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Il y a 10 ans, la catastrophe de Fukushima
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9,1 se produit au large de la côte pacifique du Japon provoquant un tsunami dévastateur dans la région du Tohoku et impactant la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Un effet domino au bilan humain, environnemental et matériel considérable.
Le 11 mars 2011
Il est 14 h 46 lorsqu’un séisme de magnitude 9,1 se produit à 130 km au large de Sendai. Cette ville côtière japonaise d’un peu plus d’1 million d’habitants est située dans la région du Tohoku à environ 300 km au nord-est de Tokyo. Ce séisme provoque un tsunami qui gagne en amplitude en arrivant sur les côtes. Il atteint des hauteurs supérieures à 10 m avec des
pics de 40 m, selon la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui a effectué en novembre 2011 une mission de retour d’expérience à Tokyo et dans la région du Tohoku. Le tsunami parcourt plus de 10 km à l’intérieur des terres et ravage près de 600 km de côtes.
Une région industrielle
La région compte plusieurs centrales thermiques et quatre centrales nucléaires. Mais elle accueille aussi de nombreuses industries : chimiques, pétrolières, métallurgiques, sidérurgiques, minérales, agroalimentaires, automobiles, électroniques, bois…
Didier Pitrat, chargé de mission au Barpi, écrivait dans Face au Risque n° 474 (juin-juillet 2011) : « Le secteur du raffinage a ainsi brutalement perdu 30% de sa capacité avec deux grandes raffineries incendiées et l’arrêt prolongé de quatre autres. »
Les centrales thermiques, qui fournissent alors plus de 70% de l’électricité japonaise, sont également atteintes. Huit sont endommagées, laissant présager des rationnements…
Quant à l’industrie automobile (constructeurs et sous-traitants), elle perd 50% de sa capacité.
Par ailleurs, la région dispose de 15 ports avec de nombreux entrepôts. 7 % des exportations japonaises en partent et des matières premières stratégiques telles que métaux, gaz ou hydrocarbures y arrivent. Tous ces sites sont fortement impactés par le séisme et le tsunami. Et leurs arrêts de production auront des répercussions mondiales sur les chaînes d’approvisionnement. En France, électronique, chimie et automobile font partie des secteurs qui seront les plus touchés par les conséquences de la catastrophe.
La catastrophe nucléaire
La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (ci-contre avant l’accident) est l’une des plus grandes centrales nucléaires au monde. Elle est située sur la côte pacifique au sud de Sendai. Exploitée par Tepco, elle compte six réacteurs.
Elle est conçue pour résister à un séisme de magnitude 7. Une digue la protège de vagues hautes de 5,7m.
Mais le 11 mars 2011, dès les premières secousses sismiques, elle se retrouve sans alimentation électrique. Et environ 50 minutes après le séisme, une première vague d’environ 15 m s’abat sur les installations. Sans électricité, impossible de refroidir les réacteurs. En conséquence, les températures des cœurs de réacteurs et celles des combustibles usés entreposés dans les piscines augmentent de façon importante. Elles dépassent les valeurs critiques. « On ne pouvait pas imaginer qu’une centrale nucléaire perde son alimentation électrique et que six réacteurs se retrouvent livrés à eux-mêmes », admet Franck Guarnieri, directeur de recherche sur les risques et les crises à Mines ParisTech, interrogé en octobre 2018 par Xerfi Canal.
« On ne pouvait pas imaginer qu’une centrale nucléaire perde son alimentation électrique et que six réacteurs se retrouvent livrés à eux-mêmes ».
Franck Guarnieri, directeur de recherche sur les risques et les crises à Mines ParisTech.
Une série d’explosion
Sans refroidissement, les cœurs entrent en fusion partielle produisant de l’hydrogène. Le 12 mars à 15 h 36, une forte explosion se produit dans le bâtiment du réacteur n° 1. Le Gouvernement confirme alors que les murs et la toiture se sont effondrés à la suite d’une explosion d’hydrogène. Il affirme que celle-ci est induite par la surchauffe du réacteur mais que son enveloppe de confinement est intacte. Et qu’il n’y a pas de gros rejets de matières radioactives.
Deux jours après, le 14 mars, une autre explosion se produit au niveau du bâtiment du réacteur n° 3. Le lendemain, ce sont les bâtiments des réacteurs n° 2 puis n° 4 qui explosent. C’est à ce stade que des rejets massifs se produisent dans l’atmosphère.
Par la suite, la catastrophe sera placée au niveau 7 (niveau maximum – accident majeur) sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines). Le même niveau que l’accident de Tchernobyl du 26 avril 1986.
Le courage des hommes de terrain
Dans l’ouvrage Un récit de Fukushima – Le Directeur parle, les auteurs, Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, nous apprennent que c’est en transgressant les procédures de Tepco et en développant des trésors d’ingéniosité que Masao Yoshida, le directeur de la centrale de Fukushima Daiichi, a empêché l’explosion de toute la centrale. En effet, malgré l’interdiction du siège basé à Tokyo, qui ne prend pas la mesure de la catastrophe et pense que la centrale va rapidement refonctionner, il utilise l’eau de mer pour refroidir à tout prix les réacteurs. Il est résolu à rester à son poste jusqu’au sacrifice avec quelques-uns de ses collaborateurs.
Ainsi, les opérations à l’eau de mer commencent dès le 12 mars et se poursuivent jusqu’au 30. A partir du 21 mars, le retour progressif de l’électricité permet le refroidissement des installations de manière plus classique.
Le 15 mars, la dose maximum de radioactivité supportable par les travailleurs du nucléaire est multipliée par 2,5 pour atteindre 250 millisieverts. Cette décision est prise pour permettre aux hommes de poursuivre leurs interventions dans la centrale. Peu après, il n’y aura même plus de limite d’exposition pour des volontaires.
