Interview. Détection incendie par analyse d’images : les réponses de Ronan Jezequel
A l’occasion d’un webinaire consacré à la détection incendie par analyse d’images, nous avons interrogé Ronan Jezequel, directeur du département Innovation et Développement à CNPP, afin qu’il nous présente les technologies existantes, leur cadre d’emploi ainsi que leurs limites.
Face au Risque. Dans le domaine de la sûreté, l’emploi de caméras est associé à la vidéosurveillance et la vidéoprotection. En matière d’incendie, quel vocable utilise-t-on ?
Ronan Jezequel. Il ne faut surtout pas confondre l’utilisation de caméras dans le domaine de la vidéosurveillance et de la vidéoprotection, où l’on essaie de prévenir des actes malveillants, avec le contexte de la détection incendie par analyse d’images. Dans le cas de la détection incendie – on peut parler de vidéodétection – nous avons affaire à des matériels qui ne peuvent être utilisés pour une autre fonction.
En effet, dans le domaine de l’incendie, la fiabilité est essentielle et les communications doivent être dédiées. Lorsqu’on parle de système de détection incendie par analyse d’images, on fait référence aujourd’hui à deux technologies : soit des systèmes de détection de fumées et/ou de flammes par analyse d’images fournies par des caméras « visibles » ; soit des systèmes de détection de chaleur par caméras thermiques, qui elles vont travailler dans l’infrarouge et permettre des mesures de températures.
Face au Risque a déjà évoqué l’installation dès 2010 par Airbus d’un système de vidéodétection par analyse de fumées/flammes dans les halls de montage de l’A350 à Toulouse. Peut-on considérer ces technologies de détection incendie comme récentes, et comment cela fonctionne ?
R. J. Cela fait effectivement à peu près une dizaine d’années que l’on constate l’emploi de systèmes utilisant ces technologies. On arrive maintenant à une certaine maturité de ces systèmes, ce qui permet d’élargir leur cadre d’emploi et de les démocratiser. En termes de fonctionnement du côté fumées/flammes, le système travaille sur l’image visible fournie par le capteur d’images de la caméra. Dans ces systèmes, on utilise des algorithmes, qui vont reconnaître dans l’image des contrastes, des couleurs ou encore des mouvements caractéristiques des fumées ou des flammes. Des alarmes sont générées lorsque le système reconnaît de tels phénomènes.
Concernant les systèmes de détection de chaleur par caméras thermiques, il faut savoir que ces caméras ont toujours été utilisées pour mesurer des températures, par exemple dans le cadre du contrôle d’installations électriques. Cette capacité de mesure est de facto embarquée dans le système. L’alarme est déclenchée à partir du moment où un certain seuil de température est dépassé, seuil qui a été préalablement prédéterminé.
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Quels sont les avantages de ces deux technologies par rapport à la détection incendie traditionnelle ?
R. J. Je ne sais pas si l’on peut parler d’avantages de ces technologies par rapport à la détection traditionnelle. Il est nécessaire de relativiser car la détection incendie traditionnelle fonctionne très bien là où elle est déployée. Je parlerai donc plutôt de complément apporté par ces technologies de vidéodétection, plutôt que d’avantages. Plus spécifiquement, ces solutions de détection incendie vont amener un plus dans des endroits où les systèmes de détection incendie traditionnels sont limités.
Le principal apport de ces technologies se fera dans des endroits où la détection traditionnelle peut devenir inefficace, où l’on ne déploie pas usuellement des détecteurs par aspiration de fumée ou des détecteurs ioniques, par exemple dans des bâtiments de très grande hauteur – que l’on peut retrouver dans le domaine de la logistique ou de l’industrie – ou encore, concernant les systèmes de détection de chaleur, dans des cas où une détection incendie en extérieur doit être envisagée.
Mais elles ne présentent pas forcément d’avantages dans les situations où la détection traditionnelle est déjà déployée et opérationnelle.
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Quelles sont les limites d’utilisation de l’un ou l’autre des deux systèmes de vidéodétection évoqués, la détection de fumées/flammes et la détection de chaleur ?
R. J. Quand on utilise des caméras qui produisent de l’imagerie dans le domaine visible, celles-ci présentent certaines capacités à retranscrire les couleurs, les contrastes. Cette performance d’imagerie est essentielle, et va notamment imposer des contraintes sur l’installation. Par exemple, on ne peut assurer une détection réellement efficace que dans des endroits uniformément éclairés et de façon continue, jour et nuit. Ce sont des contraintes spécifiques à l’utilisation de ce type de caméras.
Par ailleurs, si les algorithmes utilisés dans les systèmes de détection de fumées et de flammes par analyse d’images permettent à eux seuls une identification performante des phénomènes visés, le mode de fonctionnement des systèmes de détection de chaleur implique une vigilance plus accrue. En effet, il y a beaucoup d’événements autres que l’incendie qui peuvent conduire à une production de chaleur. La problématique de détection de chaleur et d’identification d’un incendie passe par une gestion des fausses alarmes plus complexe.
Dans le déploiement de chaque technologie, il est donc important de cerner les critères de performance intrinsèque des produits et les exigences de réalisation de l’installation qui permettent de tenir de compte de ces limites. D’où la nécessité d’une évaluation en laboratoire de ces systèmes.
Peut-on parler de caméras dites « intelligentes » pour ces systèmes de vidéodétection ?
R. J. Pour commencer, Il faut prendre garde à ne pas faire référence à la seule caméra, mais au système de vidéodétection dans son ensemble. En effet, l’analyse n’est pas nécessairement embarquée dans la caméra. Ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui « intelligence », ce sont des algorithmes préalablement définis, qui ne s’enrichissent pas eux-mêmes. Demain, on aura des systèmes qui auront des solutions de machine learning ou de deep learning, en clair d’intelligence artificielle, qui seront capables de s’auto-alimenter en expérience positive ou négative sur des scénarios d’incendie existants. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, donc je ne qualifierais pas ces technologies actuelles de vidéodétection de « solutions intelligentes ».
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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