Tribune. Santé au travail : le Document unique sauvé par la réforme
Les négociations entre les partenaires sociaux ayant repris depuis juin 2020 sur le thème de la réforme de la santé au travail, un accord national interprofessionnel vient d’être signé le 9 décembre dernier. Il devrait être transposé et complété dans une proposition de loi portée par la députée Charlotte Lecocq.
Un temps menacé à cause de sa complexité et de la perception des employeurs, en particulier des PME-TPE, d’une contrainte administrative superflue, l’utilité du Document unique d’évaluation des risques (DUER) est renforcée comme outil prioritaire de prévention.
Rappelons que le rapport Lecocq « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » a été remis au Premier ministre en juillet 2018, voilà plus de 2 ans ! Mais entretemps les Gilets jaunes, la tentative de début de négociation sur la réforme des retraites, puis le Covid-19, sont passés par là.
La négociation entre les partenaires sociaux n’a donc réellement (re)démarré qu’en juin dernier.
La délégation patronale avait proposé, le 12 novembre 2020, un premier document de travail qui s’est finalement achevé dans une ultime soirée de négociation par un accord le 9 décembre dernier. Après 13 ans d’immobilisme en matière sociale et une crise sanitaire sans précédent, on y est enfin parvenus !
Le Document unique comme outil de pilotage du plan d’action de prévention
Les partenaires sociaux sauvent le Document unique ! Ouf !!!
Quel sacrilège pour un préventeur que de lire dans le rapport Lecocq : « Rendre obligatoire un seul document pour toutes les entreprises : le plan de prévention des risques, qui intégrera les éléments d’évaluation des risques se substituant ainsi au document unique d’évaluation des risques (DUER) ». Quelqu’un a donc dû leur signaler que « le plan de prévention » cela existait déjà, mais qu’il s’agissait du document permettant de tracer l’évaluation et la prévention des risques liés à la coactivité entre entreprise utilisatrice et entreprises extérieures !
L’importance du Document unique est donc ici réaffirmé comme « l’outil indispensable de la prévention ». Plus intéressant encore, « le Document unique présente les résultats de l’analyse de risques à partir desquels l’entreprise détermine des actions de prévention pertinentes à mettre en œuvre et identifie les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées dans cet objectif ».
L’accord souligne aussi la nécessité d’une « version numérisée du DUER » permettant notamment la traçabilité des expositions collectives y compris anciennes. Au-delà de la question de l’historisation des versions, seul un DUER numérisé permet un pilotage sérieux des actions de préventions. Toutes les entreprises un tant soit peu avancées sur ces sujets possèdent a minima leur DUER sur Excel ou sur un outil de gestion intégrant les pilotes, délais et indicateurs de suivi des actions associées aux risques critiques ou à surveiller, identifiés dans leur DUER. Mais bien-sûr, c’est encore loin d’être le cas partout, et le besoin d’accompagnement des TPE-PME est grand !
A ce sujet, les missions des futurs SPSTI [1] (l’accord ayant proposé d’ajouter le P de Prévention aux actuels SSTI) devraient proposer de façon obligatoire un service d’accompagnement à la rédaction du DUER pour les TPE-PME. En revanche, un rapprochement est opéré entre DUER et fiche entreprise : « La mise à jour régulière de la fiche d’entreprise, qui peut constituer pour des TPE-PME la base du DUERP ». Espérons que cela ne soit qu’une « base de travail », car si le Document unique des TPE-PME ressemble demain à une fiche entreprise, on ne sera guère plus avancé qu’aujourd’hui !
Evaluation des risques et traçabilité des expositions aux produits chimiques
La question de la traçabilité des expositions aux produits chimiques, qui se trouve en plein vide juridique depuis la suppression de ce facteur de pénibilité fin 2017, est courageusement remis sur la table. Mis à part l’objectif de simplification, l’accord n’est pas très clair sur ce qu’il convient de faire précisément à ce sujet et la proposition de loi devra sans doute s’appuyer sur le rapport Frimat et ses propositions au risque de s’embourber dans les méandres réglementaires.
L’accent est mis également sur les outils à la disposition des employeurs :
- concernant les CMR (agents chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) et leur substitution, il est demandé à ce que le site « substitution CMR » porté par l’Anses soit utilement enrichi et son ergonomie améliorée;
- l’outil gratuit Seirich® permettant une évaluation des risques chimiques en ligne est reconnu, et son utilisation doit être encouragée, notamment pour les TPE-PME. C’est d’ailleurs un peu étonnant de constater que si l’outil est plébiscité par l’accord, l’organisme à l’origine de sa création, l’INRS, n’est cité qu’une seule fois dans tout le texte, entre parenthèses !
La crise du Covid-19 aura au moins permis une chose : se rendre compte de l’importance que peut jouer la santé au travail pour la santé publique. Il aura fallu l’électrochoc de la crise sanitaire pour redonner l’envie et l’élan afin de moderniser et dynamiser en profondeur la santé au travail.
[1] Service de prévention et de santé au travail interentreprises
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