Que faire de l’eau contaminée ?
Ainsi, chaque jour, des tonnes d’eau sont déversées sur la centrale. Cependant cette eau se charge en radioactivité, s’accumule dans les installations et finit par s’écouler dans l’océan. Tepco commence alors la construction de réservoirs pour stocker environ 400 tonnes d’eau contaminée par jour. Fin décembre 2011, un espace de stockage de 744 conteneurs est construit.
Mais en août 2013, des fuites sont constatées. Le Gouvernement japonais estime le 7 août que 300 tonnes d’eau contaminée se déversent quotidiennement dans l’océan Pacifique. Des usines de décontamination sont construites. L’eau est traitée mais elle reste chargée en tritium et ne peut donc être relâchée dans l’océan.
En septembre 2020, 1,23 million de tonnes d’eau contaminée remplissent 1 044 réservoirs. Et Tepco estime que le site aura atteint sa capacité maximale en 2022.
Le Gouvernement étudie la possibilité de rejeter dans l’océan ces eaux contaminées. Cependant, il se heurte à des oppositions fortes, notamment celles des pécheurs et de certains pays voisins (Chine, Corée du Sud, Taïwan).
Le démantèlement de la centrale
En décembre 2011, Tepco prévoyait un démantèlement s’étalant sur 30 ans. Mais sa feuille de route est sans cesse remise en question. En décembre 2019, l’exploitant différait de quatre à cinq ans une partie des tâches prévues concernant notamment l’eau contaminée. Selon le Gouvernement, le démantèlement complet de la centrale prendra une quarantaine d’années. Un délai qui semble intenable pour nombre de spécialistes.
Le coût avancé pour le démantèlement total (remise du site à l’état premier) est de 180 milliards d’euros. Là encore, les spécialistes sont sceptiques.
La population
Le 12 mars, les pouvoirs publics procèdent à des évacuations dans un rayon de 20 km autour de Fukushima Daiichi. L’accès à la centrale est interdit et il est restreint dans un rayon de 20 km. Au-delà, les habitants doivent rester confinés. Ils sont livrés à eux-mêmes, sans eau, sans électricité et sans carburant pour tenter de fuir ce cauchemar.
Une zone d’évacuation volontaire allant au-delà des 30 km est établie le 11 avril. Les contrôles de radioactivité conduisent les autorités à prendre des mesures de restrictions sur les produits alimentaires. Le 19 octobre, une première phase de décontamination de 110 000 habitations démarre.
A partir d’avril 2012, les interdictions d’accès sont progressivement levées sur la zone d’évacuation. Celles-ci se poursuivent sur plusieurs années. Mais en janvier 2019, il reste encore environ 54 000 personnes évacuées, dont 5 000 vivent toujours dans des logements temporaires.
Cette catastrophe a fait 15 893 morts et 2 565 disparus.
Des « stress tests » en Europe
Pour prévenir tout type d’accident nucléaire similaire à celui de Fukushima, la Commission européenne décide, le 25 mai 2011, la réalisation de tests de résistance aux aléas naturels majeurs et aux accidents graves pour les installations nucléaires de l’Union.
Ainsi, en France, EDF rend le 15 septembre 2011 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) les rapports relatifs à chacune de ses installations.
Après analyse de l’ensemble des rapports des 17 pays concernés, l’European Nuclear Safety Regulators Group (ENSRG), la structure européenne regroupant les autorités nucléaires nationales, élabore, le 25 juillet 2012, un plan d’actions global à l’échelle de chaque pays. Pour la France, l’ASN prend 32 décisions prescrivant aux exploitants des installations nucléaires des mesures destinées à renforcer significativement la robustesse des installations face à des situations extrêmes, au-delà des marges dont elles disposent déjà.
L’ASN indique que leur mise en place est prévue en trois phases. « La phase 1 a été achevée en 2015 avec le déploiement de moyens mobiles opérationnels. La phase 2 est en cours de déploiement et sera terminée en 2021. La phase 3 sera mise en œuvre ensuite en lien avec les réexamens périodiques de sûreté. »
Un retour d’expérience de l’IRSN
Le 3 mars 2021, soit 10 années après l’accident de Fukushima, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) publie ses réflexions sur le retour d’expérience de l’accident de Fukushima Daiichi. L’Institut partage son analyse de l’accident et donne un éclairage sur plusieurs points :
- la façon d’accroître la robustesse des installations nucléaires ;
- la manière d’appréhender les risques associés à des événements de très faible probabilité ;
- la gestion post-accidentelle ;
- la gestion des populations (de leur évacuation à leur éventuel retour) ;
- les exercices de crises.
Organisation des Jeux Olympiques à Tokyo
Avec l’organisation des Jeux Olympiques – initialement prévus à l’été 2020 et reportés à cause de la pandémie de Covid-19 – le Gouvernement japonais voulait montrer au monde les efforts accomplis pour se relever de la catastrophe.
Mais en décembre 2019, Greenpeace annonçait avoir enregistré, dans un complexe sportif situé à une vingtaine de kilomètres de la centrale, des taux de rayonnement très supérieurs au plafond des normes de sécurité nationales (1,7 microsievert relevé par heure à un mètre au-dessus du sol au lieu des 0,23 microsievert maximum autorisé). Selon l’ONG, ces mesures « mettent en évidence à la fois l’ampleur de la contamination causée par la catastrophe de Fukushima Daiichi et l’échec des efforts de décontamination ».
Le coup d’envoi du relais de la flamme olympique est à ce jour maintenu au 25 mars 2021 et se fera depuis… Fukushima !
Article extrait du n° 570 de Face au Risque : « Travail en espaces confinés » (mars 2021).
Martine Porez – Journaliste
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