Incendie. Une étude scientifique prouve l’efficacité du désenfumage naturel
L’étude Osmose, qui réunit les travaux de plus de 50 experts, analyse l’efficacité du désenfumage naturel, ainsi que son interaction avec le sprinklage. Un livre blanc résumant la démarche et les principales conclusions de cette étude a été publié.
Les moyens de protection contre l’incendie dans un bâtiment passent par différentes techniques et technologies de sécurité. L’objectif du désenfumage est d’extraire des locaux une partie des fumées et des gaz de combustion. On sait en effet que lors d’un incendie la première cause de décès est la présence de fumées et de gaz. Le désenfumage participe donc à la protection de la santé et de la vie des occupants en favorisant leur évacuation, en facilitant l’intervention des secours et en limitant la propagation du feu au reste des locaux.
Un système fixe d’extinction à eau de type sprinkleur constitue lui aussi un outil de lutte contre l’incendie. Il permet de déceler un foyer d’incendie, de donner une alarme et de contenir, voire d’éteindre, le foyer d’incendie par aspersion d’eau sur la zone impactée.
Les installations de dispositifs de désenfumage et d’extinction automatique à eau sont encadrées par la réglementation, selon qu’ils concernent des ERP, des IGH, des ICPE, des habitations ou des locaux de travail. Il convient de rappeler que le désenfumage est obligatoire pour :
- les cages d’escaliers
- les locaux de plus de 300 m2 au rez-de-chaussée ou en étage
- les locaux de plus de 100 m2 en sous-sol ou aveugles
- les circulations (sous certaines conditions).
Une première scientifique
L’étude Osmose a permis de mettre en commun les travaux de plus de 50 experts des laboratoires CNPP et Efectis, tous deux référents de longue date en matière de sécurité incendie. Elle a été commandée par le GIF (Groupement des fabricants installateurs de matériels coupe-feu et d’évacuation des fumées) et la FFMI (Fédération française des métiers de l’incendie).
Elle s’est déroulée sur trois ans, de 2015 à 2017, selon une double méthodologie :
- l’expérimentation in situ, qui a donné lieu à 113 essais en grandeur réelle ;
- la modélisation, au moyen de plus de 400 simulations numériques.
L’étude Osmose est la synthèse de deux études indépendantes menées par les deux laboratoires :
- Efectis a analysé l’efficacité du système de désenfumage naturel, son rôle et son dimensionnement, en étudiant le comportement d’un incendie au sein d’un local face au besoin d’évacuation des personnes ;
- CNPP, au travers d’une thèse soutenue par Nicolas Trévisan en 2018, a analysé la complémentarité des systèmes de désenfumage naturel et du sprinklage.
Les critères d’efficacité retenus dans les deux études pour évaluer les besoins et l’efficacité du désenfumage naturel sont ceux du « guide de bonnes pratiques pour les études d’ingénierie du désenfumage » édité par le LCPP (Laboratoire central de la Préfecture de police), dans sa version du 26 novembre 2016.
Ces critères définissent un seuil d’acceptabilité relatif aux conditions d’évacuation des personnes au sein d’un bâtiment. A une hauteur de 2 mètres, le seuil d’acceptabilité de la température est fixé à 40° C, et celui de la visibilité à 20 mètres.
L’efficacité du désenfumage naturel
Le désenfumage naturel a pour objectif l’évacuation des fumées d’un local par le principe du tirage thermique (ou effet cheminée). Un système de désenfumage naturel comporte trois éléments :
- des exutoires en toiture ou des ouvrants en façade, que l’on nomme des DENFC (dispositifs d’évacuation naturelle de fumée et de chaleur). Dans des locaux vastes, ces exutoires sont couplés à des cantons de désenfumage en sous-toiture, délimités par des écrans de cantonnement. Ils sont destinés à limiter la propagation latérale des fumées, en les cantonnant dans la zone;
- des amenées d’air frais (ouvrants en façade, portes donnant sur l’extérieur, bouches spécifiques);
- des dispositifs de commande, manuels ou automatiques.
Par opposition au désenfumage naturel, le désenfumage mécanique est assuré par une extraction mécanique des gaz et fumées faisant appel à des ventilateurs et extracteurs.
Pour une bonne efficacité du désenfumage naturel, il est primordial de concevoir le système à la fois avec un bon dimensionnement et une bonne implantation des différents éléments qui le composent.
