ainsi, la France encadre les pratiques corruptives dans l’article 17 de la loi dite Sapin II du 9 décembre 2016. Cette loi est relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Elle rend notamment obligatoire la mise en place d’un dispositif de détection et de remontée d’alerte. Mais elle intègre également les soupçons de corruption et, par extension, les cas de conflits d’intérêt amenant à des pratiques corruptives.
Cette règlementation prévoit aussi la réalisation d’actions de sensibilisation des collaborateurs sur ces risques. Et elle prévoit le renforcement du contrôle interne et des contrôles comptables permettant de détecter des flux et activités suspectes.
Prévenir les conflits d’intérêt suppose aussi que ces sujets soient encadrés par des procédures internes : procédures de déclaration d’intérêt pour les administrateurs, procédure de déclarations des cadeaux et invitations, rappels réguliers des règles et procédures précitées et contrôle de leur bonne application, contrôle du respect des appels d’offres et de leur effectivité, etc.
À lire également
« Les conflits d’intérêt à l’épreuve des lanceurs d’alerte », P. Cailleba et N. Dufour, revue Gérer et Comprendre n°142, décembre 2020, p.27-38.
Nicolas Dufour
Docteur en sciences de gestion, professeur des universités associé au CNAM et Risk Manager dans le secteur de l’assurance
Patrice Cailleba
Professeur à PSB-Paris School of Business et docteur en philosophie
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