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Quels sont les impacts environnementaux du numérique en France ?
Suite à la pandémie de Covid-19, l’humanité aspire encore plus qu’avant à construire un « jour d’après » où le respect de l’environnement joue un rôle clé. Le numérique n’échappe pas à cette règle.
Dans le même temps, cette crise nous fait aussi ressentir le caractère critique du numérique comme outil de résilience, notamment pour coordonner les efforts sanitaires en temps réel à l’échelle planétaire. Comment aurions nous fait avec des pigeons voyageurs ?
C’est dans ce contexte que la Convention citoyenne pour le climat a adopté, en juin 2020, avec 98 % de votes « pour », un ensemble de propositions pour « Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux ». Un ensemble de propositions repris dans une proposition de projet de loi actuellement discutée au Sénat, et par les députés européens le 25 novembre dernier lors du vote d’une résolution historique sur le sujet.
La nécessité d’une étude
Comme il n’existait aucune étude multicritères quantifiant les impacts du numérique français, nous avons décidé de prolonger nos travaux sur l’empreinte environnementale du numérique mondial au cas spécifique de l’Hexagone, pour accompagner cette démarche citoyenne et identifier les bons leviers.
Les résultats préliminaires de l’étude « iNum », que nous avons publiés en juin 2020, sont le fruit d’un travail bénévole et collectif d’Adrien Montagut (Commown), Céline Berthaut (celineberthaut.fr), Frédéric Bordage (GreenIT.fr), Geneviève Van Diest (visuelle.be), Lorraine de Montenay (GreenIT.fr), Olivier Vergeynst (Green IT Belgium), Samuel Sauvage (Halte à l’obsolescence programmée – HOP) et de nombreux autres contributrices et contributeurs.
L’objectif est de permettre à nos concitoyens et aux pouvoirs publics de bâtir un plan d’actions sur une base solide prenant en compte le cycle de vie complet et plusieurs indicateurs environnementaux, en plus des émissions de gaz à effet de serre, pour éviter notamment les transferts d’impacts et de pollutions.
Ces résultats préliminaires constituaient une base ouverte de discussion pour aboutir à un résultat consensuel à l’horizon de l’automne 2020.
Résultats
Les résultats préliminaires de l’étude indiquent que le numérique représente, à l’échelle de la nation, l’équivalent de :
- Consommation d’énergie : 180 TWh d’énergie primaire ;
- Réchauffement global : 24 millions de tonnes de gaz à effet de serre ;
- Tension sur l’eau douce : 559 millions de m³ d’eau douce ;
- Epuisement des ressources abiotiques : 833 tonnes équivalent antimoine.
Rapportée aux impacts environnementaux annuels de la France, cela représente l’équivalent de :
- Energie primaire : 6,2 % de la consommation de la France
- Gaz à effet de serre : 5,2 % des émissions de la France
- Eau : 10,2 % de la consommation de la France
- Ressources : excavation de 4 milliards de tonnes de terre.
A l’échelle d’un Français pendant un an, cela représente :
- Energie primaire : 3 100 kWh d’énergie primaire ;
- Gaz à effet de serre : 420 kg de gaz à effet de serre ;
- Eau : 9 700 litres d’eau douce ;
- Ressources : 14 grammes équivalent antimoine.
420 kg de gaz à effet de serre (GES) peuvent paraître peu. C’est pourtant un quart du forfait GES annuel soutenable d’un Français (25 % de 1 700 kg équivalent CO2).
Rapporté à des usages quotidiens, cela revient pour chacun des 58 millions d’utilisateurs, chaque jour, pendant un an à (les impacts se cumulent) :
- 1 radiateur électrique de 1000 Watts allumé 8 heures ;
- 6 kilomètres en voiture ;
- 3 packs d’eau minérale (9 litres) ;
- l’excavation de 197 kg de terre (environ 3 fois votre poids)
Principales sources d’impacts
Une grande partie de ces impacts sont « importés » : ils ont principalement lieu en dehors de la France, lors de la fabrication des équipements.
Tenir compte de ces impacts « invisibles » est essentiel pour bâtir un plan d’actions efficace. La fabrication des appareils concentre en effet de 36 à 87 % des impacts environnementaux (selon l’indicateur observé).
Les réseaux sont responsables de 5 à 21 % de notre empreinte numérique et les centres informatiques (datas centers) de 4 à 15 % des impacts.
Recommandations
« En premier lieu, il est essentiel d’informer correctement les français sur leur empreinte numérique pour les amener à être plus raisonnables dans leurs usages quotidiens et à adopter des gestes vraiment efficaces. Supprimer ses mails ne suffit pas. Il faut surtout fabriquer moins d’appareils qui durent plus longtemps » expliquent les auteurs.
Le collectif d’experts recommande ainsi, en priorité, de :
- Augmenter la durée de vie des équipements en allongeant la durée de garantie légale, en favorisant la réparation et le réemploi, et en interdisant les mécanismes économiques et techniques qui accélèrent artificiellement l’obsolescence des appareils des consommateurs.
- Réduire la quantité de ressources numériques mobilisées (équipements, réseaux, etc.), notamment en favorisant la mutualisation des équipements, en éco-concevant les services numériques (voir plus bas), en réduisant le nombre de très grands écrans et d’objets connectés.
- Redonner le contrôle aux utilisateurs, notamment en leur permettant de choisir les mises à jour logicielles qu’ils souhaitent installer et en les guidant vers des équipements réparables et faciles à reconditionner via un renforcement des exigences de l’indice de réparabilité lors de son passage en indice de durabilité et en accentuant les obligations d’affichage environnemental, notamment pour les services en ligne.
- Ecoconcevoir les services numériques pour réduire leurs besoins en ressources numériques et ainsi favoriser l’allongement de la durée de vie des appareils ainsi que leur réemploi.
Au-delà des impacts environnementaux, « nous devons prendre conscience que le numérique est une ressource critique. Et que le stock de cette ressource s’épuise inéluctablement car elle n’est pas renouvelable » concluent les auteurs.
Frédéric Bordage
Expert en green IT, sobriété numérique et numérique responsable, créateur de la communauté GreenIT.fr en 2004. Il conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Club Green IT et le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR)
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