En étudiant la dynamique des fumées et des gaz chauds, notamment leur stratification, l’étude Osmose a permis de vérifier certains points importants liés au désenfumage naturel. Notamment :
- le désenfumage naturel permet de maintenir une visibilité à hauteur d’homme (2 mètres) durant au moins 20 minutes, le temps de l’arrivée des secours ;
- l’efficacité du désenfumage naturel pour le maintien de la visibilité augmente selon la surface d’évacuation de l’installation ;
- le désenfumage naturel permet de maintenir la température à un niveau supportable (inférieur à 40 °C), en partie basse du local et durant au moins 20 minutes ;
- l’efficacité du désenfumage naturel pour contenir la température augmente selon la surface d’évacuation de l’installation ;
- l’efficacité du désenfumage naturel est corrélée à la puissance thermique du foyer : plus le feu est puissant, plus le tirage thermique des fumées chaudes est important ;
- plus il y a de cantons, moins il y a de transferts latéraux de fumées, de chaleur et de suies ;
- l’implantation des ouvrants et des amenées d’air peut modifier fortement les conditions de désenfumage, notamment sous l’effet du vent.
La complémentarité du désenfumage naturel et du sprinklage
Un système d’extinction automatique à eau de type sprinkleur est principalement constitué, au niveau du local, de plusieurs têtes d’aspersion. Le principe de déclenchement d’une tête est simple : son ouverture est due à l’élévation de la température générée par l’incendie, au moyen d’un fusible sensible à la chaleur. L’aspersion d’eau se fait à l’aplomb de la tête déclenchée, induisant un arrosage à la fois local et progressif du foyer.
Le dimensionnement, l’implantation des têtes et la sensibilité à la température du fusible sont quelques-uns des critères importants à prendre en compte pour l’installation d’un système de type sprinkleur.
En expérimentant et modélisant les interactions des deux systèmes, l’étude Osmose a permis de préciser la nature de la relation entre le désenfumage naturel et le sprinklage, au regard des critères d’efficacité considérés :
- la répartition de la surface de désenfumage joue un rôle important sur l’efficacité de l’installation, autrement dit la disposition des exutoires et des têtes d’aspersion est déterminante ;
- une installation de désenfumage naturel associée aux sprinkleurs permet de réduire plus efficacement les niveaux de température dans le bâtiment ;
- le désenfumage naturel permet d’améliorer les conditions de visibilité, particulièrement lorsqu’il est déclenché avant le sprinklage.
Un livre blanc, dix règles d’or
Les enseignements de l’étude Osmose sont riches et multiples, et se situent sur plusieurs plans :
- sur celui de la maîtrise et de la gestion du risque incendie, elle prouve l’efficacité du désenfumage naturel tant pour l’évacuation des personnes que pour la limitation de la propagation du feu ;
- sur le plan des technologies de protection incendie, elle vient préciser les interactions entre le désenfumage naturel et un système d’extinction automatique à eau de type sprinkleur, en établissant leur complémentarité ;
- dans le champ réglementaire, elle valide scientifiquement les préconisations de l’IT 246 (Instruction technique ministérielle relative au désenfumage des ERP), tout en confirmant le bon niveau de sécurité de la réglementation en vigueur ;
- en matière de recherche scientifique, elle a permis de vérifier la justesse des modèles numériques utilisés dans l’ingénierie du désenfumage, en procédant à des tests grandeur nature.
Ces conclusions ont donné lieu à la publication d’un livre blanc par le GIF. Ce livre blanc édicte 10 règles d’or concernant la conception et l’installation d’un dispositif de désenfumage naturel, notamment lorsqu’il est associé à un système d’extinction automatique à eau de type sprinkleur.
Ce livre blanc est disponible ici.
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
Les plus lus…
Le risque est-il singulier, pluriel ou les deux ? Plusieurs approches existent pour évaluer les risques, les quantifier et les…
Un décret portant application de l'article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération…
Au cours de la vie professionnelle, les travailleurs peuvent être victimes d’un accident. Dans ce cas, des démarches doivent être…
Cette fiche réflexe a été créée dans un contexte où la menace drone est trop souvent ignorée, et où…
La société Rolland, spécialisée dans la conception et la fabrication de sprinkleurs pour les réseaux de protection incendie, obtient…
Le développement des mobilités électriques, notamment les vélos, trottinettes et voitures, fait peser un risque nouveau tant chez les…